Après une très belle sixième place la saison passée, la Real Sociedad continue sur sa lancée. Leader au coude-à-coude avec l’Atlético de Madrid (mais avec trois matchs de plus), les Basques sont tout sauf une surprise. Au milieu, un homme étale, chaque week-end, toute l’étendue de son talent. Rugueux mais indispensable, Mikel Merino est un incontournable de la Real. Portrait.
Les filets tremblent deux fois ce mercredi 8 juin 2016. Mikel Merino, alors pièce maîtresse du CA Osasuna, son club formateur, inscrit le premier et le seul doublé de sa jeune carrière. Son équipe, alors en seconde division, décroche de justesse une sixième place qualificative pour les playoffs et les Gorritxoak espèrent terminer la saison en beauté. Mikel marquera même au match retour et peut commencer à rêver d’une ascension. Sept jours plus tard, l’objectif est rempli après les victoires 2-1 puis 1-0 face à Girona. Mais Mikel ne jouera jamais en Liga sous les couleurs d’Osasuna. Il est transféré pour 3,75 millions d’euros au Borussia Dortmund.

Loin des yeux, loin du cœur
La Navarre occupe une place toute particulière dans la vie de Mikel Merino. Né à Pampelune, il a été bercé très tôt par le football. Son père, Angel Merino, a porté les couleurs d’Osasuna pendant six ans. Il jouera également au Celta Vigo et à Leganés, entre autres, mais laissera une trace toute particulière à Pampelune. Une empreinte suffisamment importante pour que Mikel souhaite suivre celle de son paternel. C’est donc à Osasuna qu’il découvre le football. Et très tôt, il se fait remarquer par la fédération espagnole. Mais à 17 ans, son club connaît d’importants problèmes financiers, et accepte de le céder pour une somme comprise entre un et deux millions d’euros à un club français. Le transfert finit par ne pas se faire. Mikel reste en Espagne.
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Il attendra trois ans avant de voir du pays. Trois ans et une ascension, donc. À l’été 2016, c’est en Allemagne que l’histoire du Basque continue de s’écrire. Sous les ordres de Thomas Tuchel, à Dortmund, il connaît une saison difficile, avec seulement 8 matchs de Bundesliga. Il ne se sent pas à l’aise, est triste, mais s’accroche et fini par être prêté à Newcastle où sa saison sera meilleure (24 matchs de championnat). Acheté par les Anglais à l’issue de celle-ci, le 1er juillet 2018, il n’a pas le temps de défaire sa valise qu’il se voit transférer douze jours plus tard. Direction la maison.

Mikel Merino, facilitateur de jeu
Son retour en Navarre lui fait le plus grand bien. À quelques dizaines de kilomètres de son cocon familial, à San Sebastián, il retrouve une Liga qu’il n’avait jamais vraiment quittée des yeux. Le meilleur exemple de son regain de forme est son titre de champion d’Europe avec les U21 espagnols en 2019 (son deuxième titre continental après celui décroché avec les U19 en 2015 ; il était alors joueur à Osasuna).
Au milieu de terrain, il se révèle vite incontournable. Joueur rugueux, il n’est pourtant pas méchant sur le terrain. Certes, il cumule 48 fautes depuis le début de la saison en championnat et Europa League, soit 2,5 par match (2,3 la saison passée), mais ce ne sont jamais des fautes dangereuses, ni pour son adversaire, ni pour son équipe. Il sait quand les commettre – pour stopper une contre-attaque ou couper le jeu – et sait où les commettre – rares sont les fautes commises près de sa surface de réparation. Certains parleront « d’expérience ».
Imanol Alguacil en a fait un de ses joueurs clés. Après Remiro, le portier, il est celui qui compte le plus de temps de jeu depuis le début du championnat : 1 029 minutes sur 1 260 possible. Si on ne peut pas vraiment le considérer comme meneur de jeu, il est, en revanche, un facilitateur de jeu. En touchant en moyenne 60 ballons par match, il organise et distribue. Ses nombreux déchets peuvent étonner (seulement 76,1 % de passes réussies cette saison), mais le jeu de la Real Sociedad veut qu’il joue vite, dans les espaces, entre les lignes ou dans le dos de la défense, quitte à prendre des risques. Son pied gauche et sa très bonne vision du jeu le lui permettent.


En se plongeant dans le type de passe que tente Merino, on se rend vite compte que sa palette de jeu est variée. Passes courtes (entre 4 et 14 mètres), passes moyennes (entre 14 et 27 mètres) ou passes longues (plus de 27 mètres), Merino n’hésite jamais, quitte à perdre la balle. Car ce sont les passes longues distances qui plombent ses statistiques (76 réussies sur 134, soit 56,7 %). Le déchet est moindre avec ses passes courte (299/372) ou moyenne distance (278/329).
Des passes qui font la différence, comme en témoigne les actions dont il est à l’origine. Dans les 30 derniers mètres, il a réussi 94 passes ; 23 dans la surface de réparation adverse. Alors malgré son positionnement bas sur le terrain, il fait du dépassement de fonction son quotidien et se plaît à apporter le danger : il est à l’origine de 40 actions dangereuses, soit un peu plus de 2 par match.
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Cette efficacité peut s’expliquer par la prise d’information. Le regard est un élément important dans le jeu de Mikel Merino. Il a su le développer années après années jusqu’à en faire une habitude. Il sait constamment où il se situe, où ses adversaires se situent et surtout où ses coéquipiers se situent. Cela lui permet de ressortir le ballon plus facilement et de se projeter plus aisément vers l’avant sans pour autant se mettre en échec. En effet, il n’a commis aucune erreur ayant menée à une action adverse cette saison. Précieux et précis.
Mikel Merino, un atout de taille
Joueur box-to-box, son placement entre les lignes lui permet d’apporter le nombre en phases offensives. Mais il se distingue également pour son apport défensif. Avec son mètre quatre-vingt-huit, il est précieux dans les duels aériens. Si son match contre Barcelone, cette semaine, a été plus compliqué (1 duel remporté sur 5), il tourne d’habitude à 65 % de duels gagnés (71/109).

Sa grande taille lui permet également d’apporter un danger supplémentaire dans la surface de réparation lors de coups de pieds arrêtés ou d’attaques placées. C’est de cette manière qu’il a marqué 7 de ses 20 buts.

Jamais avare d’efforts, il ne lésine pas sur le pressing. Lors des pertes de balles, il est le premier défenseur. Son pressing, parfois haut sur le terrain (70 fois dans les 30 derniers mètres) lui permet de récupérer beaucoup de ballons : 19 interceptions, 23 tacles remportés, 34 blocks, soit une moyenne de 4 récupérations par match.


À 24 ans, Mikel Merino est aujourd’hui l’un des meilleurs milieux de Liga. Mais sa marge de progression est encore grande. Parmi les reproches que les observateurs peuvent lui faire il y a ses replis défensifs qui manquent parfois un peu de tranchant. Au contraire, il pourrait s’améliorer en limitant le nombre de fautes commises, ces dernières étant parfois inutiles. Mais son principal axe de progression est son efficacité devant le but. Si son travail n’est pas d’effectuer la passe finale, mais celle qui précède, on pourrait lui reprocher son manque de rendement : deux passes décisives cette saison, un seul but (avec un xG de 2,69). La découverte des compétitions européennes lui permettra d’accumuler de l’expérience. Pour qu’un jour il fasse de nouveaux trembler les filets deux fois en 90 minutes.