Après le doublon Finlandais, les biathlètes avaient rendez-vous en terre autrichienne. Les conditions différentes des deux premiers week-ends de course, avec notamment une altitude plus importante, ont permis de rabattre un peu les cartes. Si les Norvégiens dominent encore, tant chez les hommes que chez les femmes, les autres nations commencent à faire leur retard. Le CCS dresse son bilan des tops, des déceptions, des progressions après les 6 courses autrichiennes. Et pour finir la traditionnelle rubrique sur les Français.
Le haut niveau
Les Norvégiens
Le biathlon est né dans les forêts Scandinaves et il redevient la propriété des Norvégiens. Si la France pleure la perte de Martin, elle peut pleurer également sur celle de Siegfried Mazet. Lui est encore en activité coach le meilleur collectif de la Coupe du Monde. Non content d’avoir dominé les courses Finlandaises, Boe et compagnie, ont profité de la baisse de régime de Sebastian Samuelsson pour asseoir leur domination. Allez quelques chiffres qui témoignent de la mainmise norvégienne : 5 courses, 3 victoires, 8 podiums, 20 tops 10 et les meilleurs temps de ski. Facile avec Johannes dans son équipe, se dit-on ?

Que Nenni, le leader du classement général, n’a remporté aucune victoire lors du doublon autrichien, preuve du niveau exceptionnel de cette nation. C’est Sturla Olm Laegreid qui a tiré son épingle du jeu. Grâce à un tir exceptionnel (94% sur la saison), le sniper Norvégien a fait le doublé sprint-poursuite lors du 2ème week-end et fait un 5/5 pour les places dans le top 10. Il est à la fois la surprise et l’homme en forme de ce début de saison. Contrairement à Boe, il ne se pose pas de questions et profite de son assurance au tir. La course au globe se résume pour l’instant à un choc entre coéquipiers : le jeune qui monte contre la star en plein questionnement.
Les Norvégiennes
Focus sur un autre groupe, chez les féminines cette fois-ci, qui domine également. Suède, France, Allemagne ? Non la Norvège encore. Le duo Roeiseland-Eckhoff a été encore plus létal que les hommes avec 4 victoires en 5 courses. Aidées par leur compatriote Tandrevold, elles ont également conquis 8 podiums et 12 tops 10 avec comme pour les hommes les meilleurs temps de ski. Le plus incroyable est intervenu vendredi avec un triplé sur le sprint le lendemain du triplé des hommes sur la même épreuve. Tout simplement imbattables en terres autrichiennes. Le premier doublon avait été à l’avantage des Suédoises, mais les sœurs Oeberg ont été plus en retrait sur les cinq courses d’Hochfilzen avec notamment, un tir moins bon qu’à Kontiolahti.

Les belles performances
Marketa Davidova
La Tchèque progresse chaque année. Tant et si bien qu’elle frappe aux portes du top 10 au général grâce à trois tops 10 sur le doublon Autrichien. Si le ski est un vrai point fort avec en moyenne une place parmi les dix meilleures à ski, c’est son tir qui lui pose plus de problème. S’il est en légère augmentation générale (+2% par rapport à l’année dernière), son pourcentage au debout est pour l’instant rédhibitoire (77%) pour lui permettre d’espérer un podium. Sa mass-start de dimanche (19/20 et 8e temps de ski) doit-être la voix à suivre pour glaner une victoire.
Dorothea Wierer
Elle avait dit elle-même qu’elle n’attaquait pas la saison en forme et qu’il lui faudrait un peu de temps. Elle remontre déjà le bout de son nez en signant cinq tops 10 sur les cinq courses d’Hochfilzen. Un podium pour finir malgré une chute et surtout elle n’a pas loupé de cible au dernier debout.
« Je suis vraiment contente d’être de retour sur ce podium. C’était très serré jusqu’au bout. Je fais une erreur, mais j’ai réussi à faire un tir parfait sur le dernier debout, et c’est vraiment bien “
source l’Equipe
Si en ski, elle ne figure pas encore dans les dix meilleurs du classement, son excellent tir (plus de 90%) lui permet de bien figurer.
« Les choses vont dans le bon sens, même si pour le moment je ne me sens pas aussi forte que l’an dernier. Je ferai des entraînements spécifiques lors de la période de Noël, en plus, bien sûr, de me reposer. »
source IBU

Elle semble pourtant avoir un peu abandonné la course au gros globe.
“Cette saison, le dossard jaune ça ne va pas être possible. Les filles en face de moi sont vraiment très fortes, mais on ne sait jamais. »
source l’Equipe
Pour mieux se concentrer sur les Championnats du Monde ?
Franziska Preuss
Après deux premiers week-ends en retrait, l’Allemande a obtenu son premier podium lors du 1er sprint d’Hochfilzen et a bien enchaîné par la suite pour finir avec cinq top 10 sur les cinq courses autrichiennes. Grâce à un tir stable par rapport à l’année et un vrai step franchit sur les skis (hors top 20 en 2019, 12e en moyenne cette année), elle semble pouvoir espérer mieux que sa 6e place au classement général de l’année dernière. C’est tout le mal que l’on souhaite à l’équipe Allemande qui peine à trouver la relève de Laura Dalmheiher, dernière Allemande victorieuse de la coupe du monde.
Dzinara Alimbekava
Elle aurait pu être dans les tops ou même les régressions. Elle a loupé son dernier week-end de course. Dès lors que retenir ? Sur-performance lors des trois premiers week-ends ou coup de mou lors du dernier. Elle a attaqué le doublon autrichien pour une victoire sur le sprint et une 2e place sur la poursuite avec notamment deux 100% au tir. Mais ce week-end, elle a craqué au tir sur le sprint avec seulement un 7/10. Elle est bien remontée sur la poursuite, mais a rechuté sur la mass-start avec un 16/20, loin de son 90% sur l’année pour finir 20e. Pour elle qui n’est pas une fusée sur les skis, bien tirer est indispensable. Nul doute qu’elle fera son retour dans le top 10 lors de la reprise après avoir digéré son exceptionnel début de saison. Le bilan malgré la contre-performance finale est exceptionnel pour la Bélarus.

Martin Ponsiluoma
Le suédois aurait pu figurer dans les tops, mais son tir encore trop aléatoire ne lui permet pas encore de figurer de façon régulière dans le top 10. Alors qu’il n’était que 27e en moyenne sur les temps de ski, il est 6ème en moyenne cette année. Cette énorme progression n’est pas encore associée par un tir précis. S’il affiche un bon pourcentage au debout (84,3%), son tir couché est trop faible (78,6%). Il obtient son deuxième podium de la saison (3 en carrière). Il cède malheureusement face au dinosaure Arndt Peiffer lors du sprint final de la Mass-start, alors qu’il pouvait obtenir sa première victoire. Il doit continuer sur cette lancée et trouver une régularité.

Arndt Peiffer
Difficile de ne pas parler de l’allemand tant sa performance était inattendue. La recette pour lui ? Un 100% au tir. Les deux seules fois qu’il a réussi à blanchir toutes les cibles, il finit 2e du sprint de Kontiolahti et donc 1er de la Mass-Start de Hochfilzen. Il ne s’agit là “que” de sa 11e victoire en 13 saisons sur la coupe du monde. Du haut de ses 33 ans, un peu à la manière d’un Jakov Fak, il s’offre de beaux souvenirs grâce à un tir toujours solide et des temps de ski dans la moyenne. Ne manque plus que la relève dans cette équipe, car même si Benedikt Doll fait quelques tops 10, il manque de régularité.
Les contre-performances
Sebastian Samuelsson
Après avoir tenu tête aux Norvégiens en Finlande, le suédois a eu plus de mal à enchaîner en Autriche. S’il n’est pas du tout un flop, sa baisse de régime est un peu décevante. S’il n’est pas monté sur le podium, il obtient tout de même quatre tops 10 ce qui lui permet de rester 3e au classement général. Il confirme néanmoins qu’il a passé un vrai gap cette année. Malgré des temps de ski moins bon en Autriche, il est 8e en moyenne sur les skis, classement bien supérieur à sa 29e position moyenne de l’année dernière. Son tir connaît également une progression fulgurante, passant de 80,8% l’année dernière à 89,3% cette année. Il est un candidat légitime au top 5 mondial en fin d’année, lui qui n’a jamais fait mieux qu’une 22e place au général. A confirmer
Denise Herrmann
Malgré un tir plus performant (+5% de précision), l’Allemande a du mal en ce début de saison. Un peu moins rapide sur les skis, ses fautes au tir interviennent souvent au mauvais moment. Deux points en dehors du top 20 avec seulement des 7/10 au tir, rappelant son 1er sprint de Kontiolahti. Dès lors, la poursuite se fait en mode remontada impossible. Malgré un bon tir (18/20) et le 3e temps de ski, elle n’a pas fait mieux qu’une neuvième place sur la mass-start. Elle va avoir du mal à se mêler à la course au top 5 mondial si elle ne retrouve pas son niveau de l’année dernière.
La Russie
39 courses consécutives sans podium. Indigne pour une nation telle que la Russie. Si Alexander Loginov semble en progrès, il n’apparaît qu’à la 15e place du général. Aucune féminine dans le top 30 mondial. La situation est tellement critique que MatchTV, un média russe, a promis une prime de 100 000 roubles (1 100€ environ) au premier biathlète russe qui obtiendra un podium. Cette blague, qui fait grincer des dents dans l’équipe, est l’expression de l’impatience des fans d’un sport populaire dans ce pays.
Les Français
Le bilan des Français est difficile à établir. Le meilleur résumé pourrait être : “si proche et pourtant si loin”. Voyons le verre à moitié plein après ce deuxième doublon.
Honneur aux femmes pour commencer. Que ce soit Julia, Justine ou Anaïs Chevalier-Boucher, elles sont toutes les trois très rapides sur les skis et enchaînent les tops 10 sur les temps à ski. 6e en moyenne pour Justine, 7e en moyenne pour Anaïs, Julia a également été plusieurs fois dans les trois meilleures à ski.
Le problème de l’équipe se situe au niveau du tir avec des problèmes différents chez chacune. Si Justine a gagné 13% de précision sur le tir couché, son tir debout n’a jamais été aussi faible avec 72,9%. Cette faiblesse la prive inéluctablement de possibilité de lutte pour la victoire surtout sur les épreuves à vingt tirs. Après plus d’un an d’arrêt Anaïs a semble t’il perdu ses repères au debout. Même moyenne que Justine et moins bon pourcentage au couché que sa coéquipière. Difficile de viser le top 10 mondial avec seulement 77,1% de moyenne au tir. C’est finalement Julia qui tire le mieux avec 82,9% de précision. Aussi précise debout que couché, il lui faudra augmenter sa moyenne sur ce dernier exercice si elle veut prétendre à plus. Elle a quand même obtenu trois places dans les 10 meilleurs à Hochfilzen, mais c’est la seule Française qui engrange des tops 10 sur cette double étape.

Le relais féminin est l’occasion pour les filles de travailler pour un objectif commun et ça leur réussit ! Une nouvelle fois seconde de l’épreuve par équipe, elles ont malgré tout eu recours à 16 balles de pioches, prouvant une nouvelle fois les difficultés actuelles.
La trêve sera l’occasion pour nos bleus de rectifier le tir. Elles ne sont pas loin des belles places, mais le tir est un exercice tellement difficile et psychologique, que la marche est encore haute. Maux de tête à prévoir pour le coach de tir Jean Paul Giachino. C’est finalement le DTN Stéphane Bouthiaux qui résume bien la situation :
« Sur un sprint, le 9/10 est le salaire minimum, le 8/10 n’est pas suffisant pour aller choper le top 5. Mais on est tout près avec les filles, il faut juste avoir le déclic ! »
source l’Equipe
Du côté des hommes, pas de problème au tir. Toutes les statistiques de tir sont en hausse : +5% pour Quentin, +3% pour Emilien, +7% pour Antonin, seul Fabien Claude stagne et est un peu faible au couché (78,6%).
A Hochfilzen, les bleus ont eu un bien meilleur bilan : 1 victoire, 5 podiums, 13 tops 10. Un beau doublé lors de la première poursuite nous a apporté un beau moment d’émotion. Il ne manque pas grand chose pour obtenir les quelques places supplémentaires pour jouer la gagne. Quentin et Emilien sont respectivement 5e et 6e au général, plombés par leur contre-performance sur le 2e sprint de Kontiolahti, mais l’avenir s’éclaircit comme le dit justement Emilien :
” Je pense que je suis dans les clous sans avoir pour autant montré tout ce dont j’étais capable. “
source Le Dauphiné
Le Français nous a tout de même procuré de belles émotions avec son attaque incroyable sur Johannes Boe lors de la poursuite.
Si les Français ne sont pas mieux classés c’est avant tout dû au niveau général qui est exceptionnel cette année, avec les Suédois qui sont dans le match pour les podiums. Il faudra continuer à progresser à ski tout en conservant ses performances au tir. Nous devrions revoir le drapeau bleu-blanc-rouge sur les podiums de la coupe du monde en 2021 avec en point de mir les mondiaux de Pokljuka. Les Bleus répondent présent !
Après seulement quatre week-ends de courses, la trêve arrive déjà. Se sera l’occasion pour le gratin mondial de recharger les batteries. Les mondiaux arrivent vite et la saison s’annonce encore longue. Chez les femmes, le match Norvège-Suède sera arbitré par Alimbekava et Wierer. Chez les hommes, les Français ont bombé le torse et montré à la Suède que c’étaient bien eux les challengers des Norvégiens. Et n’oublions pas que si nous pouvons assister à toutes ses courses, c’est grâce aux efforts fait par l’IBU et les différentes nations. Aucun cas de COVID ne vient perturber le circuit mondial. Rendez-vous à partir du 8 janvier 2021 pour un double week-end en terre Allemande, à Oberhof.