On ne le répète jamais assez : le football est un sport de temps et d’espace. Si l’on prend en considération cet aspect, tenter de gagner du temps est un véritable enjeu. Dans ce cas, la vitesse des joueurs est primordiale, mais elle l’est bien moins que celle du ballon. Personne n’est plus rapide que le ballon. C’est pourquoi la passe claquée jouit d’un crédit immense. Capable de changer le cours d’une action, et même d’un match, il est temps de passer en revue pourquoi la passe claquée est l’élément pertubateur.
On l’as tous eu dans notre classe, l’élément perturbateur. Celui qui bouge, qui gêne, qui défie l’autorité. Le parallèle est facile avec ce que l’on peut voir sur le terrain. Autre parallèle facile : l’élément perturbateur est aussi celui qui bavarde, ou qui attise les bavardages par ses différentes amusettes. La passe claquée est cet élément permettant de lier les coéquipiers, de créer une synergie dans le ballon et par le ballon. Si les passes claquées se succèdent, le ballon prend en force, en vitesse. Comme la compréhension et l’entente entre les coéquipiers.
A l’intersection pied-cerveau
L’élément perturbateur est aussi partagé entre ces deux entités, son corps et son cerveau. Son besoin intense de s’exprimer, de bouger, d’être constamment en action. Et ses réflexions constantes, parfois pertinentes, parfois insensées. Le pied est, pour le joueur, une arme, celle qui permet de réaliser ce qui se passe dans son cerveau. Sa zone de pied oriente sa passe, sa jambe lui octroie la puissance et le timing. Tandis que le cerveau se charge de penser, de voir. En multipliant ces passes-là, la balle circule rapidement et dans toutes les zones, et la volonté de réfléchir et d’agir rapidement est prépondérante.

C’est dans cette veine-là que le toro, ou les espaces en jeux réduits, sont très utilisés par les centres de formations cherchant à développer un jeu protagoniste avec ballon. D’autant que la passe claquée oblige à une certaine force qui, dans une simple réflexion motrice, oblige le jouer à finir son mouvement en reprenant ses appuis. Ces appuis-là peuvent sont alors une arme permettant de se remettre dans un mouvement de course afin de proposer une solution. Encore à l’intersection pied-cerveau. Prenons l’exemple du PSG, équipe que nous voyons tous jouer chaque année. Quels sont les joueurs les plus à même de réaliser des passes claquées efficientes ? Au vu de leurs qualités, Neymar, Veratti, Kimpembe sont, chacun dans leurs lignes, hypothétiquement les joueurs à la connexion pied-cerveau la plus développée, à la qualité technique la plus aiguisée. Est-ce un hasard ?
Désorganiser l’adversaire (ou le professeur, c’est selon)
“La qualité de passe, déjà. C’est ce qui vous permet d’accélérer le jeu, de faciliter la progression de votre équipe. Il vous faut être capable de claquer une belle passe qui va permettre de faire avancer l’équipe ou d’aérer le jeu.”
Baptiste Santamaria dans les colonnes de France Football
C’est aussi le but de l’élément perturbateur : désorganiser la classe. Faire en sorte que la rébellion prenne, que l’adversaire (ici le professeur) soit mis à nu, ridiculisé. La volonté de réaliser une passe claquée se situe dans cette idée-là. Parce que la passe claquée permet, même dans son tiers défensif, de casser les lignes. Elle permet aussi de trouver les intervalles d’ailleurs, s’engouffrant à une vitesse folle dans des espaces réduits. Dans l’excellent article de Beauty Football sur l’Athletic de Marcelo Bielsa, l’importance de la passe claquée est soulignée. “Ayant constaté les qualités techniques de sa charnière et d’Iturraspe dans la passe courte et moyenne distance, Marcelo Bielsa leur demande aussi de casser des lignes par des passes verticales et claquées.”
Surtout que, comme on le détaillait dans notre article consacré aux meneurs de jeu excentrés, le football se complexifie au fur et à mesure que les joueurs ont de moins en moins de temps et d’espace pour s’exprimer. Les blocs étant de plus en plus regroupés et tactiquement préparés, la passe claquée permet de contourner tout ceci. Car même quand les adversaires orientent leur pressing vers certaines zones, couvrent les lignes de passes, gardent leurs lignes alignées, la passe claquée peut se transformer en passe laser. Il faut le dire: les joueurs sont de mieux en mieux formés et informés. Par conséquent, ils sont d’autant plus capables de comprendre la manière dont le jeu est dicté et dont l’adversaire est organisé.
A la réception de la passe claquée
Sans réception, l’élément perturbateur n’existe pas. Si ses camarades ne lui portent aucune attention, ne suivent pas ses blagues, il rentre dans le rang. Même histoire sur le terrain. La force distribuée dans ce type de passe ne peut être sous-estimée. Par conséquent, la touche de balle qui suit doit être adaptée. Deux solutions se présentent alors. D’abord, la solution individuelle. La passe claquée permet énormément de passes dans les pieds, ce que les joueurs dribbleurs aiment énormément. Dans ce cas, notamment si le joueur reçoit le ballon dos au but, la passe claquée permet d’orienter sa prise de balle plus facilement, une simple touche de balle guidant le ballon dans la direction voulue. Et si la passe claquée est reçue en pleine course, même constat. La force de la balle permet de pouvoir varier : laisser passer le ballon pour mieux le récupérer, le toucher pour garder la même direction ou au contraire, pour rompre la course et changer de direction.

D’autre part donc, la solution collective. Comme soulignée plus haut, elle permet de créer du lien. En ce sens, les déviations, au sol, ou les remises, sont d’autant plus faciles lorsque la passe est claquée. D’autant que si la remise est bien faite, la vitesse emmagasinée par l’action permet au remiseur de se déplacer et de perdre son défenseur, qui doit choisir entre suivre son joueur ou sortir sur le ballon. Une autre manière de désorganiser le bloc-équipe adverse, dans la profondeur.
Dans sa recherche universitaire, Pr. Alain Lemoine définissait la passe comme “ le lien entre les joueurs, leur vocabulaire commun où chacun apporte un mot pour élaborer une phrase ayant un sens reconnu par l’ensemble de l’équipe.” A nous de décider alors, où est la place de la passe claquée dans cette phrase.