Biathlon Sports hiver

Tiril Eckhoff, une championne au style unique

Le biathlon norvégien est en pleine forme. Chez les hommes, ils sont cinq parmi les huit premiers au général, chez les femmes elles sont quatre parmi les dix premières. Si Marte Olsbu Roeiseland est intraitable en ce début saison, récemment élue championne des championnes Monde 2020, une autre norvégienne fait les gros titres dernièrement : Tiril Eckhoff. Capable du meilleur comme du pire, cette biathlète si attachante nous rend fou sur les skis et peut nous laisser un échapper un cri de joie ou d’effroi à chaque passage sur le pas de tir. A maintenant 30 ans, elle rayonne depuis 2 saisons sur le circuit coupe du monde. Retour sur une biathlète pas comme les autres.

Le biathlon, une histoire de famille

Née en 1990 à Baerum en Norvège, Tiril est très vite tombée accroc au biathlon et à la compétition, le sport de famille chez les Eckhoff.  Sa grande sœur Kaja est restée en catégories jeunes sans aller sur le circuit coupe du monde, alors que son grand frère Stian Eckhoff, de 11 ans l’aîné de Tiril, a connu les joies de la victoire en coupe du monde et en championnats du monde. Il dirige d’ailleurs l’équipe féminine norvégienne depuis la saison 2014-2015. Une histoire de famille on vous l’a dit.

I definitely got it from family – my siblings were competing on a high international level – but they are some years older than me so we never competed against each other. They inspired me more than encouraged me – I wanted to be better than them.

Tiril Eckhoff pour Bontena en Novembre 2018
Stian et Tiril Eckhoff (Crédit : International Biathlon Union)

Elle a commencé le biathlon au club de Fossum IF, avec comme coaches Steinar Mundal et… Stian Eckhoff, toujours lui. Quand on lui demande ce que ça fait d’avoir son frère come entraîneur, Tiril répond souvent que ça a des bons et des mauvais côtés.

Sometimes it’s really good to have your brother nearby, with all the travel and everything. Sometimes it’s like hell. He’s my brother, and we fight sometimes.

Pandagossips

Un flèche sur les skis

En bonne norvégienne, Tiril Eckhoff a construit sa carrière avant tout sur les skis. Arrivée sur le circuit professionnel lors de la saison 2010-2011, elle ne cesse de progresser et a atteint le niveau des meilleurs à ski dès ses 23 ans lors de la saison 2013-2014. C’est simple, depuis 2014, Tiril n’est sortie que trois fois du top 20 sur les skis. Elle est chaque année parmi les six meilleurs à ski sur l’ensemble de la saison. Vous l’aurez compris, les statistiques parlent pour elle, Tiril Eckhoff glisse très (très) vite.

Crédit : Ski-nordique.net

C’est d’ailleurs grâce au ski qu’elle remporte ses premiers succès sur le circuit mondial. C’est sur le Sprint que Tiril réussit le mieux, avec déjà 7 victoires en carrière, dont sa première à Östersund fin 2014. Un peu plus tôt cette même année, Tiril touchera le graal avec trois médailles olympiques à Sotchi, dont une surprenante médaille de Bronze en Mass-Start et l’Or en relais mixte aux côtés de Tora Berger, Ole Einar Bjorndalen et Emil Hegle Svendsen, rien que ça.

Tant de talent sur une même photo… (Crédit : LaDepeche.fr)

Le feu et le froid derrière la carabine

Si Tiril Eckhoff a les temps de ski d’une multiple championne olympique, il reste encore de la place dans son armoire à trophées, la faute à une réussite au tir très variable. Si son tir couché est relativement stable en début de carrière, au-delà de 85% de réussite, elle subit une baisse de régime de 2016 à 2019, avec 80% de réussite. Quand au tir debout, avant la saison dernière (2019-2020), Tiril n’avait jamais fait mieux que 76% de réussite sur une saison. Quand les statistiques montrent que le top 10 du Général est quasi-inatteignable en dessous de 80% de réussite au debout, c’est un handicap sérieux pour la norvégienne.

Dans son malheur, Tiril Ekchoff a la chance d’alterner le très bon et le vraiment moins bon au tir, ce qui lui permet de réaliser de temps en temps de très beaux résultats. Elle est capable de réaliser des courses à 19/20, comme sur la Mass-Start remportée à Holmenkollen en 2017, mais aussi de complètement planter ses tirs, comme sur le Sprint d’Hochfilzen cette même année 2017, avec un 4/10 et une soixante-dix-huitième place. Un fan de foot nous dirait qu’il vaut mieux rater une fois cinq balles que cinq fois une balle…

Tiril Eckhoff remporte sa remière Mass-Start à Holmenkollen en 2017 (Crédit : Sport 365)

Cette irrégularité a pour origine la vue de Tiril Eckhoff. En 2017, on lui diagnostique une fausse myopie, entraînant une vision floue par moments, expliquant ses trous d’air sur le pas de tir. Un long travail avec une opticienne, nécessitant une nouvelle approche du tir, va lui coûter une partie de sa saison 2017-2018, mais pour des jours meilleurs ensuite.

Jusqu’à fin 2019, Tiril Eckhoff a donc remporté sept courses en Coupe du Monde mais aussi sept médailles en championnats du monde dont quatre en Or. Si la plupart ont été glanées en relais, Tiril a tout de même emporté l’Argent sur la Poursuite d’Östersund en 2019 et l’Or sur le Sprint de Holmenkollen en 2016, sa spécialité. A Pyeongchang, malgré une saison décevante, elle ira chercher une nouvelle fois le Bronze sur la Mass-Start, et l’Argent sur le relais mixte, seulement battue par nos 4 fantastiques bleus.

A droite, Tiril Eckhoff a une nouvelle fois obtenu le bronze sur la Mass Start aux JO, à Pyeongchang cette fois (Crédit : France Bleu)

Un nouveau coach pour un envol programmé

Le nom de Tiril Eckhoff est entré dans vos têtes lors de la saison 2019-2020, et plus particulièrement en Décembre 2019 lorsqu’au Grand Bornand, la norvégienne remporte avec une maîtrise incroyable les trois courses du week-end, le triplé mythique Sprint – Poursuite – Mass-Start ! Surtout, c’est son aisance derrière la carabine qui a surpris, car même si elle était très forte à ski, elle a résisté psychologiquement à la pression pour assurer ses tirs.

Tiril Eckhoff a survolé le week-end du Grand Bornand avec 3 victoires en 3 courses ! (Crédit : Sport.fr)

Cette réussite au tir va se poursuivre tout au long de la saison, où Tiril remporte sept courses individuelles et le petit globe de cristal de la Poursuite. Malheureusement, de légers trous d’air sur la fin de saison vont lui coûter le gros globe, remporté par le sniper Dorothéa Wierer, plus régulière. Ces mêmes trous d’air empêcheront Tiril de briller individuellement sur les championnats du monde d’Anthoz début 2020, où elle remportera tout de même deux fois l’Or en Relais et Relais Mixte.

Tiril remporte le globe de la poursuite début 2020, mais rate de eu le gros globe de cristal… (Crédit : ski-nordique.net)

Si Tiril Eckhoff a tant progressé au tir, avec son meilleur pourcentage sur une saison en carrière, elle le doit en partie à la résolution de ses problèmes de vue deux plus tôt mais aussi et surtout à son coach de tir, l’italien Patrick Oberegger, qui a rejoint les rangs norvégiens fin 2018. Celui qui a fait exploser Wierer et Vittozi n’a pas tardé à transformer Tiril Eckhoff en très bonne tireuse, venant compléter ses qualités à ski et lui permettant s’approcher de la perfection sur certaines courses. C’est surtout le verrou mental qui a sauté d’après lui.

Je ne suis pas surpris de ce que Tiril réussit en compétition, elle le fait souvent à l’entraînement. Maintenant, elle a pris confiance en elle. Je suis heureux de sa réussite car elle a énormément travaillé.

Patrick Oberegger, le coach de tir de Tiril Eckhoff

Fin 2020, une frayeur puis la confirmation

A Kontiolahti en Finlande, on a cru revenir dans le passé. Malgré de bons temps de ski, Tiril Eckhoff se loupe complètement sur son premier week-end, avec une soixante-septième place sur l’Individuel puis une quarante-troisième sur le Sprint. Mais le problème est ailleurs. En avant-saison, à Sjusjoen en Suède, dans des conditions difficiles pour les poumons, Tiril Ekchoff se plaint de problèmes respiratoires, non liés au coronavirus mais inquiétants. Si son suivi médical ne révèlera pas de maladie, on peut facilement comprendre qu’elle soit perturbée pour ses courses de reprise en coupe du monde.

Le premier week-end à Kontiolahti a été compliqué pour Tiril (Crédit : ski-nordique.net)

Surtout que depuis, la norvégienne rayonne. Huitième du second Sprint de Kontiolahti, elle enchaîne ensuite avec une victoire sur la Poursuite, puis deux super week-ends à Hochfilzen où elle compile 2 victoires et 2 deuxièmes places. Si bien que Tiril Eckhoff a passé les fêtes de fin d’année à la troisième place du classement général, derrière Roeiseland et H. Öberg. Il faut de plus garder en tête que les quatre moins bons résultats de la saison seront retirés aux biathlètes : avec deux zéro pointés pour Tiril quand ses adversaires ont marqués des points, ce petit calcul pourrait peut-être faire pencher la balance pour la norvégienne, pour le gros globe de cristal ?

Tiril Eckhoff rayonne sur le site d’Hochfilzen fin 2020 (Crédit : Dicodusport)

Une carrière maîtrisée

Si Tiril Eckhoff est aussi attachante c’est grâce à sa personnalité et ses activités hors biathlon. Toujours souriante, pas avare en déclarations osées, elle partage via ses réseaux sociaux une partie de sa vie et s’est créée une « marque personnelle », et le public adore. Très bien entourée et conseillée, Tiril étudie l’ingénierie au Norwegian Institute of Technology et répond très souvent aux sollicitations des médias et de ses nombreux sponsors, qui nous apprennent sa passion pour la couture.

Tiril Eckhoff pose pour une de ses marques partenaires, Mother Knitter (Crédit : Mother Knitter)

Tiril Eckhoff est une biathlète au sommet de sa carrière, pleine de fougue et toujours souriante. Inarrêtable sur les skis, elle a réussi à gommer peu à peu ses carences au tir, aussi bien techniques que mentales, pour atteindre un niveau exceptionnel depuis un an. Si elle possède encore parfois des trous d’air, les premiers week-ends de cette saison 2020-2021 nous ont montré qu’elle sera une nouvelle fois à la bagarre pour la conquête gros globe du général. Pour la conquête du public, c’est d’ores et déjà réussi.

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