Le petit blond de Boulogne-sur-Mer ne cesse d’impressionner. A 23 ans, il fait partie de ces diamants bruts de l’athlétisme français dont personne ne sait jusqu’où il pourra aller. Rien ne lui fait peur. Après avoir dominé chez les espoirs en cross, sur la route, et plus récemment sur la piste, il va pouvoir s’attaquer aux meilleurs athlètes du monde. Ce portrait vous donnera 10 bonnes raisons de suivre le phénomène Jimmy Gressier en 2021.

- Jimmy réveillonne à sa manière
- Jimmy voulait être pro comme Ribery
- Jimmy a plus de caisse que N’golo Kanté
- Jimmy est un gars déterminé
- Jimmy touche à tout
- Jimmy mange du Welch
- Jimmy est chef d’entreprise
- Jimmy a des projets pour les J.O.
- Jimmy boit du gin dans sa Chrysler
- Jimmy est un Lion
1- Jimmy réveillonne à sa manière
C’était le 31 décembre 2020 et Jimmy enchainait deux courses un peu à l’improviste. L’histoire d’une promesse faite à un pote de l’aider à battre son record sur 10 km dans la Foulée de Santiago Catrofe, à Barcelone. Il devait lui donner l’allure, puis lâcher son poulain à mi-course.
Le hic c’est que 25 minutes plus tôt, Jimmy participait à la course 5 km, qu’il remportait en 13 min 39 s avec une arrivée au sprint de patron.
Un peu entamé, il s’élancera quand même sur le 10 km à une allure tranquille. Et finalement son ami n’a plus besoin de lui, ok. Mais Jimmy a de bonnes sensations et à mi-course il commence à remonter en avalant les coureurs un par un, pour finir troisième en 28 min 13 s. Les spécialistes apprécieront le chrono. Le français Morhad Amdouni remporte la course en 27 min 42 s (deuxième meilleur performeur Français de l’histoire sur la distance sur route).
Bon normalement un truc comme ça n’existe pas. On n’enchaîne pas deux courses sur route à de telles allures, avec si peu de repos. La réaction de Jimmy ? “C’est sûr je vais me faire engueuler par les coachs, mais le principal c’est que j’ai pris énormément de plaisir en cette année compliquée. Ça fait du bien mais bon je pense que je vais quand même me faire engueuler”. Bonne année.

Il faut dire que si Jimmy n’a que quelques années d’athlétisme derrière lui, c’est une déjà une référence sur la route. Le 16 février 2020, il bat le record d’Europe du 5 km sur route avec un temps de 13 min 18 s, effaçant ainsi la précédente marque de 13 min 29 s du franco-suisse Julien Wanders. Il rejoint ainsi le cercle très fermé des cinq Français à être recordmans d’Europe en athlétisme : Jimmy Vicaut (100 m), Mahiedine Mekhissi (3000 m steeple), Kevin Mayer (décathlon, également recordman du monde) et Yohan Diniz (marche). Et maintenant Jimmy Gressier.
2- Jimmy voulait être pro comme Ribery
Jimmy Gressier est né le 4 mai 1997 à Boulogne-sur-Mer. Comme Franck Ribery, il vient du quartier du Chemin Vert. La réussite du joueur emblématique a inspiré beaucoup de jeunes de ce quartier populaire. Jimmy adore le foot, plus que tout, et c’est sans regret qu’il évoque son enfance, rythmé par le sport et les “conneries” des jeunes de son âge : « le foot, c’est pour se libérer, pour cracher sa haine, pour éviter de faire des conneries. Dès quatre ans, je jouais déjà dehors, mes parents me surveillaient d’en haut ».

Comme Franck Ribery, Jimmy commence à jouer chez les poussins du FC Conti, club où son papa est entraîneur. Il fera ensuite ses classes à l’ACO Aiglon, formé par le même coach que l’international français.
“Soit le sport me sortait du quartier, soit j’allais travailler à l’usine car j’aurais arrêté les études.”
J. Gressier
Sa passion pour le foot et ses qualités l’emmènent au meilleur niveau jeune. Capitaine de la sélection U17 nationaux de l’USBCO, il joue avec des futurs pro comme Colin Dagba, l’international espoir du PSG. Lui aussi ambitionne d’intégrer le groupe professionnel du club de Boulogne. Il veux devenir pro, comme Franck Ribery. Et ça aurait pu arriver s’il n’avait pas décidé de suivre les conseils de son préparateur physique, devenu depuis son entraineur en athlétisme. L’avenir dans le foot est trop incertain et il possède des qualités athlétiques exceptionnelles.
3- Jimmy a plus de caisse que N’golo Kanté
Jimmy est très bon footballeur. Bon techniquement, il possède avant tout une énorme activité sur le terrain. Le petit blondinet à la voix fluette aime à rappeler qu’il était à chaque fois le meilleur aux tests physique et qu’il a même battu N’Golo Kanté (lui aussi passé par l’US Boulogne) au test VMA. 22,45 km/h de mémoire de Jimmy. Costaud on vous dit.
Et ça commence à se voir. Jimmy n’arrête pas de se faire remarquer. Lui qui a commencé l’athlétisme très tard, sur les conseils de son prof d’EPS et de ses entraineurs de foot. A 16 ans il s’inscrit au cross départemental pour voir à quoi ça ressemble. Puis l’étape des régionaux et des inter-régionaux. Facile. 1 mois et demi plus tard il est qualifié aux championnats de France de cross. A 17 ans et sans entraînement spécifique, il termine 6ème des France et décroche une sélection en EDF pour les mondiaux de cross-country en Chine. Un ovni.
“On n’a pas vu un athlète de cette qualité depuis une trentaine d’années“.
Jean-François Pontier, responsable running FFA – AFP
En l’espace de 15 jours, le chti qui n’avait quasiment jamais quitté son quartier enchaine deux mondiaux, l’un en Chine pour le cross, l’autre au Guatemala pour le championnat du monde de foot UNSS (éliminé en demi-finale). Il comprend rapidement qu’il lui faudra choisir entre le foot qui coule dans ses veines, et l’athlé où il excelle.
4- Jimmy est un gars déterminé
Suite à une course mal gérée, il vit ses premiers championnats du monde de cross comme un échec. Mais Jimmy n’aime pas perdre, et il est déterminé. Il s’entrainera tout l’été et vivra ses premières séances d’athlé spécifique cross. La saison arrive et il est prêt. Il est pour la première fois médaillé lors des championnats de France de cross-country, le 6 mars 2016, en terminant 3e de la course junior homme. En 2017 il remporte les championnats d’Europe de cross en espoir. Puis il remet le couvert l’année suivante, puis une troisième fois consécutive. Un triplé inédit dans l’histoire du cross.

Jimmy a tout pour lui. Il possède un gros moteur, beaucoup de panache et une force mentale extraordinaire. Un superbe finsh aussi. Jean-François Pontier, le responsable running à la Fédération française d’athlétisme, confiera à l’AFP “On n’a pas vu un athlète de cette qualité depuis une trentaine d’années“. Il a des lacunes techniques aussi et il peut affiner sa belle foulée. Sa vitesse de base reste impressionnante.
5- Jimmy touche à tout
Jimmy adore le sport depuis tout petit. Il aime les challenges, l’entraînement, les défis. Jeune il s’essaye à la boxe, suivant le chemin de son père cinq fois champion de France amateur chez les poids légers, puis la lutte où il aimait l’atmosphère du combat. Jimmy raconte : « le combat, c’était magique, quand je rentrais sur le tapis. L’entraîneur disait « il faut aller au charbon. On s’en mettait dans la gueule, mais il y avait le respect de l’adversaire. C’est ce que je retrouve dans l’athlé ».
En 2016 il décide de se consacrer entièrement à l’athlétisme. Et là aussi il veut tout essayer. Ses succès sur le cross lui donnent de l’appétit. Le 18 juin, il décroche son premier titre national en remportant le championnat de France junior du 10 km sur route en 30 min 19 s. Sur piste, il termine à la deuxième place lors des championnats de France juniors à Châteauroux sur 1 500 m.
Travailleur acharné, il progresse dans toute les disciplines. “Je suis un coureur de tout..” il aime à répéter. En 2019 il devient double champion d’Europe sur piste en espoir, sur 5000 m et 10 000 m. En décembre 2019 sur 10 km route, il réalise 27 minutes et 43 secondes à la Corrida de Houilles, soit la deuxième meilleure performance française de tous les temps. Il se permet de battre le record personnel de Mo Farah sur la distance, d’une seconde.

Il n’est pas encore rassasié. Il veux s’essayer au 3 000 m steeple, qu’il adorait voir aux JO à la TV, notamment les exploits d’un certain Mahiedine Mekhissi. Il participe à son premier 3 000 m steeple en carrière le 29 août 2020 à Décines, où il se classe troisième en 8 min 24 s 72. Nous en reparlerons du steeple.
En septembre 2020, il bat une nouvelle fois son record personnel sur 1500 m en 3 min 36 s 04, puis quatre jours plus tard, décroche le titre de champion de France en plein air du 5 000 m à Albi en 13 min 33 s 08. Il est en pleine forme et il monte en puissance. Les qualifications pour les JO sont en ligne de mire.
6- Jimmy mange du Welch
Et il n’aime pas les légumes. Pour ceux qui découvrent ce plat typique des Hauts de France, le Welch se consomme recouvert de cheddar fondu et c’est très riche.

Oui on peut être un champion de ce calibre et ne pas avoir une diététique irréprochable. Mais le jeune chti se professionnalise, il a commencé à manger des légumes, et il est entouré par une équipe de confiance qui s’occupe de lui. Il y a notamment son entraineur et ange gardien Arnaud Dinielle, qui l’encadre depuis ses débuts, le manager Riad Ouled, et bien sûr son fidèle kiné et associé. Il n’a pas écouté les sirènes des gros clubs qui voulaient profiter de lui plus que se consacrer à son développement, il va s’entrainer une fois par semaine à l’INSEP et le reste du temps il avance “en famille”.

7- Jimmy est chef d’entreprise
Car Jimmy à la tête sur les épaules. Issu d’une famille modeste, il connaît l’importance de s’assurer un “après”. Les carrières de sportifs peuvent être courtes. Malgré un parcours scolaire compliqué, il possède un BTS “négociation, relation client” et un emploi en alternance. Il dirige avec son kinésithérapeute une entreprise de cryothérapie pour aider à la récupération des sportifs locaux. Il a également d’autres projets, sportifs, car sa carrière ne fait que commencer.

8- Jimmy a des projets pour les JO
Jimmy aura 27 ans pour les JO de Paris 2024. Il est encore jeune et tellement polyvalent qu’on ne sait pas à quelle épreuve il participera. L’an passé son objectif était le marathon en 2024, mais est-ce encore d’actualité après ses succès sur piste ?
« À l’époque, j’avais un blocage sur la piste. C’était donc la facilité de se diriger sur le marathon. Mais depuis Gävle, j’ai passé un cap sur la piste. On verra là où je serai le meilleur et là où j’ai le plus de chances d’être champion olympique. »
j. Gressier pour tokyo2020
Concernant cet été à Tokyo, il devrait pouvoir décrocher facilement les minima sur le 5 000 où il est champion d’Europe espoir, mais lui pense avoir encore plus de chance sur le 3 000 steeple. Rappelons qu’il n’en a couru qu’un seul dans toute sa carrière. Il a rejoint le groupe de 3 000 m steeple des coureuses Emma Oudiou et Maëva Danois à l’INSEP pour travailler sa technique et ses franchissements. Il privilégiera sans doute le 3 000 s’il arrive à réaliser les minima dans les deux épreuves.
Actuellement en stage en Afrique du sud, il se prépare pour décrocher le graal sur 5 000 m en plein air fin février 2021. Ce sera à Toulon et il devra battre son record d’une seconde environ.
9- Jimmy boit du gin dans sa Chrysler
Jimmy peut agacer. Ses célébrations peuvent être étonnantes. Et il possède cette détermination et cette grande confiance en lui du haut de ses 23 ans, que certains peuvent interpréter comme de l’arrogance. Aujourd’hui l’athlétisme français est à ses pieds, lui qui vient de ce petit quartier de Boulogne et qui a commencé l’athlétisme à 16 ans. Il vole de la lumière aux autres français, même si la génération de demi-fond qui arrive est très prometteuse et ne se résume pas à lui. Il y a le Dijonnais Alexis Miellet bien-sûr, le Toulousain Djilali Bedrani ou encore Morhad Amdouni qui vient de sortir une grosse perf sur 10km à Barcelone. Le demi-fond français se porte bien.
Il y a aussi cette affaire de dopage autour du champion olympique Taoufik Makhloufi, qu’il a dénoncé avec Mehdi Belhadj après avoir découvert des produits suspects et des seringues dans sa valise à l’INSEP. Le Boulonnais reste droit dans ses bottes, assumant parfaitement son geste. Il sera rapidement soutenu par de nombreuses personnalités de l’athlétisme qui ne veulent plus se taire face aux tricheurs. Ainsi Renaud Lavillenie et Kevin Mayer se sont exprimés sur leurs réseaux sociaux pour inviter les gens « à parler ».
10- Jimmy est un lion
Le boulonnais arrive à un tournant de sa jeune carrière. Une étape de plus à franchir : participer aux Jeux Olympique de Tokyo, dans quelques mois. Il possède un cœur de lion, le talent et la détermination des champions. L’athlétisme est grand et il a encore beaucoup à apprendre mais son ascension semble irrésistible.
Très bon article, merci de m’avoir fait découvrir cet athlète.