Le réalignement de la ligue a créé une Division Canada qui s’annonce aussi relevée qu’imprévisible et excitante. Les franchises canadiennes vont s’affronter dans des joutes épiques qui nous font déjà saliver, mais les places qualificatives pour les prochaines Séries sont très indécises. Si au moins cinq équipes peuvent être considérées comme en course pour le titre de la division, deux franchises semblent se destinner au fond du classement : les Sénateurs d’Ottawa et les Jets de Winnipeg. Bien évidemment, rien n’est gravé dans le marbre. Simplement, ces deux équipes semblent en dessous des cinq autres. Décryptage.
ÉTATS DES LIEUX
Un sauveur pour les Jets, des espoirs pour les Sens
Les Jets de Winnipeg et les Sénateurs d’Ottawa ne sont pas au même stade de leurs projets respectifs. Après avoir passé deux années dans le Top 3 de la Division Pacifique entre 2017 et 2019, les Jets semblaient frapper à la porte de la Coupe Stanley avec un jeune noyau très prometteur. Bien qu’ils aient de nouveau accédé aux Séries, certains secteurs sont défaillants et de nombreuses questions se posent quant à leur compétitivité pour la saison à venir. De leurs côtés, les Sens sont abonnés aux dernières places de l’Atlantique et même de la ligue tout entière depuis trois ans déjà. La reconstruction de la franchise d’Ottawa semble un nouveau tournant pour cette nouvelle saison. Ces deux équipes doivent passer un cap cette année.
Connor Hellebuyck sauve la saison des Jets
Aucune autre équipe ne s’est autant reposée sur son gardien que les Jets depuis trois ans. Sur cette période, Connor Hellebuyck mène tous les autres gardiens au nombre de matchs joués (188), de temps de glace (10 938) et de tirs encaissés (5 895). Terriblement efficace sur sa ligne, “Bucky” a porté les Jets en Séries la saison dernière. Après la saison 2018-2019, les Jets ont dû faire face aux départs de Jacob Trouba, Tyler Myers et Ben Chiarot. Naturellement, les observateurs de la NHL prédisaient une année difficile pour les Jets avec la perte de ces trois piliers défensifs, laissant un grand vide devant Hellebuyck. Mais voilà, le gardien a tout simplement surpassé les attentes. En 58 matchs, l’Américain de 26 ans affiche des stats démentielles : 31 victoires, 6 blanchissages, 2,57 buts encaissés en moyenne et un pourcentage d’arrêt de .922. Surtout, Hellebuyck a fait face à 1 796 tirs adverses, soit 41 de plus que Carey Price, second de ce classement. Grâce à ses performances, il remporte son premier Trophée Vézina, récompensant le meilleur gardien de la Ligue. Des prouesses devant les filets qui conduisent les Jets dans ces Séries 2020 tout à fait inédites, accueillant 24 équipes.

Après avoir perdu Patrick Laine et Mark Scheifele au premier match, les Jets s’inclinent 3-1 contre les Flames de Calgary en ronde de qualification. Hellebuyck, victime des errances défensives de son équipe, ne peut faire de miracle. Reconstruire une ligne bleue compétitive et apporter de la profondeur en attaque, voilà les chantiers qui attendent la franchise de la province canadienne de Manitoba.
Ottawa pose les premières pierres solides de sa reconstruction
Au cours des trois dernières saisons, les Sénateurs se sont classés respectivement 30ème, 31ème et 30ème de la ligue… Des résultats catastrophiques et un projet qui peine à prendre forme dans une reconstruction balbutiante. Malgré tout, Ottawa semble enfin emprunter le bon chemin grâce notamment à une grosse activité sur le marché des agents libres et aux aléas du repêchage. Mais avant d’aborder la section ambitieuse du recrutement des Sens, quelques noms méritent notre attention au regard de leurs perfromances la saison dernière.

Ottawa a trouvé les deux espoirs sur qui bâtir son avenir. Le défenseur Thomas Chabot et l’ailier gauche, Brady Tkachuk continuent leur développement et s’installent désormais comme de véritables valeurs sûres pour l’avenir de la franchise. À 23 ans, le Québécois sélectionné en 18ème position du repêchage 2015 va entamer sa troisième saison avec les Sens. Il a inscrit 39 points, dont 6 buts en 70 matchs et surtout, Chabot a mené la NHL en temps de glace avec 26 minutes en moyenne. De son côté, le petit frère de Matthew repêché en 4ème position l’année dernière, s’impose comme un ailier productif avec ses 21 buts et 44 points en 70 matchs. Deux belles satisfications qui apportent un peu de lumière dans la triste saison des Sens l’année dernière. Ils sont d’excellentes perspectives, mais les deux sont loin d’être parfait. Chabot a toujours été un défenseur productif en attaque, mais il rendait la plupart de ses points en défense. La saison dernière, il a considérablement progressé dans ce secteur, devenant le meilleur tueur de pénalité de son équipe. De même, Tkachuk a prouvé qu’il était un conducteur d’attaque élite, capable d’atteindre facilement le plateau des 50 points s’il est bien entouré. Il devra néanmoins améliorer son jeu de passe, qui reste encore son point faible. Dans tous les cas, mise à part ses deux joueurs, les Sens avaient peu de motifs d’espoir avant l’intersaison 2020.
Deux politiques de recrutement différentes
Objectif : combler les lacunes
Stastny pourra-t-il résoudre les problèmes collectifs des Jets ?
Les meilleurs attaquants des Jets ont été très productifs la dernière saison puisque Winnipeg était la seule franchise à compter cinq joueurs à plus de 50 points dans ses rangs : Mark Scheifele et Kyle Connor ont chacun marqué 73 points, Blake Wheeler 65, Patrik Laine 63 et Nikolaj Ehlers 58. Ils ont chacun inscrit plus de 22 buts la saison dernière et cumulent 142 buts à eux cinq. Malgré cette production impressionnante, le déséquilibre est criant : les Jets ont inscrit 213 buts, les cinq joueurs cités ci-dessus sont donc responsables de 66,7% de la production offensive de la franchise. Ces cinq noms cumulent également 332 points, soit 56% du total des Jets (593). Les apports des lignes 3 & 4 sont totalement négligeables et ceux de la ligne bleue sont quasiment inexistants, à l’exception des 45 points du défenseur Neal Poink. Les blessures de Laine et de Scheifele en Séries ont mis en évidence cette dépendance contre les Flames.

Pour essayer de diversifier la dangerosité offensive de son attaque, Winnipeg a rapatrié le vétéran Paul Stastny dans un échange avec Las Vegas. Le centre de 35 ans aura pour mission d’apporter son expérience dans le Top 6 des attaquants des Jets, probablement sur le deuxième trio comme ce fût le cas lors de son passage éclair, mais remarqué à Winnipeg. Au cours de la saison 2017-2018, Stastny a disputé 17 matchs de séries avec les Jets et inscrit 15 points dont 6 buts. Grâce à lui, Winnipeg avait atteint les finales de la Conférence Ouest. Stastny débarque surtout pour combler le vide laissé par la blessure de Bryan Little qui n’a disputé que 7 rencontres la saison dernière et devrait être tenu à l’écart de la patinoire pour la saison prochaine en raison d’une blessure à la tête. Avec cette absence, les Jets se sont retrouvés sans centre sur la deuxième et Stastny devrait être celui qui donne à Ehlers et Laine l’occasion de se distinguer.
⭕Mais surtout, une question demeurre : cet ajout sera-t-il suffisant pour créer une identité collective aux Jets ? Vous l’aurez constaté, Winnipeg possède plusieurs attaquants qui se retrouveront cette année encore dans le top 31 des meilleurs pointeurs de NHL. Mais collectivement, les Jets sont à la peine. Ils se sont classés à la 19ème position des buts marqués à forces égales la saison dernière et surtout à la 17ème place en termes de tirs par match avec 31,1. On constate un profond parallèle entre la production offensive du noyau d’attaquants des Jets et leur pouvoir de création sur la glace.
Ottawa comble son espace salarial, suffisant pour passer un cap ?
Si les Jets n’ont pas été très actifs sur le marché, les Sens eux, ont dépensé plus qu’à leur habitude. D’abord, il y a des départs. Les deux meilleurs buteurs d’Ottawa, Jean-Garbiel Pageau et Anthony Duclair sont tous les deux partis, l’un durant la dernière saison aux Isles et l’autre, laissé libre, rejoint les Panthères. Avec une liste très mince et l’une marge salariale des plus élevées de la ligue, le Directeur Général des Sens avait de quoi être occupé durant l’intersaison. Premier objectif pour Pierre Dorion : trouver une solution à long terme devant les filets. Chose faite avec l’acquisition de Matt Murray en provenance de Pittsburgh. Aussitôt, Ottawa signe le double vainqueur de la Coupe pour 25M$ sur 4 ans.

Ici, c’est le contrat qui interroge : quel Matt Murray les Sénateurs ont-ils signé ? Est-ce celui qui a été un élément essentiel de la Coupe des Pens, ou bien celui de la saison dernière, affichant .899 de pourcentage d’arrêt ? Dorion a tenté le coup, mais l’inconstence du gardien de 26 ans peut inquiéter. A côté, les Sens ont ajouté de nombreux joueurs d’expérience à leur liste pour entourer leurs jeunes talents et surtout donner un peu de profondeur à cet effectif. Notons la signature de Derek Stephan, Austin Watson et Cedric Paquette pour compléter les 3ème et 4ème trio de l’équipe et les défenseurs, Josh Brown, Braydon Coburn et Erik Gudbranson pour les lignes arrières. Les deux renforts de talents restent Alex Galchenyuk, agent libre, qui peut être le bon coup des Sens, et surtout l’ailier-droit, agent libre lui aussi, Evgeni Dadonov. Ce dernier devrait évoluer sur la première ligne des Sens et va surtout apporter une réelle organisation en zone offensive pour Ottawa qui en manque cruellement. Reste à savoir s’il sera capable de revenir à son niveau de 2017-2018.
⭕ Malgré une grosse activité sur le marché, le principal problème des Sens n’a pas été résolu : l’absence d’un centre élite. Avec un noyau composé de Colin White, Chris Tierney, Josh Norris et Alex Galchenyuk, il n’est pas surprenant que les centres d’Ottawa se classent avant-dernier, devant seulement Detroit. Dans une équipe décente, aucun de ces joueurs ne jouerait dans le Top 6. Le centre étant sans doute la position de patinage la plus importante, c’est un obstacle difficile à surmonter en vue de la prochaine saison. La question est : Josh Norris est-il prêt à avoir un impact significatif en NHL ?
Projections
Une qualification sous condition pour les Jets

Outre le manque de cohésion offensive chez les Jets, c’est le manque de renfort sur le ligne bleue qui peut paraître délicat pour la saison à venir. Le Top 4 de Winnipeg devrait être composé de Dylan DeMelo, acquis en février dernier en provenance des Sens, et de Josh Morrissey sur la première ligne et de Derek Forbort/Neal Pionk sur la seconde. Nathan Beaulieu , Tucker Poolman , Luca Sbisa et Sami Niku se disputeront les places sur le troisième duo. Est-ce suffisant pour protéger Connor Hellebuyck ? Probablement pas. Et si le gardien des Jets ne récidive pas ses exploits de la saison dernière, les Jets pourraient très bien se retrouver dans une impasse. Voilà trois ans que “Bucky” joue énormément de matchs, cette sur-exploitation va-t-elle finir par le rattraper ? Il faut bien avoir en tête que même avec un Hellebuyck au niveau du Vézina, les Jets n’ont pas été mesure de se garantir largement une place en Séries… Cette année encore, Connor Hellebuyck devra tout donner pour sauver la saison de Winnipeg. Les projections de The Atletic sont assez justes en ce qui concerne les chances de qualifications des Jets. Ils peuvent accrochés la dernière place qualificative de la Division Canada et seront probablement à la lutte directe avec les Canucks ou les Flames. Rien n’est perdu pour eux, mais il faudra afficher un autre visage que la saison dernière.
🟢L’espoir à suivre : Ville Heinola, défenseur, 19 ans.
Construit dans le même moule que les défenseurs modernes, Heinola peut être un talent très précieux pour les Jets lors de la prochaine saison. Sélectionné en 20ème place lors du repêchage 2019, il a déjà disputé 8 rencontres avec Winnipeg la saison dernière et a même inscrit 5 points. Heinola sort d’un mondial junior tout à fait encourageant où il a conduit la Finlande à la médaille de bronze.

Encore une année sans Séries pour les Sens ?

Dom Luszczyszyn, pour The Athletic, est assez réaliste avec les chances de qualifications des Sens. Difficile d’imaginer Ottawa retrouver une place en Séries cette saison encore. Même avec tous leurs ajouts pendant l’intersaison, et même avec la division temporaire créée par l’alignement qui les éloigne de Tampa Bay et de Boston, les séries éliminatoires semblent toujours être un doux rêve pour Ottawa, même si tout se passe parfaitement. Les carences au centre, les difficultés sur les avantages numériques, le manque d’expérience des leaders ou encore les incertitudes autour de Murray… Trop de questions pour que les Sens puissent envisager une qualification. Alors que peuvent attendre les partisans d’Ottawa pour la prochaine saison ? Une progression significative de leurs jeunes talents. Tkachuk, Chabot ou encore Norris doivent montrer que le projet de Dorion est viable et que le bureau peut compter sur eux. Mais le salut des Sens peut aussi passer par l’éclosion d’un jeune talent dont nous n’avons pas encore évoquer le nom : Tim Stützle.
🟢L’espoir à suivre : Tim Stützle, attaquant, 19 ans.
C’est LE nom qui revient sans cesse dans les bouches des partisans des Sénateurs. Sélectionné en 3ème position par Ottawa lors du dernier repêchage, Stützle a fait des étincelles lors du mondial junior avec la sélection allemande. Auteur de 5 buts et 5 passes en cinq rencontres, Stützle a réalisé une grande performance le propulsant dans l’alignement du tournoi. Opéré du poignet durant l’automne, sa participation à la prochaine saison était clairement en péril. Mais, fort de détermination, l’allemand est revenu à la compétition et il semble bien décider à marquer de son empreinte sa première saison en NHL. Très complet, créateur pour lui et pour les autres, capable de changer le court d’un match, Tim Stützle sera sûrement l’une des plus belles attractions côté Sens cette saison.

La Division Canada aura une saveur particulière avec autant de rivalité que de détermination dans chacune des rencontres. Dans cet enfer, les Sénateurs d’Ottawa et les Jets de Winnipeg ne semblent pas avoir les armes nécessaires pour se hisser en Séries. Les Sens prennent enfin le bon chemin de leur reconstruction, mais une refonte de moitié de leur liste rend difficile une projection claire sur la force collective de l’équipe. Le collectif, voilà le plus gros point faible des Jets. Leur attaque est productive, mais il semble que le manque de cohésion constitue un véritable plafond de verre pour l’équipe. Connor Hellebuyck peut encore être le héros de la franchise, mais cela suffira-t-il ? La réponse dans quelques mois.
Projections des rédacteurs du CCS – DIVISION CANADA
Hakim : 1. 2. 3. 4. 5. Ottawa Sénateurs 6. 7. Winnipeg Jets
Jérémy : 1. 2. 3. 4. 5. 6. Winnipeg Jets 7. Ottawa Sénateurs
Ben : 1. 2. 3. 4. 5. 6. Winnipeg Jets 7. Ottawa Sénateurs