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En Europe, les joueurs jouent-ils toujours dans leur club formateur ?

Le centre de formation de l'Athletic Club.

Dans un football où les transferts sont devenus monnaie courante, les joueurs restant fidèles, toute leur carrière, à leur club formateur sont devenus rares. On rêve tous de voir évoluer, sous nos couleurs, un joueur aussi fidèle que Paolo Maldini au Milan AC (24 saisons), Fransecsco Totti à l’AS Roma (24 saisons) ou Ryan Giggs à Manchester United (23 saisons). Qu’en est-il aujourd’hui dans les cinq plus grands championnats ? 

C’est une espère rare mais pas totalement disparue. Parmi les joueurs encore en activité, on pourrait citer Igor Akinfeev au CSKA Moscou (19e saison) ou Lionel Messi au FC Barcelone (17e saison), même si ce dernier a exprimé ses envies d’ailleurs.

14,5 % des joueurs dans leur club formateur 

En se basant sur les données récoltées par Transfermarkt, on dénombre 2 750 joueurs sous contrat évoluant dans les premières divisions des cinq plus grands championnats européens. Parmi eux, seuls 398 évoluent toujours dans leurs clubs formateurs. Ce calcul prend en compte l’ensemble des joueurs de l’effectif formés dans ce même club, y compris les joueurs n’ayant pas encore porté le maillot de leur équipe ainsi que ceux ayant arboré d’autres couleurs entre temps. 

Au total, seuls 14,5 % des joueurs évoluent dans leur club formateur. À l’instar du haut de tableau, sur lequel j’aurai l’occasion de revenir, le bas de tableau prend des couleurs espagnoles. Granada (Luis Suarez), Valladolid (Toni Villa) et Cadiz (Sergio González) n’ont qu’un joueur du centre de formation dans leur effectif (tout comme Fulham (Marek Rodak), l’Union Berlin (Tim Maciejewski) et la Sampdoria (Kaique Rocha)). Eibar, Getafe et Huesca n’en n’ont tout simplement aucun. 

Source : Transfermarkt

Donnée intéressante, le haut du tableau est également trusté par les équipes espagnoles. L’Athletic Club arrive en tête avec 18 joueurs, suivi de la Real Sociedad (16). Loin derrière, on retrouve Marseille, Köln, Barcelona et Vigo avec 12 joueurs. Saint-Etienne, Southampton et Villareal complètent le Top 9 avec 11 joueurs. 

Source : Transfermarkt

L’identité basque forte à Bilbao

Véritable ovni du football, retrouver l’Athletic Club à cette place n’est que très peu surprenant. En effet, il est basé à Bilbao, dans le Pays Basque espagnol, région où l’identité régionale est forte. Et pour cause, depuis 1912, ce club formateur ne fait jouer uniquement des joueurs liés au Pays Basque

Sur leur site, ils précisent les conditions sine qua non pour pouvoir espérer porter la tunique rayée rouge et blanche : « Il faut être né ou avoir été formé dans une de ces quatre provinces espagnoles : Biscaye, Guipuscoa, Alava et Navarre ; ou une de ces trois provinces françaises : Labourd, Soule et Basse Navarre ».

Une stratégie qui, en plus de porter ses fruits – l’Athletic Club est l’un des trois clubs espagnols à ne jamais être descendu en deuxième division, aux côtés du Real Madrid et du FC Barcelone – obtient l’approbation des supporters. Un sondage réalisé dans les années 90 avait démontré que 75 % des supporters interrogés préféraient voir leur équipe descendre en seconde division plutôt que de renoncer à la politique identitaire du club

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« Les jeunes enfants apprennent ce qu’il y a à savoir sur l’Athletic et connaissent son histoire. Les garçons sont des fans du club et veulent jouer pour l’Athletic. Un grand club peut venir mais le gamin voudra quand même aller à l’Athletic. Cela n’arrive pas ailleurs ».

Fernando Iturbe, ancien recruteur pour l’Athletic Club, dans les colonnes de Goal.com

Le club tente donc de garder ses joueurs a fort potentiel, quand bien même les sirènes des cadors européens retentissent. L’explication est simple : trouver un remplaçant est une tâche ardue. Le recruter sur le marché des transferts leur est interdit, il faut donc se tourner vers le centre de formation ou les clubs environnants. Il ne s’autorise à vendre que ses joueurs à grandes valeurs, comme ils l’ont fait avec Javi Martínez au Bayern Munich (40 millions d’euros à l’été 2012) et Ander Herrera à Manchester United (36 millions d’euros en 2014).

Iñaki Williams / Getty

« L’Athletic pense sur le long terme. Le club n’est pas intéressé pour recruter un jeune joueur si deux ans plus tard, il doit partir. L’objectif est que ces joueurs arrivent à jouer en première division et qu’ils montrent que le travail du système du centre de formation porte ses fruits ».

Fernando Iturbe, ancien recruteur pour l’Athletic Club, dans les colonnes de Goal.com

Iñaki Williams est l’exemple parfait de la combinaison de la politique du club avec l’évolution connue par le football depuis plusieurs dizaines d’années. Né à Bilbao de parents ghanéens, il rejoint le centre de formation de l’Athletic Club à 16 ans, avant de rejoindre le CD Baskonia, club de troisième division, la même année. Il y joue un an, avant de revenir dans son club formateur en 2014. Il est aujourd’hui lié au club jusqu’en 2028. Une vision du football bien différente de celle que l’on a l’habitude de voir, mais dont l’Athletic Club ne dérogerait pour rien au monde.

Combien de joueurs jouent pour leur club formateur ?

Avoir des joueurs du centre de formation, c’est bien. Les faire jouer, c’est mieux. À cet exercice, ce sont encore les clubs espagnols qui réussissent le mieux. Pas de surprise, donc, à retrouver (de nouveau) l’Athletic Club, avec 18 joueurs ayant déjà évolué sous leurs couleurs (soit 100 % des joueurs de l’effectif formé au club), suivi de la Real Sociedad (16 joueurs – 100 %) et du Celta Vigo (12 joueurs – 100 %).

Mais pour laisser une chance aux autres équipes d’apparaître dans ce papier, disons que nous laissons de côté ces trois clubs (sans pour autant les oublier). Voici ce que donnerait le Top 13 des clubs européens utilisant le plus leurs joueurs formés au club.

Répartition parmi les cinq grands championnats

À l’heure de dresser le bilan, ce n’est pas surprenant de voir que l’Espagne est le pays qui compte le plus de joueurs formés au club et évoluant toujours sous ses mêmes couleurs, avec 101 joueurs.

Suit la Premier League avec 85 joueurs, la Bundesliga et la Ligue 1 se tiennent de près (76 et 72). La Série A ferme la marche avec seulement 64 joueurs.

L’Espagne réussit non seulement à garder ses joueurs, mais la Liga est, et de loin, la ligue qui les fait jouer le plus. Cette saison, 9 027 matchs ont été disputés par des joueurs formés au club. L’Athletic Club – 1 365 matchs – perd sa première place aux dépens du FC Barcelone : 1 739 matchs. Lionel Messi, Sergio Busquets et Gérerd Piqué y sont pour beaucoup.

Avec 1 027 et 1 012 matchs disputés par des joueurs formés au club, le Celta Vigo et la Real Sociedad font bonne figure.

En revanche, la Ligue 1 est à la peine et ferme la marche, avec seulement 2 086 matchs. Ce n’est pas étonnant de retrouver le championnat de France si bas, tant il lui est compliqué de garder ses joueurs. À la recherche d’attractivité, la Ligue 1 n’arrive toujours pas à faire le poids face aux monstres qui règnent sur l’Europe. La problématique de conservation de ses joueurs est un débat qui fait souvent parler dans l’hexagone et si la crise du Covid-19 a mis à mal (un peu) l’hégémonie des monstres européens, notamment durant les périodes de mercato, on risque encore d’en entendre parler quelques années.

Source : Transfermarkt

Avec la crise que traverse aujourd’hui le football et le risque de voir la bulle économique exploser, ne serait-il pas l’occasion de repenser le modèle du football européen ? À l’instar de l’Athletic Club, se tourner vers son centre de formation, ou à défaut, développer ce dernier, pourrait être la solution pour passer cette crise sans trop de dommages. Une question à laquelle seul le temps pourra apporter une réponse.

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