Hockey

Kaprizov & Romanov : l’héritage du CSKA Moscou en NHL

Les patineurs viennent tout juste de reprendre le chemin des patinoires en NHL pour une saison 2021 qui s’annonce aussi inédite qu’excitante. Entre les étoiles de la ligue et les recrues issues du dernier repêchage, beaucoup de noms suscitent l’attention des observateurs. Derrières ses vedettes actuelles ou en devenir, trois jeunes joueurs débarquent en NHL en provenance d’un même club de KHL : le CSKA Moscou. Monument du hockey européen, la formation moscovite entretient une relation historique et toute particulière avec la ligue américaine. Découvrez ces deux joueurs qui ont pour mission d’entretenir l’image d’excellence du CSKA : Kirill Kaprizov dans le Minnesota et Alexander Romanov avec Montréal.

Le CSKA Moscou : l’excellence comme tradition

Historique du club : les aléans de l’URSS

L’histoire du CSKA est intimement liée à celle de l’URSS, mêlant grandeur et décadence. Dans le cadre de la création de Ligue de Hockey Soviétique en 1946, trois clubs sont fondés dans la ville de Moscou : le Spartak, le Dynamo et le CSKA. Ce dernier est directement affilié à l’Armée Rouge comme l’indique son acronyme « Club Sportif central de l’Armée » (Centralnyi Sportivnyi Klub Armyi). Jusqu’à la chute du mur de Berlin et de l’URSS, les soldats soviétiques font partis intégrante du processus de développement du club et de son rayonnement sur la scène nationale. Le CSKA remporte 32 fois la Ligue Soviétique entre 1947 et 1992 dont 13 consécutivement entre 1977 et 1989. Jamais une équipe n’aura autant dominé un championnat dans l’histoire du hockey sur glace.

MOSCOW, RUSSIA – MARCH 2, 2020: HC CSKA Moscow’s players celebrate victory in Leg 1 of the 2019/20 KHL Western Conference quarterfinal playoff tie between HC CSKA Moscow and HC Torpedo Nizhny Novgorod Region at CSKA Arena. Sergei Savostyanov/TASS Ðîññèÿ.

En parallèle, le CSKA rayonne aussi sur la scène européenne avec 20 Coupes d’Europe des Clubs Champions avec une série de 12 trophées consécutifs entre 1979 et 1990. Mais, comme un jeu de domino, le Mur de Berlin tombe en 1989, emportant avec lui l’URSS et le CSKA Moscou. Le club connaît alors un gros passage à vide, frôlant la liquidation, avant d’être racheté par géant pétro-gazier Rosneft à l’intersaison 2012, dont le principal actionnaire n’est autre que l’État russe. Depuis, le CSKA retrouve les devants de la scène avec trois championnats russe remportés depuis 2014 et s’impose de nouveau comme une place forte de la KHL avec 5 Coupes Continental et une Coupe Gargarin en 2019.

Relations avec la NHL : une histoire d’amour et de talents

Durant les décennies 1970’ et 1980’, le monde entier scrute la puissante « Armée Rouge » du CSKA, même en Amérique du Nord. L’URSS écrase la concurrence à l’internationale en l’absence des professionnels canadiens, remportant 7 médailles d’or olympique sur 9 possible et 22 Championnats du Monde entre 1954 et 1991. Une équipe nationale dont l’ossature est celle du CSKA. Les prouesses soviétiques attirent l’œil de la NHL qui organise la célèbre série de 1972, au meilleur des 8 matchs. Qualifiée à posteriori comme la « Série du Siècle », cet affrontement entre les canadiens de la NHL et les Soviétiques fait passer le hockey dans une nouvelle dimension, une dimension internationale. Bien que le Canada ait remporté la série, le hockey soviétique a gagné le respect. Dès lors, les rencontres entre les deux puissances se multiplient jusqu’à l’écroulement de l’URSS.

Echanges tendus entre le CSKA et les Flyers en 1976 – Source : Broad Street Buzz

Le CSKA dispute ainsi 36 matchs contre des équipes de NHL entre 1976 et 1991, pour un bilan étincelant de 26 victoires, 8 défaites et 2 matchs nuls. Dans les années 70’, le nom de l’attaquant Valeri Kharlamov résonne dans le monde entier, tout comme celui du gardien Vladislav Tretiak, premier joueur étranger à être intégrer le Temple de la Renommée du hockey. Dans la décennie suivante, c’est la ligne offensive KLM composée de Vladimir Krutov, Igor Larionov et Sergei Makarov qui époustoufle le monde. Soutenue par la paire défensive Viacheslav « Slava » Fetisov et Alexei Kasatonov, cette équipe du CSKA domine outrageusement les compétitions européennes et internationales. Ils seront notamment mis en avant lors de la Coupe Canada 1987.

L’excellence moscovite en NHL

Avec la chute de l’URSS, la fuite des talents du CSKA vers la NHL est inévitable. Avant 1989, seul un joueur soviétique a foulé les patinoires nord-américaines, Victor Nechayev et ses 3 matchs sous le chandail des Kings. En 1989, les cinq monstres du CSKA s’envolent pour la NHL après un conflit avec l’entraîneur mythique, Viktor Thikonov. Entre 1989 et 1991, les Red Wings sélectionnent Sergei Fedorov, Vladimir Konstantinov et Slava Kozlov. En 1995, le trio est rejoint par les deux anciens du CSKA, Slava Fetisov et Igor Larionov. Ces arrivées marquent la naissance des « Russian Five ». Ensemble, ils vont briser la sécheresse de Détroit en remportant une première Coupe Stanley depuis 42 ans, en 1996-1997. Six jours après, Konstantinov doit mettre fin à sa carrière après un terrible accident de voiture. Galvanisés par la phrase « Gagner pour Vladie ! », les Russes de Détroit remportent une deuxième Coupe Stanley consécutive. Le CSKA a continué d’alimenter la NHL de ses meilleurs talents. Si Sergei Fedorov est probablement le plus grand joueur de NHL ayant porté le chandail du CSKA, il faut également citer Alexander Mogilny, « The Russian Rocket » Pavel Bure évidemment, Sergei Zubov, ou plus récemment Alexander Radulov et Nikita Kucherov.

Radulov sous les couleurs du CSKA – Source : RT News

Qui seront les prochains ? Pour la saison 2021, quatre joueurs du CSKA Moscou vont disputer leurs premiers matchs en NHL. Attardons nous sur deux d’entre eux : l’attaquant du Wild, Kirill Kaprizov et le défenseur du CH, Alexander Romanov. Des noms très attendus outre-Atlantique qui auront la pression d’entretenir l’héritage glorieux du CSKA. Globalement, leurs premières prestations ont été remarquées.

Kirill Kaprizov : porteur de l’identité russe en hockey

Minnesota Wild left wing Kirill Kaprizov controls the puck against the Los Angeles Kings during the third period of an NHL hockey game in Los Angeles, Thursday, Jan. 14, 2021. (AP Photo/Alex Gallardo)

Date de naissance : 26 avril 1997 (23 ans)

Taille : 178cm / Poids : 91kg

Position : Ailier

Repêchage : choix 135 de 2015 – Minnesota Wild

Avant son arrivée dans la grande ligue, Kirill Kaprizov était considéré comme « le meilleur joueur à ne pas jouer en NHL ». Précoce, l’ailier russe débute en KHL à seulement 17 ans avec le CH Metallourg Novokouznetsk en 2014. Quatre buts et quatre passes en 31 matchs pour sa première saison, rien d’exceptionnel mais le talent est bien présent. C’est au niveau international, avec l’équipe des U18, que Kaprizov dévoile ses capacités : 7 buts, 7 passes en 13 matchs lors de la saison 2014-2015. L’année suivante, l’ailier russe commence à se montrer en KHL pour la dernière saison de son club, relégué pour raison financière. Il enregistre 27 points dont 11 buts en 53 parties. Membre de l’équipe junior de Russie qui remporte la médaille d’argent au CMJ 2016 en Finlande, Kaprizov rejoint le Salavat Ioulaïev Oufa où il va exploser aux yeux des dépisteurs. Il cumule 20 buts et 22 passes en 49 rencontres lors de la saison 2016-2017. L’ailier fait tomber la marque d’Evgeny Kuznetsov pour un joueur de moins de 20 ans en KHL. Lors du Mondial Junior à Montréal, Kaprizov livre une prestation exceptionnelle avec 12 points dont 9 buts en 7 matchs mais doit se contenter de la médaille de bronze. Après de telles performances, Kaprizov rejoint le grand CSKA Moscou pour la saison 2017-2018. Une saison au cours de laquelle il atteint le plateau des 40 points et permet à son club de se hisser en finale de la Coupe Gagarine. Malgré un échec, Kaprizov inscrit 10 points en 19 matchs de Playoffs.

Son fait marquant de sa jeune carrière a lieu lors des Jeux Olympiques d’hiver à Pyeongchang en 2018. Sous la bannière neutre des Athlètes olympiques de Russie, Kirill Kaprizov inscrit le but victorieux de son équipe en finale pour offrir la médaille d’or ! Lors de cette finale contre l’Allemagne, à seulement 20 ans, Kaprizov distribue 3 passes et le but vainqueur en prolongation. Sur le tournoi, il cumule 5 buts et 4 passes en 6 rencontres. Une prestation sensationnelle qui le révèle aux yeux du monde entier ! Depuis, Kaprizov a disputé deux saisons pleines avec le CSKA atteignant à chaque fois le plateau des 50 points. Lors de la saison 2018-2019, il inscrit 30 buts, remportant le titre de meilleur buteur de KHL. En Playoffs, le CSKA fait des ravages et remporte la première Coupe Gagarine de son histoire avec un Karpisov cumulant 14 points en 19 rencontres. La saison dernière, la compétition s’est arrêtée aux demi-finales de la Coupe Gagarine en raison de la pandémie mondiale. Le CSKA était pourtant bien parti pour réaliser le doublé avec un Kaprizov étincellent en saison régulière : 62 points en 57 matchs, dont 33 buts, de nouveau meilleur buteur de KHL.

PROFIL

Il faut le dire, Kaprizov est attaquant de petite taille avec ses modestes 178cm de taille. Un déficit physique qui handicape naturellement sa portée défensive et lui donne la fâcheuse étiquette de « joueur unidimensionnel ». Ajoutons à cela la méfiance que beaucoup de franchises ont à l’égard des joueurs russes dont l’adaptation en NHL est parfois chaotique. Des éléments qui expliquent sa sélection tardive au repêchage 2015. Mais que ce soit sur la scène européenne de KHL ou lors de ses diverses prestations internationales, Kaprizov a montré qu’il était un buteur élite dotée d’une palette offensive particulièrement bien développée. Les statistiques mentionnées précédemment l’attestent, mais si l’on regarde ses totaux, c’est encore plus impressionnant. Kaprizov a été nommé 5 fois à l’All-Star Game en 5 saisons de KHL tout en se classant au 6ème rang des joueurs les plus prolifiques de la ligue avec 222 points en 262 parties.

En plus sa capacité à marquer, Kaprizov est une force créatrice indéniable. Son intelligence sur la glace est remarquable : il est capable de tenir la rondelle pendant une demi-seconde de jeu pour se mettre dans les meilleures dispositions pour décocher un tir ou la meilleure passe possible. Toujours avec une sérénité déconcertante, Kaprizov est d’une patience redoutable qu’il associe avec un sens du jeu élite. Des capacités de contrôle qui font de lui un excellent passeur en phase offensive. S’il est si présent dans la construction des points de ses équipes, c’est que Kaprizov est toujours proche du filet. Bataillant sans cesse pour obtenir la meilleure position, l’ailier russe est capable de marquer de n’importe où et de n’importe quelle manière. Tir du poignet, tir chargé, déviation… Il sait tout faire. Son tir n’est pas aussi puissant qu’un Ovechkin mais sa précision est redoutable, capable d’atteindre des angles très difficile à défendre pour les gardiens. L’un des domaines où Kaprizov doit encore s’améliorer est peut-être son patinage. Un secteur où il n’est pas élite mais qui reste très convenable, au-dessus de la moyenne probablement. Son pouvoir d’accélération n’est pas à la hauteur des meilleurs de la ligue mais ses changements de rythme et de directions sont redoutables.

Ses premiers pas en NHL

Kirill Kaprizov a, pour l’instant, disputé deux matchs en NHL et le moins que l’on puisse dire, c’est que ses débuts sont réussis. Lors de la première rencontre du Wild contre les Kings, Karpisov a cumulé 3 points dont le but victorieux en prolongation sur un face à face plutôt chanceux. Deuxième match, revanche contre Los Angeles : une passe gagnante, de nouveau en prolongation. Sa détermination et sa capacité à créer pour lui et les autres ont crevé l’écran sur deux premières rencontres. On attend la suite avec impatience.

Alexander Romanov : une maturité déconcertante

Date de naissance : 6 janvier 2000 (21 ans)

Taille : 181cm / Poids : 84kg

Position : Défenseur

Repêchage : choix 38 de 2018 – Montréal Canadiens

Formé au Krylia Sovetov, Romanov effectue ses débuts dans les équipes jeunes du club avant de disputer 15 matchs de MHL avec l’équipe A lors de la saison 2016-2017. Remarqué pour ses talents de patineur, le défenseur intègre la section espoir du CSKA Moscou pour la saison 2017-2018. Il ne dispute que 3 matchs avec l’équipe mais s’exerce en MHL avec le Club de l’Armée Rouge, antichambre du CSKA, où il récolte 14 points en 37 parties. Ses performances et son assurance lui assure une sélection au deuxième tour du repêchage 2018 par les Canadiens de Montréal. Quelques mois plus tard, le 2 septembre 2018, Alexander Romanov dispute son premier match en KHL sous le chandail du CSKA Moscou. Il rejoint l’équipe première du club moscovite un an après Kirill Kaprizov. Romanov, âgé de seulement 19 ans, dispute 43 rencontres avec le CSKA. Bien qu’il n’inscrive que 4 points durant la saison régulière, le défenseur russe affiche une évaluation de +16 sur l’ensemble de ses rencontres. Peu utilisé en Playoffs, Romanov fait tout de même parti de l’équipe du CSKA qui remporte sa première Coupe Gagarine en 2019. Au milieu de la saison, Alexander Romanov s’illustre lors du Mondial Junior 2019 au Canada. Malgré une défaite en demi-finale contre les États-Unis, Romanov conduit la Russie à la médaille de bronze. Il récolte 8 points sur l’ensemble du tournoi et remporte le titre honorifique de meilleur défenseur du tournoi.

La saison suivante, Romanov est bien installé sur les lignes défensives du CSKA. Il dispute à nouveau 43 parties, seulement 7 points sur la saison, mais un différentiel impressionnant de +21. Comme pour Kaprizov, la saison de KHL s’interrompt en raison de la pandémie et empêche probablement le CSKA de ravir une deuxième Coupe Gagarine consécutive. Encore une fois, c’est au Mondial Junior qu’il montre son talent. En tant qu’assistant de la sélection, Alexandre Romanov brille par son sang-froid et son application. Il conduit l’équipe junior de Russie en finale, mais doit se contenter de l’argent face au retour du Canada dans les derniers instants de la rencontre. Il inscrit 6 points dont 1 but et est nommé sur le premier duo défensif de la compétition aux côtés de Rasmus Sandin. Le 8 mai 2020, il signe son contrat avec le CH.

PROFIL

Lorsqu’Alexander Romanov a été sélectionné au repêchage 2018, beaucoup estimaient que c’était un peu hâtif pour lui. Mais depuis, il ne cesse d’attirer les observateurs et les louanges. Pratiquant un style jeu énergique et parfois robuste, Romanov brille par sa lecture du jeu aussi bien en phase offensive que défensive. Depuis ses premières années, c’est sa mobilité qui impressionne. Cette mobilité lui permet d’être agressif sur le porteur de la rondelle et de briser rapidement l’écart avec lui. Avec une maturité impressionnante, ses prises de décisions justes et percutantes font de lui un défenseur difficile à passer. Romanov présente de grandes capacités pour briser les jeux des attaquants en transition ou dans les entrées de zone. Le défenseur russe de 21 ans a également montré qu’il était capable d’intercepter les passes dans son propre territoire quand le jeu s’installe. Vous l’aurez compris en regardant ses statistiques, Romanov n’est pas le défenseur avec le plus gros potentiel offensif. Mais c’est un très bon passeur à la relance capable de trouver avec précision ses coéquipiers dans la profondeur tout étant capable de gérer la pression adverse en fond de territoire. Le plus passionnant quand on regarde Romanov jouer, c’est sa sérénité : de bonnes décisions dans le bon tempo avec une vision du jeu intelligente avec de beaux instincts d’anticipation.

Ses premiers pas en NHL

Aligné sur le troisième duo du Tricolore aux côtés de Brett Kulak lors du premier match de la saison contre Toronto, Alexander Romanov a impressionné avec les qualités que nous venons de décrire, à sa savoir sa tranquillité apparente. Lors de cette rencontre, il a été le troisième joueur avec le plus de temps de glace derrière les vétérans Weber et Petry. Une preuve de confiance de la part de Claude Julien qui devrait rapidement l’installer sur le deuxième duo du CH. Romanov a inscrit son premier point en NHL sur une belle passe à travers la zone neutre dans la cruelle défaite des siens contre les Leafs. Lors du second match contre les Oilers, il n’est resté que 15:49 sur la glace pour trois tirs bloqués et cinq mises en échec distribuées. Prometteur et enthousiasmant pour les partisans du CH.

Bien évidemment, il ne faut négliger l’arrivée du gardien Ilya Sokorin aux Islanders. Âgé de 25 ans, il est attendu à New-York pour perpétuer la tradition des gardiens russes en NHL. Une tradition qui fera l’objet d’un article à part entière ! Quoiqu’il en soit, l’attaquant Kirill Kaprisov et le défenseur Alexandre Romanov sont entrés en NHL pour faire raisonner l’honneur du CSKA Moscou. Deux joueurs avec des profils qui s’inscrivent parfaitement dans la tradition du hockey russe. Leurs premières préstations ont permi d’entrevoir l’étendu de leurs talents. On attend la suite avec impatience de ces deux joueurs pleins de promesses.

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