Si le mercato hivernal est pour le moment plutôt calme en France, un club suscite toutes les passions : L’Olympique de Marseille. Le club phocéen vit en effet des heures agitées, tant sur le plan extra-sportif (possible changement d’actionnaire) que sportif, avec le départ en prêt de Strootman au Genoa et les arrivées de Pol Lirola et Arkadiusz Milik. De quoi améliorer un effectif aux lacunes très visibles depuis le début de saison, notamment dans l’animation offensive. Pour autant, ce recrutement nécessaire dans l’aspect quantitatif, l’est-il pour autant sur le plan tactique ? Eléments de réponse.
Une organisation tactique encore défaillante
Le contexte marseillais est de plus en plus pesant, entre les deux rendez-vous face à l’AS Monaco en championnat (du 12 décembre au 24 janvier), l’OM n’a pris que cinq points sur vingt et un possibles. L’entraîneur, André Villas-Boas, est la principale cible des critiques. Le portugais n’est certes pas aidé par ses cadres défaillants, ni par son président à la communication hors-sujet, mais il reste le capitaine du navire qui est en train de couler. La deuxième place obtenue l’an passé, après 28 journées de championnat, ne dupe plus personne et est dû à une équipe pleine de rigueur et de caractère, qui n’en a plus à ce jour.

Il en ressort malgré tout une explication tactique. Si AVB affiche une volonté de construire depuis l’arrière, en utilisant ses défenseurs centraux comme des Quarterbacks, capables de varier entre jeu long et jeu court pour obtenir un bloc équipe compact, il se heurte à une réalité : un manque de relais au cœur du bloc adverse. Sur la 1ère relance, l’OM mobilise souvent 4 ou 5 joueurs se privant de relais plus avancés et de positionnements optimaux pour progresser au cœur du jeu. Au milieu, Rongier, Cuisance ou Sanson ont surtout des déplacements de couverture/soutien plutôt que de projection. Enfin, le manque d’appels coordonnés pour créer et exploiter des espaces face au marquage généralement individuel. Trop souvent cette saison, Thauvin et Benedetto viennent tous les deux vers le ballon, rapprochant aussi les défenseurs adverses du porteur de balle, ce qui réduit les espaces. Bilan, l’animation offensive est assez stérile et Marseille apparait donc peu menaçant et de moins en moins efficace.
- Plus petit total de tirs et de tirs cadrés
- Pire total de passes réussies dans la surface
- 19e Progressive Distance par la passe et balle au pied
- 20e centres réussis
- 15% de tirs convertis en but, 1er (Germain : 2 tirs, 2 buts)
Symbole des problèmes d’animation, le match contre Lens ce mercredi 20 janvier. Après 90 minutes, Marseille ne compte qu’une petite frappe cadrée après n’avoir touché qu’un petit ballon dans la surface lensoise en première période (6 en seconde). Pire : jamais l’OM, qui est cette saison la 4e équipe qui tire le moins de Ligue 1, n’avait aussi peu tiré à domicile (4 fois) depuis qu’Opta enregistre les données. Autre symptôme, le déchet technique délirant des joueurs de Villas-Boas, notamment au milieu de terrain (exemple : Rongier n’a réussi que 67% de ses passes contre Lens). Dans cette perceptive, les venues de Lirola et Milik peuvent-elles changer la donne ?
Pol Lirola : Une réponse quantitative ou qualitative ?
Fort de 128 matches de Serie A au compteur (2 buts et 14 passes décisives), le latéral droit espagnol est la première recrue hivernal des Olympiens. Il vient concurrencer un poste où Hiroki Sakai apparaissait bien seul depuis le départ de Bouna Sarr en octobre dernier (joueur le plus utilisé derrière Mandanda) et après l’échec du recrutement de Joakim Mæhle (parti depuis à l’Atalanta Bergame).
Marseille, que ce soit en 4-2-3-1 ou en 4-4-2, tend à utiliser à outrance le roulements entre les éléments de couloir droit (ailiers, arrières) pour créer des appels de balle et dégager des espaces pour prendre la profondeur. Bien que généreux dans l’effort, Hiroki Sakai est surtout un latéral aux qualités défensives. En ce sens, le recrutement de Pol Lirola est une bonne pioche dans l’aspect philosophique du projet de jeu de AVB. Capable de faire la différence grâce à ses démarrages très vifs et puissants, il aime jouer en combinaison dans les petits espaces pour se procurer une situation de centre (statistique où Marseille sous performe). Depuis son arrivée, Lirola a d’ailleurs déjà offert quelques aspects intéressants de son jeu en phase offensive :
- Complémentarité du placement intérieur/extérieur avec Thauvin (photo 2 ci dessous)
- Volonté de dédoubler intérieur/extérieur (photo 1 ci-dessous)
- Accompagnement dans la surface (photo 1 ci-dessous)
- Prévention de la transition défensive quand le jeu est à l’opposé
Toutefois, par son apport très offensif, Lirola pourrait participer au déséquilibre défensif des Marseillais. Une problématique déjà présente en raison d’un soucis de timing dans la fermeture des lignes de passe et de gestion des distances dans le pressing haut. C’est ainsi que dernièrement, Nîmes et Lens ont réussis à trouver des issues pour sortir proprement depuis l’arrière et se projeter rapidement vers l’avant (photo 3 ci-dessus).
Arkadiusz Milik, le n°9 idéal pour Marseille ?
Recrue phare et sans doute inespérée en raison de sa situation contractuelle à Naples, Milik se présente comme un vrai finisseur (il oscille entre 0,75 et 1,21 action décisive -but + assists- par 90 minutes depuis 5 ans). Pur gaucher, il utilise rarement son pied droit pour se créer une occasion (sauf en première intention sur une phase de jeu venant de la droite). Il est d’ailleurs très efficace sur son pied fort et très peu avec son pied faible. Son bon jeu de tête lui permet de marquer souvent par cet intermédiaire. Milik prend la majorité de ses tirs dans la surface de réparation (3 tirs sur 4 en moyenne). Cela ne l’empêche pas de tenter sa chance en dehors de la surface, notamment dans la zone des 20m, avec un taux de réussite très intéressant. Pas vraiment un hasard pour un joueur à la frappe de balle puissante et précise, compatible avec sa fonction de tireur de coup franc (3 buts en 10 tentatives depuis 2018).

C’est un joueur capable de participer au jeu, en se positionnant entre les lignes pour se rendre disponible et jouer en remise comme un point d’ancrage pour faire remonter le bloc équipe (pied fort et tête), son haut taux de conservation du ballon le confirme. Ainsi, il peut également jouer dans un système à une ou deux pointes (ce que Villas-Boas a tenté de faire durant la saison). Son gabarit et sa capacité à bien orienter son corps l’aident particulièrement dans ce domaine. Ces facultés le rendent déjà plus intéressant que Dario Benedetto, qui a tendance à ne pas faire les bonnes courses pour exploiter les espaces. Cependant, il ne le fait pas systématiquement avec seulement 26 ballons touchés en moyenne par match sur la saison 2019/20. De même, sa capacité à exercer un pressing pertinent et sa capacité à gagner des duels aériens, ne peuvent être considérées comme ses facultés principales même si elles font parties de ses qualités premières. Dès lors, il peut légitimement apparaitre comme une solution à plusieurs problèmes :
- Le manque de relais dans l’entrejeu
- Une option offensive à l’extérieur de la surface et dans la surface
- Une adaptation tactique pour un système en 4-2-3-1 ou en 4-4-2
Son point faible, est d’être peu dribbleur (0,3 dribble par match). Rarement inspiré dans cette phase de jeu, car manquant de vitesse pour faire une réelle différence et éliminer son vis-à-vis, il ne l’utilise qu’en dernier recourt (après un contrôle raté) pour se mettre en position de frappe sur son pied gauche (pied fort). Autre bémol, l’association Thauvin-Lirola pourrait devenir l’axe fort de l’OM et dans ce cas, Milik devra forcer ses tentatives sur son pied droit, le faible. Qu’importe, Milik est un attaquant compatible avec la philosophie de AVB (Photo 1 et 2 ci-dessus).
Un mercato en attente d’être achevé ?
Malgré ces deux arrivées, le chambardement du côté de la Canebière n’est pas terminé. Morgan Sanson, candidat au départ depuis l’été dernier en raison de sa valeur marchande (entre 15 et 20 millions d’euros), devrait finalement plier bagage en direction de la Premier League d’ici quelques jours. Son transfert vers Aston Villa étant déjà bien avancé.
Dès lors, la problématique du manque de relais au milieu de terrain s’en retrouve amplifiée. Si Cuisance apparait comme un remplaçant naturel selon les dires de son entraineur :
« Sa première touche est toujours vers l’avant et il veut souvent tirer, ce qui démontre son caractère offensif. Il est toujours orienté vers le but. C’est pour ça qu’il peut être très bon en relayeur droit, pour rentrer sur son pied gauche. Il a une capacité de dribble court et une très bonne vision du jeu. C’est aussi un joueur généreux pour les personnes autour de lui, il est capable de faire des passes décisives. Il a tout du 8 complet. »
André Villas-Boas lors de la présentation de Mickael Cuisance à l’OM
Ce que sa première avec l’OM, dans un 4-4-2 losange où Cuisance s’est installé en 10, a permis de vérifier : impeccable techniquement (94% de passes réussies, 100% dans les longs ballons), relation privilégiée avec Thauvin, facilite la circulation de balle, brillant dans les petits espaces, utile défensivement (3 interceptions). Le passage en 4-2-3-1 et les problèmes d’animation l’ont peu à peu rendu inefficace et invisible car trop souvent dos au but et incapable de tenir le ballon face à des joueurs plus robustes physiquement, notamment des milieux défensifs.
Marseille doit donc se mettre en quête d’un joueur créatif et physiquement au point pour apporter plus de densité entre les lignes. Parmi les rumeurs qui circulent : Dahoud (Borussia Dortmund) et Amine Harit (Schalke 04) possèdent cette créativité nécessaire à casser des lignes par la passe ou en portant le ballon. Petit différence entre les deux, Dahoud est un profil plus proche du n°8, car capable de gratter des ballons, alors qu’Harit est plus offensif dans la projection. Toutefois, les déboires extra-sportifs de l’international Marocain peuvent être un frein à l’opération.
Pour résoudre ses problèmes tactiques, l’Olympique de Marseille et Pablo Longoria se sont montrés très actifs depuis l’ouverture du mercato hivernal, avec l’apport de recrue tactiquement compatible avec les idées d’André Villas-Boas. Cependant, des opérations peuvent encore subvenir, notamment pour remplacer le probable partant, Morgan Sanson. Il n’est pas non plus exclu de voir l’entraineur, André Villas-Boas être démis de ses fonctions, d’autant que la presse lui prête déjà un potentiel successeur en la personne d’Ernesto Valverde. Quoi qu’il en soit, un électro-choc est de mise en sein du club phocéen pour redresser la barre et espérer obtenir une place en Coupe d’Europe l’an prochain. De quoi s’attendre à des heures encore agitées dans les prochains jours.