Il y a 25 ans jour pour jour, le CA Brive écrivait la plus belle page de son histoire, et l’une des plus belles pages de l’histoire du rugby français, en devenant champion d’Europe. Emmenés par sept internationaux français, les hommes de Laurent Seigne et Pierre Montlaur s’imposaient 28-9 en finale, face à une redoutable équipe de Leicester. Retour sur cet exploit qui fait la fierté des Coujous.
Une compétition inédite
La saison 1996-1997 de rugby est marquée par la seconde édition de la Coupe d’Europe de rugby, aussi appelée H-Cup, et connue désormais sous le nom de Champions Cup. C’est une compétition toute jeune, lancée par le Comité du Tournoi des V nations, afin de créer une nouvelle compétition professionnelle européenne pour les clubs. L’apparition de cette compétition est une conséquence directe de l’arrivée du professionnalisme dans le rugby, après la Coupe du monde de 1995. Lors de la première édition, le Stade Toulousain s’était imposé en finale face à Cardiff et avait réalisé un doublé historique, H-Cup et championnat. Pour cette saison 96-97, la compétition connaît une évolution considérable, les clubs écossais et anglais décident de participer à la fête et intègrent la compétition. En parallèle se crée également le Challenge Européen, actuel European Rugby Challenge Cup. En 1996, seuls quatre clubs français ont le privilège de participer à la H-Cup, la grande Coupe d’Europe. La Section Paloise, L’US Dax, le Stade Toulousain et le CA Brive (demi-finalistes du dernier championnat de France) sont répartis dans quatre poules composées de cinq équipes. Durant la phase de poule, chaque équipe dispute quatre matchs, et les deux premiers de chaque poule sont qualifiés pour les quarts de finale.

Le parcours parfait du CAB
Les Tigers de Leicester et le CA Brive sont les seuls clubs à remporter l’ensemble de leurs matchs de poule. Les Brivistes s’imposent avec autorité au Stade Amédée-Domenech face aux Gallois de Neath RFC (34-19) et face aux Harlequins (23-10). Deux succès à l’extérieur face à l’Ulster (6-17) et dans un match serré face au club écossais de Caledonia Rugby (30-32) vont permettre aux noir et blanc de s’offrir un quart de finale à la maison.
Tandis que Cardiff se défait difficilement de Bath en quart de finale, les Leicester Tigers éliminent les Harlequins et restent invaincus. Du côté des clubs français, le Stade Toulousain va s’imposer à Dax et peut rêver d’un doublé européen. Le dernier quart de finale sera le moins indécis de tous puisque les Corréziens l’emportent aisément 35-14 face aux Gallois de Llanelli. Particularité du calendrier de l’époque, les demi-finales ont lieu début janvier, juste après les fêtes. Le 4 janvier 1997, les Anglais de Leicester vont frapper un grand coup en écrasant le grand Stade Toulousain de Califano, Deylaud, Castaignède et Ntamack (37-11). Le lendemain, le CAB s’impose à domicile 26-13 face à Cardiff. C’est assez logiquement que les deux équipes qui ont le plus impressionné tout au long de la compétition vont se retrouver en finale.

Les gaillards de Brive sont armés pour performer
« Le rugby se gagne devant », les amateurs de rugby ont tous déjà entendu ou prononcé maintes et maintes fois cette phrase devenue « bateau ». Elle n’en reste pas moins une vérité, et d’autant plus dans les années 1990. Si le CAB fait partie des meilleures équipes d’Europe, c’est en grande partie grâce à son paquet d’avants. En 1996, malgré le départ de Vincent Moscato au Stade Français, le pack briviste reste redouté et redoutable. En première ligne pour affronter Leicester on retrouve des joueurs solides, qui deviendront par la suite entraîneurs, avec Didier Casadeï, Laurent Travers et Richard Crespy. Le Néo-Zélandais Grant Ross forme l’attelage en seconde ligne avec l’emblématique “Coco” Alégret. Le flanker belge Loïc Van der Linden et le flanker polonais Gregory Kacala entourent François Duboisset en troisième ligne.

Voilà de quoi mettre dans de très bonnes conditions des arrières de classe internationale. Philippe Carbonneau, Alain Penaud, David Venditti, Titou Lamaison et Sébastien Viars sont tous régulièrement appelés avec le XV de France. Seuls les ailiers Gérald Fabre et Sébastien Carrat n’ont pas eu la chance de porter le maillot bleu, même si ce dernier a fait partie de l’équipe de France… d’athlétisme ! Il faisait partie des tous meilleurs sprinteurs français dans les années 90.

Sur le banc des remplaçants, le pilier Eric Bouti, le seconde ligne gallois Tony Rees et le troisième ligne international Thierry Labrousse ont pour rôle d’insuffler un nouveau souffle au paquet d’avants briviste. Le Niortais Romuald Paillat a la lourde tâche quant à lui, de suppléer Alain Penaud au poste de demi d’ouverture.
Le jour de gloire est arrivé
Le 25 janvier 1997 à 15h30, sur le pré de l’Arms Park de Cardiff, le CA Brive a rendez-vous avec son histoire. Beaucoup de suiveurs sont sceptiques quant aux chances de victoire des Coujous. Certains rappellent que les Tigers ont étrillé le Stade Toulousain en demi-finale. D’autres pestent contre la décision de choisir Derek Bevan à l’arbitrage, celui que l’on désigne comme responsable de la défaite du XV de France lors de la Coupe du monde 1995 en demi-finale face aux Springboks. Très rapidement le CAB se met dans le match en menant 8-0 après cinq minutes de jeu, grâce à une pénalité de Titou Lamaison et un exploit personnel de « la boussole », Sébastien Viars.
Mais à la faveur de l’indiscipline briviste, les Tigers se remettent dans le match et mènent 8-9 grâce à trois coups de pied de John Liley à la 54ème minute. Les Anglais profitent de cet avantage pendant seulement une minute, puisque Gérald Fabre crâne rasé pour l’occasion, élimine quatre défenseurs et s’en va planter un essai en coin. Dix minutes plus tard, les Corréziens entrent dans les 22 mètres des Tigers à la suite d’une penaltouche. A la suite d’un maul et de trois temps de jeu, Sébastien Carrat inscrit un essai sur son aile gauche et vient récompenser le travail de ses coéquipiers. Il reste six minutes à jouer, quand Titou Lamaison passe un drop de 35 mètres qui permet à Brive de faire le break.
Cerise sur le gâteau, le CAB va conclure cette superbe prestation par un dernier essai de Sébastien Carrat, bien servi par Sébastien Viars, à la suite d’une démonstration de force des avants noir et blanc. D’un poteau rentrant Titou Lamaison transforme cet essai et scelle le score du match (28-9), le président du CA Brive Patrick Sébastien peut exulter.
Les ambitions du CAB doivent être revues à la baisse en 2022, près d’un quart de siècle plus tard, professionnalisme oblige. Mais cet exploit, le plus grand de l’histoire du club, reste gravé dans les mémoires. Chaque année, le club et les supporters n’oublient pas de célébrer leurs champions.