S’il y a un format de course cycliste télégénique par excellence, c’est bien le cyclo-cross. La durée de course, environ 1h, ne laisse pas de place à l’ennui. Du départ, souvent tendu, ou le placement est primordial jusqu’à la ligne d’arrivée, les coureurs sont à bloc. Les crevaisons, la hantise des participants, peuvent anéantir une course. Sur une boucle à parcourir plusieurs fois, les meilleurs mondiaux vont s’affronter ce week-end dans le but de porter le graal toute l’année : le maillot arc-en-ciel. Cette discipline se court sur des chemins boueux ou ensablonnés, avec des conditions météorologiques souvent désastreuses. Et comme ce n’est pas assez compliqué, le tout s’effectue sur un vélo de route équipé de roues spécifiques. Le bon réglage de la pression du boyau devient alors indispensable afin d’éviter les crevaisons ou les chutes. Le CCS vous fait un état des lieux des forces en présence pour ce week-end palpitant.
Le lieu de l’affrontement
Le circuit de 2900m se décompose en 3 parties et 8 secteurs :
Première partie: Grand pont qui relie les deux parties (Koningin Astridlaan). Le pont mesure 135 m de long et 8 m de haut. Les deux côtés présentent une inclinaison de 21 %. Il faudra monter 55 m du côté de la plage et 35 m du côté de l’hippodrome.
Deuxième partie: La plage.
Troisième partie: Hippodrome séparé par du mâchefer et du gazon. Cette partie est très technique et vallonnée.
Voici le type de terrain rencontré :
Gazon = 1326 m
Mâchefer = 404 m
Sable = 565 m
Ponts = 400 m (pente à 21%)
Asphalte/pavés = 205m
Programme du week-end :
Samedi : Course Elite Femme à 15h10 et Espoirs Homme à 13h30
Dimanche : Course Elite Homme à 15h10 et Espoirs Femme à 13h30
Les Favoris

Mathieu Van der Poel (Pays-Bas)
Honneur au double champion du monde en titre de la discipline. Faire une liste de son palmarès en cyclo-cross prendrait des jours alors résumons en quelques chiffres : plus de 150 victoires, record de 32 victoires sur une seule saison (2017-2018), une série de 35 victoires de rang entre 2018 et 2019, 3 titres de champions du monde, 3 titres de champion d’europe, 6 titres nationaux..
Au-delà de ses chiffres vertigineux, le cycliste de 26 ans est, avec son meilleur ennemi Wout Van Aert, la référence du cyclo-cross mondial. Les deux se partagent les titres de champion du monde depuis 2015. Avant ça MVP a dominé son adversaire Belge en juniors (2 titres en 2012, 2013) avant d’être battu chez les espoirs (2014). Pour préparer ces mondiaux, les deux meilleurs ennemis se sont partagé les victoires et ont pu entretenir leur adversité.
Le point fort de Mathieu est son agilité sur le vélo et notamment dans le sable. Or, les mondiaux ont lieu à Ostende et le parcours de 2,9km comporte environ 20% de sable
Le point faible de MVP est son mental. Sitôt qu’il chute ou qu’il n’arrive pas à revenir sur son adversaire, il a tendance à perdre de la concentration et finit par lâcher prise. Il a souvent écrasé les courses dès le début pour gérer ensuite donc s’il doit faire jeu égal avec un adversaire pendant plusieurs tours, il ne sera pas à l’abri d’une erreur et d’une possible baisse de régime mentale.
S’il a déclaré dans un premier temps que ce sera du 50-50 avec Wout, il reste sûr de ses forces et ne semble pas douter de ses capacités à décrocher un 4ème titre comme il l’a confié par le biais d’une vidéo :
Wout Van Aert (Belgique)
Le Belge de 26 ans est donc l’ombre du Néerlandais. S’il n’est pas devant, il est juste derrière. Wout est un miraculé et le voir retrouver son meilleur niveau ne peut que nous réjouir. Après son incident lors du TDF 2019, qui a entraîné une lourde opération et des complications, il a été proche de devoir stopper sa carrière. Il est revenu et semble être le seul à pouvoir perturber MVP. Wout Van Aert s’appuie sur sa puissance pour ne jamais rien lâcher. S’il a plus de mal à rentrer dans les courses, quand il met le moteur en route, il est difficile à suivre.

Il est également trois fois champion du monde de la discipline et s’il est moins dominateur sur la durée que Mathieu (il a privilégié la route depuis 2019), Van Aert est toujours présent dans les grand RDV : 4 titres nationaux – plus grande concurrence que pour MVP – 3 titres mondiaux et 3 coupes du monde.
De plus, Wout Van Aert va jouer à domicile, sur un circuit qu’il connaît bien pour y avoir glané un titre national en 2017. Le Belge a déclaré que le circuit lui correspondait à 100%. Malgré l’absence de public, il devrait avoir le surplus de motivation pour ne pas laisser MVP triompher sur ses terres. Le coureur a également un revanche à prendre depuis sa défaite au sprint contre son adversaire au Tour des Flandres. Mentalement, il est remonté à bloc afin de triompher dans une épreuve qui réussit généralement aux Belges (30 victoires contre 8 pour les Hollandais)
Wout a déjà entamé la guerre psychologique il y a quelques jours dans la presse en déclarant MVP favoris :
“En termes de condition physique, je pense que nous sommes tous les deux au point. Cette victoire est très satisfaisante mais, selon moi, Mathieu sera le favori dimanche prochain. Il a plus de victoires que moi depuis le début de la saison. Je suis content de ce que je fais, mais je pense qu’il a plus d’atouts”
Les Outsiders

Tom Pidcock (Grande-Bretagne)
L’anglais de 21 ans est la nouvelle pépite du cyclo-cross mondial. Il rappelle MVP dans sa capacité à gagner sur différentes disciplines. Il est devenu champion du monde espoir de VTT à Léogang en octobre dernier. Il a gagné le Paris-Roubaix espoirs au terme d’un raid solitaire de 20km ainsi que le Tour d’Italie Espoir (gain de 3 étapes). Le jeune homme a été champion du monde espoir de cyclo-cross en 2019 et a fini 2ème de l’épreuve élite l’année dernière derrière Van der Poel.
Celui qui vient tout juste de signer son premier contrat pro avec Ineos Grenadier, team WT qui va l’aider dans sa progression, semble être le seul en mesure de pouvoir jouer les troubles fêtes dans le duel Belgo-Néerlandais. Il s’est même payé le luxe de battre MVP à Gavere le 13 décembre 2020. De quoi rêver de la victoire ? Le podium serait déjà bien pour lui avant de peut-être envisager une victoire en 2022. A seulement 21 ans, l’avenir lui appartient et Dave Brailsford ne s’est pas trompé.
Eli Iserbyt (Belgique)
Sans une vilaine chute survenue lors du cyclo-cross Heusden-Zolder le 26 décembre qui a laissé présager le pire, Eli serait sûrement l’outsider numéro 1 devant Pidcock. Mais entre le repos et la difficulté de tenir un guidon avec une blessure au coude, difficile de connaître l’état de forme du Belge.
Le Belge de 23 ans était pourtant en train de confirmer ce qu’il avait montré l’année dernière, à savoir un immense talent. Champion du monde en 2018 et 2ème en 2019 chez les espoirs, il n’a pas déçu chez les Elites. Dix victoires en 2019/2020, 2ème des championnats de Belgique, des championnats d’Europe et de la coupe du monde, il s’était malheureusement raté sur les mondiaux (10ème). Il est devenu champion d’Europe en novembre dernier et avait déjà engrangé 6 victoires.
S’il a ce niveau-là sur la ligne de départ, Eil visera le podium. S’il est toujours handicapé par son coude, se sera une nouvelle course pour apprendre. Avant un beau duel en 2022 contre Pidcock ?
Toon Aerts (Belgique)
Le Belge de 27 ans est le premier des poursuivants. Sans les exploits des deux géants, le palmarès de Aerts ferait déjà des envieux. 3ème lors des deux derniers mondiaux, champion de Belgique devant Van Aert en 2019, vainqueur de deux coupe du monde, 2ème des derniers championnats Belge, Toon Aerts a tout de l’outsider. Il lui faudra batailler pour monter sur le podium ce week-end, mais il a l’avantage de l’expérience sur Pidcock.
Il y aurait d’autres noms à citer comme Michael Vanthourenhout par exemple, mais il sera difficile pour le reste de la meute de se faire une place sur le podium entre les cinq coureurs précédemment cités.
La course féminine
Si la course masculine va être un match Belgique vs Mathieu Van der Poel, la course féminine va ressembler à un championnat des Pays-Bas avec la Belge Sanne Cant et l’Américaine Clara Honsinger en arbitres. Cette course sera également un match entre la jeunesse (Alvarado et Honsinger) et l’expérience (Brand et Cant)
Ceylin Alvarado (Pays-Bas)
La Néerlandaise de 22 ans n’aurait sûrement jamais fait du cyclo-cross en restant dans son pays natal (République Dominicaine). Elle a découvert le cyclo-cross aux Pays-Bas à 10 ans. Pour les courses, le père fait office de mécanicien, la maman de cuistot. Une vraie entreprise familiale. Corendon a flairé le talent et l’a fait signer en 2018. Elle apprend donc aux côtés de Sanne Cant et Mathieu Van der Poel.

Elle domine d’abord les catégories espoirs en 2018/2019, année où seul le titre mondial lui échappe. Ceylin écrase la concurrence l’année dernière en remportant le Superprestige, le Trophée des AP Assurances, le championnat d’europe espoirs, le titre national. La Néerlandaise renonce à la sélection espoir et va glaner le titre de championne du monde élite de cyclo-cross.
Cet hiver, elle est devenue championne d’Europe Elite de cyclo-cross en réglant au sprint sa compatriote Annemarie Worst prouvant une nouvelle fois qu’elle est présente lors des grands rendez-vous. Ajoutez à ça 7 victoires sur le circuit et vous avez là une légitime candidate à sa propre succession !
Lucinda Brand (Pays-Bas)
Lucinda s’avance comme une favorite au titre mondial. Après avoir privilégié la route pendant plusieurs années avec beaucoup de beaux podiums (surtout en CLM), la Néerlandaise semble avoir retrouvé une seconde jeunesse. Elle réalise à 31 ans sa meilleure saison de cyclo-cross : première de la coupe du monde avec 3 victoires sur 5 épreuves et victorieuse à 11 reprises cet hiver. Lucinda a dominé Alvarado à plusieurs reprises et semble avoir un léger ascendant psychologique. Elle a été trop courte lors des derniers championnats d’Europe en finissant 3 ème à 22 secondes, mais est montée en puissance par la suite. La cycliste a toujours été sur le podium des mondiaux depuis 2018 et ne devrait pas interrompre cette série en cours. Enfin la victoire ?

Annemarie Worst (Pays-Bas)
Encore une sérieuse concurrente pour Ceylin. Elle a souvent vu la roue arrière de sa compatriote en finissant 2 ème des mondiaux 2019, 2 ème du championnat national et à nouveau 2 ème des championnats d’Europe en novembre dernier. Après une année 2019/2020 bien remplie en termes de victoires, la cycliste de 25 ans semble plus en retrait cette année sur les différentes courses de la coupe du monde. Bluff ? Méforme ? Nous le saurons samedi.
Sanne Cant (Belgique)
Depuis son dernier titre mondial en 2019, la Belge de 30 ans a du mal à retrouver son niveau. Mais une championne reste une championne et il est fort à parier qu’elle ne se laissera pas faire. On ne conquiert pas trois titres de championne du monde élite de cyclo-cross sans talent. Elle est surtout la mieux placée pour éviter un triplé Hollandais en terre Belge.

Denise Betsema (Pays-Bas)
Les Pays-Bas encore à l’honneur. Denise complète une armada qui vient chercher le triplé. Après avoir été suspendu pour dopage, elle semble retrouver petit à petit son niveau de 2018/2019. 4 victoires, 3ème de la coupe du monde, 4ème des Championnats d’Europe, elle pourrait jouer les troubles fêtes.
Clara Honsinger (Etats-Unis)
Championne des Etats-Unis en titre, l’Américaine a fini 4ème de la dernière Coupe du monde en ne participant qu’à 4 courses. Suffisant pour venir s’insérer sur le podium ? Elle a mis toutes les chances de son côté en restant tout l’hiver en Europe pour la première fois. Elle s’est préparée et pourrait créer la surprise.

Si malheureusement le cyclo-cross est une discipline encore boudée en France (malgré les efforts de Steve Chainel par le biais de son team Legendre), nous aurons peut-être l’occasion d’entendre une marseillaise à Ostende. En effet Marion Norbert Riberolle va tenter de conserver son titre de Championne du monde espoirs. Cela pourrait être un éclair tricolore au milieu de la guerre Belgique/Pays-Bas. Samedi sera déjà l’occasion de voir un beau spectacle avec la course Elite femme. Viendra ensuite le feu d’artifice de dimanche avec l’affrontement MVP/WVA qui permettra à l’un des deux de décrocher son 4ème titre. The show must go on.