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Chelsea : L’évidence Tuchel

Après avoir fini 4e de Premier League l’an passé et avec le mercato estival le plus important d’Europe (plus de 200 millions d’euros dépensés), cette année devait être celle de la lutte pour le titre pour Chelsea. Malheureusement après un très bon début de saison, l’équipe de Roman Abramovitch se retrouve 10e de son championnat. Pire encore, depuis que  Frank Lampard, légende du club, a été nommé entraîneur en 2019 il présente le plus faible ratio de points par match (1,67) depuis 2003 et le début de la présidence d’Abramovitch. Face à cet échec, le coach anglais a été limogé puis remplacé dans la foulée par Thomas Tuchel, fraîchement mis à la porte par le Paris Saint Germain. Pourquoi engager un coach qui ne satisfait pas les attentes ailleurs ? Réponse en trois étapes…

La “patte allemande”

Thomas Tuchel n’était pas le premier choix du club londonien, ni le deuxième d’ailleurs. Les Blues ont en effet essuyé le refus de Julian Nagelsmann, actuel coach du RB Leipzig, 2e de Bundesliga. Ce dernier ne souhaitant pas quitter son club en cours de saison. Les dirigeants de Chelsea, menés par la directrice sportive Marina Granovskaia, se sont ensuite tournés vers Ralf Rangnick qui n’est autre que le prédécesseur de Nagelsmann à Leipzig. Cependant l’offre de contrat de 6 mois qui lui était proposé pour jouer les intermittents ne lui convenait pas. C’est alors que Tuchel entre en scène, libre de tout contrat et doté d’une solide expérience en coupe d’europe (finaliste de la Champions League en 2020 avec le PSG). Mais surtout Thomas Tuchel représente, au même titre que les deux premiers cités, le football prôné par les managers allemands.

Quelle importance me direz-vous ? C’est très simple, les deux derniers coachs vainqueurs de la Ligue des Champions sont allemands et ont fait leurs classes sur les bancs de clubs de Bundesliga. Hansi Flick qui a battu Thomas Tuchel en finale avec le Bayern Munich en 2020 et Jürgen Klopp en 2019 avec Liverpool, passé par le Borussia Dortmund et dont le successeur n’était autre que… Thomas Tuchel. Ajoutez à cela le fait que la Bundesliga est depuis quelques années le championnat qui propose le plus de jeu, preuve en est avec le nombre de buts par match (3,25) qui était l’année dernière le plus élevé d’Europe, et vous avez la recette de l’attraction autour des coachs allemands.

Jurgen Klopp, Hansi Flick & Thomas Tuchel
Crédits : 7sur7.be

Mais ce n’est pas tout, à Chelsea plus qu’ailleurs, la “patte allemande” est nécessaire. En effet, lors du dernier mercato des Blues, pas moins de 140 millions d’euros ont été déboursés pour faire venir Kai Havertz et Timo Werner, respectivement de Leverkusen et Leipzig… deux clubs de Bundesliga. Sous les ordres de Frank Lampard, les deux allemands si flamboyants et décisifs dans leurs anciens clubs n’étaient que l’ombre d’eux-mêmes. Werner, habitué à la pointe de l’attaque depuis le début de sa carrière, était régulièrement utilisé sur une aile à Chelsea. Quant à Havertz, absent sur un tiers des rencontres du club londonien à cause de la contraction du covid sous une forme assez grave, n’a jamais réussi à s’installer à un poste qui était le sien et ainsi engranger de la confiance. En outre, l’ancien coach des Blues n’a pas réussi à tirer profit des ces deux pépites et quand on les paye ce prix là, l’investissement doit être rentabilisé.

Telle est désormais la mission de Thomas Tuchel, qui connaît le championnat où Werner et Havertz ont brillé et qui n’aura pas la barrière de la langue avec eux ni d’ailleurs avec le reste de son effectif.

Un groupe Tuchel – compatible ?

A Paris, Tuchel disposait d’un groupe très hétérogène, tant par l’écart de niveaux entre certains joueurs que par les carences numériques à certains postes et le surnombre à d’autres. A Chelsea, le coach allemand aura à sa disposition un groupe à la fois dense, homogène et malléable. Aucun joueur n’a l’aura d’une superstar et aucun poste ne manque de qualité. Cela a sûrement de quoi ravir l’ancien entraîneur parisien qui affectionne les changements de dispositifs tactiques en fonction de son adversaire. Ajoutez à cela la polyvalence des Ziyech, Havertz et autres Mason Mount et à n’en pas douter le coach allemand pourrait qualifier cet effectif de “top top top”. 

Avec des latéraux offensifs comme Chilwell et le jeune mais non moins talentueux Reece James, la défense à  trois avec des latéraux avancés sur la même ligne que les milieux en mode “pistons” tant aimée par Tuchel sera plus qu’une simple alternative. Il pourra aussi développer un 4-2-3-1 plus équilibré qu’à Paris avec Havertz en meneur de jeu entouré de Ziyech et de Pulisic, se servant des appels de Werner dans la profondeur tandis que la couverture sera assuré par l’infatigable N’Golo Kanté et l’intelligence de jeu de Jorginho. Outre Giroud et Abraham qui sont des joueurs de surface, les joueurs offensifs à sa disposition aiment permuter et Tuchel affectionne particulièrement ces permutations en cours de match. Il en avait fait une habitude avec Angel Di Maria et Kylian Mbappe, créant ainsi du désordre dans la défense adverse. Bref, autant de possibilités tactiques que le nouveau coach des Blues peut en rêver, peut-être ce qui lui manquait lors de son passage mitigé chez les champions de France.

En plus des stars allemandes, Tuchel pourra compter à Chelsea sur son ancien capitaine du PSG Thiago Silva qu’il voulait à tout prix conserver dans la capitale. Ce qui l’aidera forcément dans son intégration. Tout comme la présence du défenseur allemand Antonio Rüdiger en délicatesse avec Lampard. Notons aussi la présence dans l’effectif du jeune américain Christian Pulisic qui a éclos aux yeux du monde lorsqu’il était à Dortmund sous les ordres de son nouvel entraîneur. De plus, le coach natif de Bavière est polyglotte, sa maîtrise de la langue de Goethe, du français et de l’anglais lui permettra d’être compris de tous dans le vestiaire.

Autre point à souligner, la présence de nombreux jeunes dans l’effectif londonien. Que ce soit à Dortmund avec Pulisic, Weigl ou Dembele ou à Paris avec Kouassi, Nkunku ou Diaby (qui jouent tous trois en bundesliga aujourd’hui, comme un symbole), Thomas Tuchel a prouvé qu’il savait exploiter le potentiel de ses jeunes joueurs. On peut donc logiquement estimer que l’arrivée du coach allemand ne peut être que positive pour les Havertz, Hudson-Odoi, Mount et Reece James pour ne citer qu’eux.

Un deal gagnant – gagnant ?

Chelsea se retrouve désormais avec un entraîneur que l’on pourrait qualifier de bâtisseur. Pas celui qui restera cinq ans ou plus, pas celui non plus qui fera de l’équipe un favori à la Ligue des Champions mais bien celui qui posera des bases solides d’un groupe qui grandit. En bon manager, Thomas Tuchel est proche de ses joueurs et saura les protéger quand dans leur apprentissage ils feront des erreurs. Il saura aussi parler aux gros égos du vestiaire d’autant plus que celui de Chelsea ne compte pas de tête-brûlée superstar comme le pouvait être Kylian Mbappe avec qui l’ancien coach parisien ne s’est pas séparé en bon terme.

En ce club, Thomas Tuchel retrouve aussi un peu de sérénité, il n’est pas obligé de gagner toutes les compétitions pour réussir une saison même si les exigences du propriétaire Abramovitch sont très élevées. En cela, il pourra trouver un autre club de haut rang à la fin de son contrat en 2023. Un contrat ni trop court pour lui permettre de mettre en place son style de jeu et sa philosophie mais ni trop long pour que l’indemnité de licenciement ne soit pas trop coûteuse pour le club en cas de mauvais résultats car oui, Chelsea a pour habitude de se séparer rapidement de ses entraîneurs quand les résultats ne suivent pas les attentes. Mais derrière cette durée de contrat se cache le réel objectif de Chelsea. 

Tuchel & Granovskaia (crédits : football.london)

Il existe un entraîneur dont le contrat se termine lui aussi en 2023 et qui était le premier choix de la directrice du club Marina Granovskaia… Julian Nageslmann. Et si Thomas Tuchel était là dans le but de faciliter le travail du jeune coach de Leipzig ? Et si la construction de cette équipe était vue sur le moyen terme ? Beaucoup de supposition mais pourtant tout concorde. 

Tuchel met les joueurs en confiance, fait émerger des jeunes à fort potentiel, test plusieurs dispositifs tactiques tant en se rapprochant du podium de la Premier League et à la fin de son contrat, merci pour les services rendus, allez dans le grand club de votre choix nous allons à présent accueillir Nagelsmann qui fera de notre club un champion d’Angleterre et qui sait peut-être d’Europe. Bien sûr tout cela ne serait pas possible si Tuchel n’avait pas les qualités requises pour cette mission mais il a aussi les défauts de ses qualités. Des défauts qui font qu’il n’est pas un des tous meilleurs entraîneurs mais qui font de lui un bâtisseur d’une équipe dont la direction voit plus loin que la saison actuelle, un club qui réfléchit et agit intelligemment pour devenir une référence européenne pour les dix prochaines années, comme le Chelsea des années 2000, dont le capitaine était Frank Lampard.

En Thomas Tuchel, Chelsea a recruté un des meilleurs entraîneurs du moment mais aussi celui qui lui convient le mieux. L’ancien coach du PSG a toutes les qualités pour former ce groupe composé de jeunes stars fraîchement arrivées. De par ses origines et son académie de jeu allemande semble répondre à tous les critères du club d’Abramovitch. Disposant en plus d’un groupe homogène et malléable, l’excentrique tacticien pourra composer à sa guise avec différents schéma de jeu. Dans ce deal à court terme (18 mois + 12 en option), tout semble réuni pour que chacun y trouve son compte… en attendant l’été 2023 pour retrouver Chelsea sur le devant de la scène européenne ?

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