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Julia Simon, la reine des reines

Depuis quelques semaines, quand on pense à Julia Simon, on pense au panache. Dans une saison particulière sans public, la française alterne le très moyen et l’excellent. A la peine sur les épreuves individuelles, Julia vient de remporter coup sur coup 2 Mass-Start à Oberhof et Antholz, une première pour une française, à chaque fois avec un 17/20 au tir, rien que ça ! Et comme si ce n’était pas assez, ses deux succès sont marqués par le même fait de course : Julia est arrivée sur le 4ème tir au-delà de la 10ème place, a fait un tir en mode rafale à 5 sur 5 et a avalé ses dernières concurrentes sur le dernier tour de piste. Le panache qu’on vous dit ! Retour sur le parcours d’une championne pas comme les autres, qui se sublime dans l’adversité.

Une éclosion précoce

On oublie souvent de le préciser mais Julia Simon n’a que 24 ans, soit 6 ans de moins que les leaders de la coupe du monde Mate Olsu Roeiseland et Tiril Eckhoff. Elle n’en n’est qu’au début de sa carrière et nous fait déjà vibrer depuis 4 ans sur le circuit Coupe du Monde.

Julia Simon aux championnats du monde junior 2014 (Crédit : Le Progrès)

Née à Albertville le 9 octobre 1996, ce pur produit du ski savoyard a réussi partout où elle est passée. Championne de France jeune de la Mass Start (déjà !) en 2013 à 17 ans, elle montera durant les années suivantes sur le podium des championnats du monde jeune, junior et des championnats d’Europe. Dans l’anti-chambre de la coupe du monde, l’IBU Cup, elle signe sa première victoire en sprint le 7 janvier 2017. Ses très bons résultats lui ouvrent la porte de la coupe du monde cette même-année, où elle inscrit ses premiers points en poursuite à Ruhpolding, avant de récidiver à Oslo l’année suivante.

Julia remporte sa première victoire en IBU Cup en 2017 (Crédit : Nordic Mag)

Remplaçante aux JO de Pyeongchang, Julia Simon profite des années 2018 à 2020 pour gravir les marches de la hiérarchie mondiale. Du point de vue collectif tout d’abord, avec un premier podium au relais féminin à Hochfilzen en 2018, puis une première victoire avec ce même relais à Ruhpolding, toujours en 2018. Du point de vue individuel, elle obtient son premier podium sur l’Individuelle d’Östersund en 2019 avant de remporter son premier succès lors de la dernière course de la saison 2019-2020, la poursuite de Kontiolahti, un bel hommage pour la fin de carrière de Martin Fourcade.

Julia Simon remporte sa première victoire lors de la poursuite de Kontiolahti en 2020 (Crédit : Sportmag)

Cette année, Julia a des résultats en dents de scie. Les deux dernières semaines en sont le plus bel exemple. A chaque fois repoussée en dehors des points aux sprints d’Oberhof (59ème) et Antholz (62ème), elle s’impose les jours suivant sur la mass-start au terme d’un scénario incroyable, avec un 17/20. Ajoutons à cela un podium sur la poursuite d’Hochfilzen, une victoire sur le relais mixte d’Oberhof, et Julia se retrouve 11ème du classement général de la coupe du monde. Surtout, elle est largement en tête du classement de la Mass-Start.

Des jambes de feu

S’il y a un domaine où Julia Simon fait l’unanimité, c’est bien le ski de fond. En constante progression depuis son arrivée sur le circuit coupe du monde, elle est aujourd’hui au niveau des meilleures dans cette discipline. En 2018-2019, elle finit 20ème biathlète sur les skis, en 2019-2020 elle atteint la 16ème place. Cette année, elle est 6ème de ce classement, dominée par les norvégiennes mais également les françaises (Justine Braisaz-Bouchet et Anaïs Chevalier-Bouchet sont respectivement 4ème et 8ème). Mieux, elle n’est sortie que deux fois du top 10 à skis cette saison, se plaçant dans le top 3 des meilleurs temps de ski à 5 reprises.

Julia Simon est parmi les meilleures du plateau à skis (Crédit : L’Equipe)

Bourreau de travail, elle perpétue donc une certaine tradition française qui amène les biathlètes tricolores à jouer les avant-postes sur les skis. Pour s’en assurer, il suffit de voir les résultats des bleues lors des championnats de France de… ski de fond (en skating) en Octobre 2020. En l’absence de Delphine Claude, leader l’équipe fondeuse tricolore, c’est… Julia Simon qui s’est imposée devant Justine Braisaz-Bouchet et les spécialistes de la discipline. Elle le reconnaît elle-même : le ski de fond est son activité favorite sur le biathlon.

« Le ski de fond, c’est mon premier amour »

Julia Simon le 17 janvier après sa victoire sur la mass-start d’Oberhof

Le tir comme juge arbitre

On s’y est habitué ces dernières années, les résultats des françaises sont très (trop) dépendants de leur réussite au tir. On caricaturait à peine en disant que pour Julia Simon, un tir parfait est quasi-obligatoirement synonyme de podium. Son problème, qu’on peut généraliser à l’équipe de France féminine : sa précision au tir ne s’améliore pas depuis quelques années. Le graphique suivant le montre bien (en excluant l’année 2016-2017 où Julia ne participe pas à suffisamment de courses pour que ses statistiques soient révélatrices) :

Les moyennes statistiques au tir de Julia depuis son arrivée en coupe du monde (Crédit : realbiathlon)

L’instabilité des entraîneurs de tir de l’équipe de France, et éventuellement un problème dans l’approche mentale, peuvent notamment expliquer ce déchet au tir : on parle en moyenne d’une balle ratée par passage sur le pas de tir. Cette année, la savoyarde occupe le 47ème rang en termes de réussite au tir, loin de sa 6ème place à ski.

Mais il y a quelques bons signes pour Julia. Elle semble en progression sur le tir debout, où elle affiche de meilleures statistiques qu’au tir couché, pratiquement au niveau de celles de Tiril Eckhoff ou Marte Olsu Roeiseland. La plus grosse marge de progression de la savoyarde semble donc être sur le tir couché, qui est un tir plus technique que mental.

Julia a encore une marge de progression technique et mentale sur le tir (Crédit : ski-nordique.net)

Surtout, Julia est pour l’instant 2ème de deux classements moins connus que les autres : celui du temps passé sur le pas de tir (entre l’entrée et la sortie) et celui du temps de tir. Julia est d’ailleurs en tête de ces classements lorsqu’on isole le tir debout !
Cela traduit donc un style agressif de la biathlète française, qui choisit de passer moins de temps sur le pas de tir que les autres, au risque de faire plus d’erreurs. Devra-t-elle revoir son agressivité à la baisse pour améliorer son pourcentage de réussite ? C’est à elle et ses coaches d’en juger.

A gauche, le classement des biathlètes les plus rapides au tir ; à droite, des biathlètes à passer le moins de temps sur le pas de tir (entre l’entrée et la sortie) (Crédit : realbiathlon)

La confrontation directe comme terrain de jeu favori

En tout cas, ce style agressif a forcément un lien avec ses résultats : Julia Simon est impressionnante sur les courses à confrontations directes, où elle a remporté ses trois victoires en Coupe du monde (2 mass-starts donc et une poursuite), palmarès complété par de nombreux relais où la française performe plutôt bien. On pense forcément au relais mixte qu’elle a remporté haut la main cette année avec Emilien Jacquelin. Son style agressif, notamment au tir debout, lui permet de mettre la pression sur ses adversaires directes, qui la voient enchaîner les balles.

Julia a remporté avec Emilien Jacquelin le relais mixte simple d’Oberhof en 2021

On ne peut également s’empêcher de penser au mental de la jeune biathlète. Ce mental qui lui joue des tours lorsqu’elle est seule face à elle-même en sprint ou en individuel, causant parfois de nombreuses fautes au tir (5 par exemple au second sprint d’Oberhof ou 7 lors de l’indiv d’Antholz). Ce même mental qui lui permet, sur ces mêmes sites d’Oberhof et d’Antholz, d’arriver au delà de la 10ème place sur le dernier tir et d’aller chercher un 5 sur 5 en mode mitraillette sur le dernier tir des mass-starts pour se replacer en tête. Car Julia est une athlète qui est capable de trouver des ressources insoupçonnées alors qu’elle est épuisée pour nous offrir des scénarios complètement fous. On pense forcément à sa manière de résister face à Hanna Oeberg ou Franziska Preuss qui avaient moins tourné qu’elle.

C’est vrai que dans les moments durs, j’ai toujours cette pensée de me dire : « Pourquoi je me fais chier avec ces cinq cibles à battre ? Pourquoi je me contente pas de mettre mes skis de fond ? ». Aujourd’hui (dimanche), c’est vrai que ça me conforte dans le choix que j’ai fait.

Julia Simon pour la chaîne L’Equipe le jour de sa victoire à Oberhof

Finalement, le mental de Julia Simon est sûrement son pire ennemi en courses individuelles, mais aussi son meilleur allié en courses à confrontations directes.

Un premier petit globe de cristal ?

Ce qui est sûr, c’est que la savoyarde a passé un cap cette année. On pouvait d’ailleurs l’esquisser dès sa préparation, avec notamment une victoire lors du City Biathlon de Wiesbaden avec un impressionnant 25/25 au tir (il y a 3 tirs debout sur cette épreuve), preuve que le travail de l’été avec Jean-Paul Giachino avait porté ses fruits. Si on a seulement entre-aperçu ces progrès durant la saison, Julia Simon a un niveau de ski qui lui permet de jouer la victoire à chaque course si son tir suit.

Julia peut-elle aller chercher un petit globe de la Mass-Start ? (Crédit : Est Republicain)

Au point de gagner son premier globe de cristal dès cette année ? S’il est encore trop tôt pour le dire, la savoyarde a acquis une belle avance dans le classement de la spécialité sur sa seconde (+24 pts sur Marte Olsbu Roeiseland), à deux courses de la fin. Pour rappel, la dernière française à avoir remporté un petit globe de cristal était Sandrine Bailly, en 2006-2007, c’est dire l’exploit que réaliserait Julia Simon, qui plus est sur le format de course le plus exigeant du biathlon.

On observe depuis le début de la saison une Julia sur courant alternatif, mais qui se veut de plus en plus conquérante. Arrivée à maturité à skis, elle a encore une grosse marge de progression au tir, qui passera peut-être par une agressivité moindre. Mais cette agressivité au tir qui la caractérise tant. C’est une athlète qui fonctionne beaucoup à la confiance et qui a un mental extraordinaire. Et ces deux dernières victoires en mass-start vont peut-être lui apporter ce supplément d’assurance pour enfin faire rentrer les balles lors des courses solitaires. Pourquoi pas dès prochains championnats du monde de Pokljuka en Slovénie, qui débutent dans moins de 2 semaines. Avant peut être d’offrir à l’équipe de France féminine son premier petit globe de cristal depuis près de 15 ans. C’est tout ce qu’on lui souhaite.

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