Petit retour hebdomadaire sur les acteurs et les évènements qui ont fait de chacune des décennies de l’histoire de la NFL des périodes uniques de son évolution. Aujourd’hui, les années 2000, période bénie pour les Quarterbacks et les poches des propriétaires.
Le 3 février 2002, il y a 19 ans presque jour pour jour, New England Patriots décrochait le premier titre de son histoire en renversant les St Louis Rams, pourtant grands favoris. Le match, départ symbolique de la dynastie des Patriots, plonge encore un peu plus la NFL dans la décennie 2000, une décennie marquée par le conservatisme et la continuité.
Les 2000 s en résumé :
19,6 milliards de dollars. Du jamais vu dans l’histoire du sport.
En 1998, lorsque la NFL signe un contrat record avec les chaînes de télévision de la FOX, NBC, ABC et ESPN, c’est un message fort qui est envoyé aux États-Unis : après 80 ans d’évolution et de bataille acharnée, le XXIe siècle appartiendrait au ballon ovale.
En coulisses, les propriétaires sont aux anges. Alors qu’ils redoutaient un chaos total suite à l’instauration de la Free Agency en 1992, synonyme de meilleurs salaires pour les joueurs et de déséquilibre en termes d’attractivité entre les petits et les gros marchés, la NFL avait réussi à s’adapter parfaitement à la nouvelle règle et les audiences ne cessaient de grimper au fil de la décennie.
Naturellement, avec un produit désormais abouti sur le terrain, la nouvelle quête des dirigeants se tourne plutôt du côté de la marque « NFL ». Maintenant que le bouclier bleu blanc et rouge avait envahi le week-end américain, pourquoi ne pas partir à la conquête des jours de la semaine et du marché international ?
Ainsi, en l’espace de quelques années, trois gros projets voient le jour dans les bureaux new-yorkais : la création en 2003 d’une chaîne en continu « NFL Network » qui diffuserait des émissions centrées sur tous les aspects du football, la mise en place de match le jeudi soir en 2005 pour étendre le territoire du football au-delà des seuls dimanches et lundis, et l’organisation de matchs de saison régulière à l’étranger à partir de 2007, pour essayer de toucher le marché européen.

Et pour mener à bien la transformation de la ligue de football en véritable multinationale, c’est l’ancien Vice-Président exécutif Roger Goodell qui est choisi par ses paires au début de l’année 2006. À la tête de certains des plus gros chantiers de l’organisation dans les années 1990, le nouveau commissaire arrive tout en haut de la hiérarchie avec un rôle inédit dans l’histoire du football. Un statut qui ne serait pas celui d’un innovateur de génie, mais plutôt celui d’un policier autoritaire mettant tout en œuvre pour protéger l’image de marque de la NFL.
Le problème, quand est chargé de maintenir l’ordre, c’est que la frontière entre l’autorité et l’excès de zèle est souvent très fine et Goodell va vite l’apprendre à ses dépens. Dès sa deuxième saison sur le trône, le scandale du SpyGate, qui charge les Patriots d’avoir filmé illégalement les signaux secrets de leurs adversaires, va salir l’image du commissaire, accusé d’avoir essayé d’étouffer l’affaire pour ne pas nuire à l’image de la ligue. Trois ans plus tard, sa réputation sera définitivement enterrée après une gestion tout aussi mauvaise d’une deuxième affaire : le Bountygate.
Mais qu’importe. À la fin des années 2000, la NFL est devenue bien trop puissante pour être bousculée par de tels dossiers. Plus que jamais, le ballon ovale reste le sport favori des Américains comme le montrent les audiences toujours plus folles des matchs, à commencer par le Super Bowl qui bat des records chaque année.
Il faut dire que le sport en lui-même est au sommet de son art en ce début de XXIe siècle. Sur le terrain, les joueurs sont plus rapides, plus techniques et plus intelligents que jamais, permettant ainsi une explosion offensive toujours plus spectaculaire.
Aux quatre coins du pays, le poste de Quarterback connait son âge d’or avec l’arrivée de légendes comme Tom Brady, Peyton Manning ou Drew Brees qui, à eux seuls, réécriront entièrement le livre des records.

De plus, les effets de la Free Agency se font rapidement ressentir au plus haut des niveaux. Alors que chacune des huit premières décennies avait été dominée par quelques équipes seulement, les Super Bowl des années 2000 accueillent pas moins de 16 équipes différentes, un record absolu à l’époque.
Entre les drafts de mieux en mieux conduites et la liberté des joueurs de demander des contrats toujours plus gros, la NFL moderne change complètement la manière de dominer sur le long terme. Plus de place pour les dynasties, chaque équipe peut enfin tenter sa chance.
Plus de place pour les dynasties ? Pas si sûr.
L’équipe de la décennie : Les New England Patriots
108 victoires en saison régulière, quatre apparitions au Super Bowl, trois bagues de champions, le tout, en une seule décennie. À l’ère de la Free Agency et du turnover incessant des effectifs, une telle domination est censée être impossible.
Pourtant, impossible n’est pas du vocabulaire de Tom Brady et Bill Belichick. L’un est un jeune passeur sorti de Michigan au sixième tour de la draft, l’autre est un ancien coordinateur défensif de génie, licencié violemment de son dernier poste d’entraineur à Cleveland et déjà sur la sellette après une saison dans le Massachusetts.
Ensemble, le plus grand duo QB-Coach de l’histoire construira, pendant près de vingt ans, la plus grande dynastie que le football n’ait jamais connue.
À l’aide de plan de jeu parfaitement imaginé, de passes à la précision chirurgicale et d’un sang glacé dans les grands moments, la franchise des Patriots marquera la ligue de son empreinte pour la première fois en 2001 dans l’un des Super Bowl les plus irrespirables qu’on ait pu observer. Face aux Rams ultras favoris, la défense jouera un match quasi parfait et Tom Brady commencera à bâtir sa légende de tueur du quatrième quart temps en remontant tout le terrain dans les dernières secondes.
Trois ans plus tard, après deux nouvelles victoires sur la plus grande des scènes, New England confirme : collectivement, la décennie 2000 sera bien celle des Patriots.
Le joueur offensif de la décennie : Peyton Manning
Que ses records de passes tentées de touchdowns et d’interception pour un rookie en témoignent, Peyton Manning a été lancé dans le grand bain de la NFL en 1998 avec un objectif simple : devenir l’homme providentiel d’une franchise des Colts maudite depuis trop longtemps.
En effet, depuis le déménagement de l’équipe de Baltimore à Indianapolis en 1983, nombreux étaient les joueurs qui avaient tenté de remettre les bleus et blancs sur les bons rails… sans succès. Avec le propriétaire Robert Irsay à leur tête, les Colts avaient connu saison médiocre, sur saison médiocre, sur saison médiocre.
Heureusement, dans l’histoire de la NFL, peu de personnes pouvaient mieux endosser le rôle d’homme à tout faire que le passeur sorti de Tennessee. Avec un bras plus que correct, un leadership sans pareil et une intelligence de jeu plus poussée que n’importe qui, le jeune héritier de la famille Manning montre dès sa deuxième saison qu’il était capable de porter la population entière de l’Indiana sur son dos.
En 1999, les Colts dépassent les 10 victoires pour la première fois en 23 ans et s’imposent comme l’une des franchises les plus dangereuses de la ligue. Manning, de son côté, ne tarde pas à briser un à un les records pour le poste de Quarterback : en 2004 il devient le premier à atteindre les 49 touchdowns lancés en une saison et rafle son deuxième titre de MVP consécutif. Il ne faudra attendre que 24 mois de plus avant de le voir soulever le Lombardi Trophy, Graal enfin de retour dans la franchise après 36 ans d’attente.
À la fin de la décennie, lorsqu’il est temps de faire bilan de cet âge d’or du poste roi, The Sheriff dépasse la concurrence la tête et des épaules. À 34 ans, il a déjà battu le record du nombre de MVP remporté en carrière (4) et se classe premier dans toutes les catégories statistiques sur l’ensemble des années 2000.
Le joueur défensif de la décennie : Ray Lewis
Y a-t-il, dans l’histoire du sport, un meilleur démarrage pour une franchise que celui des Baltimore Ravens en 1996 ? Seulement quelques mois après la transformation de l’équipe des Cleveland Browns en Baltimore Ravens, le manager général Ozzie Newsome conduit une première draft proche de la perfection en sélectionnant le Tackle Jonathan Ogden avec son premier et choix, et le Linebacker Ray Lewis avec son deuxième.
À partir de ce moment-là, les deux hommes ont été le visage de l’équipe du Maryland pour les quinze années suivantes, portant les violets et noirs jusqu’au sommet de la hiérarchie NFL. Mais si Ogden est souvent considéré comme l’un des meilleurs joueurs de l’histoire à sa position, c’est réellement Lewis que l’histoire retiendra le plus.
Linebacker le plus effrayant depuis Dick Butkus, l’ancien joueur de l’université de Miami commence sa carrière sur les chapeaux de roue à la fin du XXe siècle : 145 plaquages en moyenne par saison entre 1996 et 1999, et une première sélection dans la 1 st team All-Pro de la ligue.
Pourvu d’un moteur inépuisable, d’un QI football au-dessus de la moyenne et d’une éthique de travail plus développée que quiconque, le Linebacker atteindra le sommet de sa carrière dès la première année de la décennie 2000 en étant nommé défenseur de l’année après une saison exemplaire au cœur de l’escouade de Baltimore. À la fin de la campagne, il est même élu MVP du Super Bowl XXXV, premier titre de l’histoire de la franchise.
Le coach de la décennie : Bill Belichick
Tout comme Vince Lombardi en son temps, il aura fallu de très longues années avant de voir Bill Belichick trouver sa place définitive dans le monde du football.
Arrivé dans la grande ligue à l’âge de 23 ans, le jeune prodige sera passé par les bancs de Baltimore, Detroit, Denver et New York avant de décrocher sa première opportunité comme Head Coach chez les Browns en 1991. Embarqué dans un projet déjà perdu d’avance à cause du déménagement de la franchise à Baltimore quatre ans plus tard, il lui faudra attendre le début du XXIe siècle pour s’installer définitivement à la tête des Patriots.
Dès lors, Bill Belichick a enfin pu montrer ce qu’une bonne partie du monde savait déjà : son talent naturel pour la gestion d’une équipe. En l’espace de quelques mois seulement, il transforme complètement l’effectif des Patriots, troquant les quelques jeunes talents par des vétérans accomplis, et part à l’assaut de la NFL accompagné d’un Tom Brady encore anonyme.

Et si le numéro 12 est aujourd’hui reconnu comme le meilleur Quarterback de l’histoire de la ligue, il ne faut pas oublier que pendant les premières années de la dynastie, c’est bien la défense, parfaitement coachée par Belichick, qui a été la plus impressionnante.
Avec un palmarès gros comme une montagne à la fin de la décennie, le coach à la capuche s’est déjà imposé comme l’un des plus grands esprits tactiques de tous les temps.
Le match de la décennie : Super Bowl XLIII
Un score serré jusqu’à la toute fin du temps réglementaire, des comebacks des deux côtés dans le dernier quart temps, un rendez-vous de certaines des plus grandes légendes de la ligue, deux des actions les plus importantes de tous les temps, la possibilité pour les Steelers de battre le record de Super Bowl remportés. Le tout, réuni dans une seule rencontre ?
La grande finale de la saison 2008 est sans conteste l’une des rencontres les plus intéressantes à regarder de la décennie 2000… Sauf peut-être pour les fans des Cardinals.
La tactique de la décennie : Le Slot WR
Imaginez un monde dans lequel les attaques NFL ne jouent majoritairement qu’avec deux receveurs sur le terrain à chaque action. Un monde où le Quaterback serait collé au centre au début de 95 % des plays et où les défenses utiliseraient trois Linebackers lourds pendant l’intégralité du match.
Ce monde a existé, il n’y a même pas si longtemps. Ce monde, c’est la NFL au milieu des années 2000.
Alors forcément, lorsque Bill Belichick, bien épaulé par son coordinateur offensif Josh McDaniels, décide en 2007 de troquer son Fullback contre un troisième receveur placé dans le slot, c’est une petite révolution qui s’effectue en NFL. Surtout qu’au niveau des petits receveurs aussi vifs que sûrs à courte distance, les Patriots sont bien servis. Avec l’ancienne arme des Dolphins Wes Welker qui vient rejoindre un corps qui compte déjà la légende Randy Moss sur les ailes, la NFL est prévenue : New England n’hésitera pas à passer par les airs pour entretenir leur domination.

Le résultat est sans appel : en 2007, Tom Brady et les siens battent tous les records offensifs avec cette nouvelle formation. 50 touchdowns lancés pour le Quarterback, 23 touchdowns réceptionnés pour Moss, 112 passes captées pour Wes Welker et plus de 36 points par rencontre pour l’attaque dans son ensemble.
Pendant la saison régulière, impossible d’arrêter ce tsunami. Les Patriots finiront l’année en 16-0 et influenceront l’évolution offensive de la ligue jusqu’à aujourd’hui.
L’action de la décennie : Le Helmet Catch
À une minute et seize secondes de la fin du Super Bowl XLII, lorsque le Quarterback des Giants Eli Manning se met en place pour recevoir le snap de la part de son centre Shaun O’Hara, ce n’est pas une simple 3 rd and 5 qui se présente devant lui.
En face de l’attaque de New York, ce sont les grands Patriots de Brady, Belichick et Randy Moss, invaincus en saison régulière et souvent citée comme la meilleure équipe de tous les temps, qui se placent dans une formation annonçant une couverture en man-to-man.
Alors forcément, lorsque l’action commence, Eli n’a pas le temps de lever les yeux qu’il est déjà entouré de trois joueurs bleus et argent prêt à lui faire subir un sack des plus coûteux.
Mais c’est sans compter sur la détermination du cadet de la fratrie Manning. Sans jamais arrêter ses jambes, le Quarterback réussit à se sortir de l’emprise de la ligne défensive de New England et envoie une prière au milieu de terrain. À l’autre bout, l’anecdotique receveur David Tyree est parfaitement placé pour faire entrer son nom dans l’histoire. En une fraction de seconde, il s’élève dans les airs, bloque le ballon entre sa main et son casque pour être sûr de ne pas le relâcher, et retombe à seulement 23 yards de la endzone des Patriots.
C’est le tournant du match. Quelques secondes plus tard, un dernier touchdown de Plaxico Buress viendra enterrer définitivement les rêves de perfection dans le Massachusetts. New England aura beau avoir été la dynastie des années 2000, elle n’aura pas réussi à conclure sa saison 2007 sans la moindre défaite.