Dans l’ombre du Top 14, terreau fertile de jeunes pépites auxquelles nous avons consacré une série d’articles, la Pro D2 s’impose comme un championnat dont le niveau moyen ne cesse de s’élever, grâce à la présence de techniciens de plus en plus compétents et d’un savant mélange de jeunesse et d’expérience. Nous allons nous attarder sur certains des talents de cette division et pour la seconde étape de notre tour de France des clubs, nous restons dans le sud, mais cap vers l’est ! (image : Maxppp – Michel Clementz)
Étape précédente : Biarritz, Mont-de-Marsan, Montauban et Colomiers
Carcassonne : Bakary Meité, la force de l’exemple
Il a accédé à la notoriété du grand public au printemps dernier. Au temps du confinement, Bakary Meité avait été le sujet de nombreux articles de presse mettant en lumière son engagement. Au chômage technique, comme tous les rugbymen professionnels, il s’était engagé comme agent d’entretien dans un hôpital parisien. Ceux qui le connaissent n’ont pas été surpris. Sur les terrains comme en dehors, Bakary Meité ne s’engage jamais à moitié. Révélé sur le tard lors de son passage à Massy, club formateur par excellence, le Franco-Ivoirien était passé par plusieurs clubs de niveau fédéral où il avait laissé un excellent souvenir. Après un passage à Béziers, où le public ne manquait pas d’applaudir chacun de ses tampons, Meité avait tenté l’aventure du Top 14 en rejoignant le Stade Français en 2017, à 33 ans.

Très peu utilisé par le staff parisien, le solide 3e ligne rongeait son frein et a préféré redescendre d’un étage. À Carcassonne depuis 2018, Bakary Meité a retrouvé un club familial qui lui sied bien. Du haut de son mètre 91, l’international ivoirien est un leader incontesté dans le vestiaire audois. Modèle de régularité (63 matchs en deux saisons et demi, 46 comme titulaire), il est, avec son jeune capitaine Clément Doumenc, un garant des valeurs de ce club aux moyens modestes. Sur l’aile ou au centre de la troisième ligne, Meité propose la même chose à chacune de ses sorties : un investissement sans faille et une saine agressivité. Engluée dans le ventre mou, l’USC tient son match référence avec le succès décroché devant Biarritz (25-10). Pour s’assurer le maintien au plus vite et s’offrir une fin de saison confortable, Carcassonne pourra compter sur Bakary Meité.
Perpignan : Melvyn Jaminet, l’homme à tout faire
À l’instar du Biarrot Lucas Peyresblanques – présenté la semaine dernière – Melvyn Jaminet (photo) a décidé de poursuivre l’aventure avec son club formateur. Lorgné par plusieurs clubs de Top 14, le jeune arrière, dans la dernière année de son contrat espoir, a signé un premier contrat professionnel le liant à l’USAP jusqu’en juin 2024. Si cette nouvelle a ravi les supporters catalans, c’est parce qu’à 21 ans, Jaminet est déjà incontournable. Meilleur marqueur de Pro D2 avec sept essais, il est aussi le 4e meilleur réalisateur du championnat, fort de 202 points. Un championnat dans lequel on retrouve son frère aîné Kylian (25 ans), lui aussi arrière, qui porte les couleurs de Nevers. Plus léger que son frangin (1,80 m, 77 kg), Melvyn Jaminet épate par son explosivité et ses qualités de buteur. Titularisé à 15 reprises, il a participé à 19 des 20 matchs de son équipe.
Le natif de Toulon bénéficie de la confiance du staff, qui n’a pas hésite à exiler Julien Farnoux sur une aile et à déplacer Mathieu Acebes au centre pour faire de la place à son joyau. Avant cette saison, Jaminet n’avait joué qu’un match avec l’USAP, suffisant pour inscrire un essai, dans une victoire fleuve face à Rouen (57-12) en février 2020. Cadre des Espoirs, il avait eu la chance, quelques semaines plus tôt, de participer au Supersevens avec son frère, sous la bannière de l’ASM. Un premier pas vers le monde professionnel, qu’il a cru ne jamais côtoyer. Passé par le centre de formation du RCT avec Louis Carbonel et Mathieu Smaïli, Jaminet avait perdu la passion du rugby. Il l’a retrouvée en amateur, avec la Vallée du Gapeau puis Hyères-Carqueiranne, où le manager, un certain Grégory Le Corvec, lui a conseillé de rejoindre Perpignan. Le début de l’histoire…
Béziers : Thomas Zénon, ce qu’il faut d’insouciance
De l’insouciance, c’est ce dont avait besoin l’ASBH. Meurtrie par une intersaison des plus mouvementées, les hommes de David Aucagne ont su faire le dos rond et pointent à une honorable onzième place. Une performance permise par la jeune garde biterroise, représentée par le finisseur Maxime Espeut et d’autres joueurs plus méconnus. Thomas Zénon, 21 ans, en fait partie. Sur le pré, sa silhouette longiligne (1,95 m, 97 kg) détonne. Mais une fois en action, les qualités de l’arrière sautent aux yeux. À l’aise sous les chandelles, il fait preuve d’un goût certain pour la relance. Davantage utilisé à l’aile la saison passée, Zénon a profité de la retraite de Jérôme Porical pour s’imposer au fond du terrain, où sa vitesse s’exprime à merveille.

Excellent défenseur sur l’homme, capable de buter, il comptabilise 27 apparitions sous le maillot de Béziers (20 titularisations, trois essais, un carton jaune) depuis son arrivée en 2019. Formé du côté d’Aurillac entre 2008 et 2018, Thomas Zénon a été double champion de France avec la sélection d’Auvergne. Il a alors choisi de rejoindre le centre de formation de l’UBB, pour sortir de sa zone de confort et, loin de ses amis, se concentrer sur le rugby. Une année en Espoirs à Bordeaux-Bègles au cours de laquelle Zénon a intégré le Pôle France, faisant partie des 57 joueurs à potentiel détectés par la FFR. Barré par la concurrence en Gironde, le jeune arrière aurait pu revenir à Aurillac mais a préféré se lancer un autre défi en ralliant Béziers. On est en droit de penser que son choix était le bon… Zéoui ou bien Zénon ?
Provence Rugby : Florent Massip, Monsieur Propre
Neuvième de Pro D2, Provence Rugby s’affirme année par année comme une valeur sûre du championnat. De l’expérience avec Julien Le Devedec, de la jeunesse avec Adrien Warion (retrouvez son entretien ici), l’effectif du club aixois est un alliage qui a fait ses preuves. En son sein, on ne peut pas passer à côté de Florent Massip. Parce que Florent Massip, c’est d’abord un pionnier. Premier joueur né à La Réunion à signer un contrat professionnel, il a longtemps roulé sa bosse avant d’atteindre ce niveau qui fait de lui l’un des meilleurs joueurs de la division. Meilleur réalisateur avec 255 points en 16 rencontres (15,94 points par match !), Massip est un maître artificier. Également à l’aise dans le jeu courant, comme en témoignent ses quatre essais, il dispute sa quatrième saison en Provence après avoir fait ses armes dans les étages inférieurs.

En 2010, Florent Massip est repéré par l’US Dax, alors pensionnaire de Pro D2. Des cadets aux espoirs, il passe 4 années à Maurice-Boyau mais on ne lui propose pas de contrat. C’est le voisin montois qui en profite, permettant au Réunionnais de s’entraîner avec le groupe professionnel grâce au statut d’associé du centre de formation. Aux côtés d’Antoine Vignau-Tuquet, Massip fait des heure supplémentaires et travaille son tir au but. Sans perspective d’avenir concrète à Mont-de-Marsan, il reste dans le sud-ouest mais fait le pari d’aller à Oloron, en Fédérale 1. Deux saisons dans le Béarn puis un appel de Marc Delpoux qui change sa vie. En 2017, à 23 ans, Florent Massip signe son premier contrat pro avec Provence Rugby. Le mois dernier, malgré les convoitises émanant du Top 14, le robuste arrière (1,90 m, 90 kg) a prolongé son bail jusqu’en 2023.