Site icon Café Crème Sport

Rachel Corboz : « En France, il faut agrandir le football féminin comme aux Etats-Unis »

Rachel Corboz, l’actuelle numéro 10 du Stade de Reims, nous fait le plaisir de répondre à nos questions. Née dans la région de l’Alabama, la franco-américaine a connu le championnat universitaire américain avant de devenir professionnelle en D1 Arkema.

« Bonjour Rachel et merci de répondre à nos questions. Peux-tu te présenter aux lecteurs/lectrices du CCS ?

Bonjour, je m’appelle Rachel Corboz. Je suis franco-américaine. J’ai grandi aux Etats-Unis avec mes deux parents qui sont français. Je suis arrivée en France à 22 ans, en juillet 2018, pour devenir footballeuse professionnelle. À côté du football, j’ai étudié pendant quatre ans à la fac aux Etats-Unis. J’ai eu mon diplôme en sciences politiques et études environnementales. Aujourd’hui, en France, je suis également en master à Paris. Et depuis 2019, je joue pour le Stade de Reims, en D1 Arkema.

Tu es née dans une famille de footballeur. Est ce que jouer au football est devenu quelque chose d’évident à tes yeux ?

Oui, mon père a joué pour Grenoble en France. Mon frère joue actuellement en 3e division allemande et ma sœur en D1 Arkema. À la maison, il y avait toujours du football à la télévision. On est une famille de foot. C’était donc assez normal de continuer de jouer au football à l’université.

Rejoins-tu la France pour retrouver ta sœur qui jouait déjà dans le championnat de France ?

C’est vrai qu’elle m’avait dit que des bonnes choses au sujet du championnat de France. Elle m’a vite convaincu. Je l’ai rejoint à Fleury (*). C’était super d’avoir pu jouer un an avec ma sœur. Ça a aidé mon choix.

* Avant de signer au Stade de Reims, Rachel Corboz a joué une saison au FC Fleury 91, avec sa sœur Daphne Corboz.

Rachel Corboz sous les couleurs du Stade de Reims la saison dernière (Crédits: stade.de.reims.com)

Qu’est-ce qui change entre le football pratiqué aux Etats-Unis et celui en France ?

Aux Etats-Unis, j’ai pu jouer qu’au niveau universitaire. C’est très différent du football professionnel. Mais grâce à mon expérience, là-bas, j’ai compris que le football était plus physique et athlétique. Ça se voit au niveau du jeu pratiqué par l’équipe nationale. Les Américaines ont cette mentalité de toujours aller à fond, se donner à 100 %. En France, c’est plus tourné vers le côté technique et tactique. En arrivant à Fleury, j’ai pu voir que les filles étaient techniquement très fortes. Les filles sont aussi plus intelligentes dans leur jeu, plus tactiques. 

Tu évolues au poste de numéro 10. Tu es technique et créatrice. Est ce que le jeu pratiqué en France te convient donc mieux ?

Oui, après mes quatre ans d’étude aux Etats-Unis, je savais que je voulais venir en France. Je suis une joueuse qui est plus technique qu’athlétique. En venant en France, je savais que je pouvais montrer mes qualités et mieux m’exprimer.

Est-ce pour cela que tu décides de quitter les Etats-Unis alors que tu pouvais y devenir professionnelle après la fac ?

Oui, aux Etats-Unis, il est possible de devenir professionnelle après quatre ans à l’université. Même si, aujourd’hui, de plus en plus de joueuses américaines décident de pratiquer le football professionnel après le lycée, sans passer par l’université. En France, ce n’est pas le cas. Les filles peuvent devenir professionnelles quand elles le souhaitent. C’est pour ça que je suis devenue professionnelle assez tard par rapport à mes coéquipières. Mais je savais que je préférais devenir professionnelle en France par rapport au football qui est produit. Même si ça ne veut pas dire que je ne jouerai jamais dans le championnat américain.

Avec l’équipe de Georgetown, Rachel Corboz jouera 88 matchs du championnat universitaire et marquera 34 buts ! (Crédits: TheHoya)

Comment arrives-tu à mener cette double vie de footballeuse et d’étudiante ?

Pour moi, c’est très important de ne pas se focaliser seulement sur le football. J’aime bien penser à autre chose après mon entraînement. En grandissant, mes parents ont toujours donné de l’importance à l’éducation et l’école. J’ai un contrat fédéral avec mon club donc je peux vivre seulement du foot. Mais c’est vraiment un choix de suivre ce master en France. Avec la crise sanitaire, c’est plus simple, car ce sont souvent des cours à distance. L’année dernière, je faisais des aller-retours Paris – Reims. C’était faisable, mais fatiguant. C’est important de continuer les études tant que je le peux. Le métier de footballeuse ne dure pas toute une vie.

Pour toi, c’est un choix. Pour d’autres, c’est une obligation. Beaucoup de footballeuses ne vivent pas encore de leur métier de footballeuse.

Oui, il y a beaucoup de filles qui ont des métiers à côté de celui de footballeuse. Cela dépend du contrat que tu as avec ton club. Des clubs comme Lyon, Paris ou même Bordeaux vivent du football, car ils ont le budget, l’argent pour recruter les meilleures. Pour les équipes de bas de tableau, ce n’est pas le cas.

Qu’en penses-tu ?

Je pense que cela s’améliore. Il y a encore quelques années, il n’y avait pas autant de professionnelles. Le problème est financier. Il n’y a pas encore beaucoup d’argent dans le football féminin. J’ai l’espoir qu’un jour, il n’y ait que des professionnelles. Malheureusement, la crise du COVID-19 a impacté beaucoup d’équipes. J’espère qu’on trouvera des solutions pour gérer cette crise.

« S’il y a plus de travail au niveau de la diffusion, on attirera plus de petites filles au football » – Rachel Corboz

Est ce que la réussite de la professionnalisation du football féminin passe obligatoirement par la parité salariale ?

Oui, ça serait super ! Les femmes font la même chose que les hommes. Tu te poses la question « pourquoi on n’est pas traité de la même manière ? »En France, il faut agrandir le football féminin comme aux Etats-Unis. Il faut travailler plus, amener plus de spectateurs, apporter plus de visibilité à la télévision, donc plus d’argent… On pourra alors espérer gagner autant que les garçons. Car on fait exactement comme eux, pourtant on est payées beaucoup moins [sourires]. Mais le niveau est là. S’il y a plus de travail au niveau de la diffusion, on attirera plus de petites filles au football. En montrant plus de matchs à la télé, les petites filles pourront s’identifier à leurs idoles. Aux Etats-Unis, toutes les petites filles jouent au football. En France, ce n’est pas le cas. 

As-tu, personnellement, une joueuse qui t’a inspiré plus que d’autres ?

Dzsenifer Marozsán. C’est une internationale Allemande qui joue à Lyon. C’est mon idole. C’est aussi une numéro 10. C’est une joueuse très technique avec une bonne vision du jeu.

Comment vois-tu la suite de ta saison avec Reims ?

L’équipe a plutôt bien débuté en septembre avec un match nul contre Bordeaux. On a gagné des matchs importants. Mais récemment, on a perdu des points qui nous auraient aidé. On espère que les mois à venir, on accrochera des points contre des équipes à notre niveau. On a une bonne équipe, on essaye de produire du jeu. Il faut gagner maintenant [sourire]. L’année dernière, l’objectif était le maintien. Cette année, on va essayer de faire mieux que la saison dernière.

La suite de ta carrière s’inscrit dans le championnat de France ?

Oui, je me plais beaucoup ici, dans ce championnat. Il se resserre de plus en plus avec de nouvelles équipes qui visent le podium. Cela devient un championnat qui s’améliore. Dans les années à venir, ce sera le top. Il me convient très bien. Après, je ne dirais pas forcément non à d’autres opportunités.

Comme jouer un jour pour Lyon ou Paris ?

Ça serait un rêve, mais je suis encore loin de ça [sourire]. J’ai encore beaucoup de travail à faire.

Est ce que la sélection nationale fait aussi partie du rêve ?

Oui, c’est un rêve, mais j’ai encore beaucoup d’axes d’améliorations. Je suis encore loin de la sélection, mais ça reste dans un coin de ma tête, de peut-être jouer pour l’équipe de France.

Tu te vois donc plus jouer pour l’équipe de France que les Etats-Unis ?

Je ne sais pas trop [sourire]. Comme je l’ai dit, je suis encore loin des deux. Je n’y pense pas trop. On verra. »

Merci encore à toi, Rachel Corboz, de nous avoir accordé ton temps pour cette interview.

Juliette Barré & Eliott Lafleur

Quitter la version mobile