Le 12 février 2021 est une date qui raisonnera de longues années dans sa tête. Simon Desthieux, 29 ans, y a obtenu sa première médaille individuelle en championnats du monde, prenant la seconde place du sprint à Pokljuka au terme d’une course parfaite. Une course un peu à l’image de sa carrière, réalisée en toute discrétion. Un sans-faute au tir et une superbe performance à skis lui ouvrent les portes d’un podium où personne ne le voyait en début de course. Retour sur le parcours d’un biathlète de très haut niveau, souvent dans l’ombre de ses compères français, honnête et travailleur, mais surtout attachant.
Dans les pas de Sandrine Bailly
Simon Desthieux est né le 3 décembre 1991 à Belley, comme beaucoup de champions de ski du plateau d’Hauteville. Il grandit donc à Hauteville en admirant les exploits de Sandrine Bailly notamment, originaire de Ruffieu, à 12 kilomètres de chez lui. Son frère, Baptiste Desthieux, a également occupé le poste d’entraîneur de l’équipe de France féminine B. Très rapidement mis sur des skis, Simon s’essaye au tir à plomb et se met donc au biathlon. Malgré un parcours scolaire classique, il reçoit le soutien d’Olivier Niogret, figure du biathlon dans l’Ain, pour gravir les échelons du biathlon. Il recevra également les conseils de Jean-Pierre Amat au début de sa carrière, médaillé d’or du tir à la carabine aux JO d’Atlanta en 1996, qui l’aidera à corriger ses défauts au tir debout.
Mais loin de là l’idée de faire paraître Simon Desthieux comme quelqu’un qui était simplement au bon endroit au bon moment. Sa place en équipe de France de biathlon, il est allé la chercher au prix d’efforts acharnés. Préparant en parallèle un BTS en gestion forestière, celui qui est aujourd’hui caporal de l’armée française a réussi partout où il est passé. Champion du monde junior de l’Individuelle en 2011 à Nove Mesto, vice-champion d’Europe junior de cette même épreuve en 2011, il obtient une place chez les A dès l’hiver 2012 (aux côtés de Martin et Simon Fourcade, Jean-Guillaume Beatrix et Alexis Bœuf). C’est d’ailleurs du fait qu’il a le même prénom que l’aîné des Fourcade que Simon Desthieux se fait appeler « Carlito ». Pour sa première saison il marquera 87 points avec comme meilleur performance un top 20 sur le Sprint d’Oberhof.

Un début de carrière en dent de scie
Si Simon Desthieux est sur le circuit principal depuis 8 ans, il s’est installé depuis seulement quelques années au très haut niveau individuel, ralenti dans sa progression par une baisse de forme fin 2014. En effet, la saison 2013-2014 avait d’abord permis à Simon de confirmer les grands espoirs placés en lui. Progressant en ski et au tir couché, il rentre plusieurs fois dans le top 10 des temps de ski et finit la saison en apothéose avec ses deux meilleurs résultats à Oslo, une 6ème place sur le Sprint puis une 4ème place sur la Mass-Start. Simon découvre alors son point faible, le tir debout, où il dépasse à peine les 75% de réussite, trop peu pour multiplier les bons résultats. Pour ses premiers Jeux Olympiques à Sotchi, il obtient notamment la 21ème place de la poursuite mais échoue avec le relais français à obtenir une médaille.

La saison 2014-2015 le freine brutalement dans sa progression. Malgré un tir couché excellent, à 95% de moyenne, il apparaît emprunté sur les skis, ne rentrant qu’une seule fois dans le top 20 des temps de ski. En manque de confiance, son pourcentage au tir debout chute à 68%, soit presque 2 fautes par tir, alors que c’est la saison où il tire le plus vite au debout dans toute sa carrière. Trop de précipitation ? C’est en tout cas une saison à oublier sur le plan statistique, mais qui lui a sûrement appris beaucoup pour la suite de sa carrière.
Un gros travail sur le tir debout qui paye
Depuis cette saison quasi blanche, Simon n’a eu de cesse de progresser. Un énorme travail sur le tir debout lui permet de passer de 68% de réussite en 2014-2015 à 86% en 2015-2016. Depuis, il n’est jamais redescendu en dessous des 80%. A contrario, son tir couché est devenu moins précis, alternant entre 83% et 90% depuis 2014.

On peut tout de même noter que depuis 2018, Simon Desthieux s’est stabilisé à un haut niveau au tir, avec près de 85% de réussite en moyenne, mais qui se révèle être insuffisant pour aller chercher des victoires en solitaire. Régulièrement dans les 25 meilleurs tireurs du circuit, il n’a jamais atteint le top 15.

En revanche, Simon a beaucoup évolué sur les skis pour atteindre un excellent niveau de 2017 à fin 2019. C’est simple, sur cette période, il n’est sorti qu’une seule fois du top 20 à skis, et s’est régulièrement placé parmi les 7 meilleurs skieurs. C’est sur les skis qu’il va chercher son premier podium individuel sur le sprint de Tyumen sur la dernière étape de la saison 2017-2018.

Lors de sa meilleure saison en 2018-2019, il est le 3ème meilleur fondeur derrière Johannes Boe et Lukas Hofer. Il obtient alors le meilleur résultat de sa carrière en finissant 4ème du classement général de la coupe du monde, dans le top 6 de chaque discipline.

Une carrière construite autour des relais
Simon Desthieux est depuis 2017 parmi les meilleurs biathlètes du monde, toujours dans le top 8 du général en fin de saison. Si son niveau à ski a légèrement baissé depuis début 2020, il s’est légèrement amélioré au tir pour compenser. Néanmoins, il a toujours manqué un petit quelque chose à Simon pour aller chercher une victoire individuelle derrière laquelle il court toujours. Simon est relativement peu présent dans les médias, mais il expliquait fin 2019 que contrairement à l’avis général, le petit quelque chose qui lui manque viendrait plutôt du ski que du tir. La saison 2019-2020 mise à part, il est souvent moins performant en début de saison et court souvent pour rattraper ses échecs.
« En revanche, j’ai souvent le sentiment de rater mes débuts de saison. Et en milieu de saison, j’ai l’impression parfois de vouloir rattraper les courses loupées, de vouloir aller vite sur les skis… »
Simon Desthieux pour Altitude Biathlon en 2019
S’il manque une victoire individuelle à son palmarès, “Carlito” a en revanche déjà connu la gloire en relais. Le plus souvent placé en milieu de relais, il obtient son premier podium en carrière fin 2014 à Hochfilzen sur le relais homme. Il est médaillé aux mondiaux pour la première fois de sa carrière en 2017, toujours à Hochfilzen, avec l’argent du relais homme.

Pour ses seconds Jeux Olympiques à Pyeongchang en 2018, il fait partie de la magnifique aventure du relais mixte, médaillé d’or avec Marie Dorin-Habert, Anais Bescond et Martin Fourcade. C’est pour l’instant son unique médaille olympique, mais Simon arrivera aux prochains Jeux Olympiques au pic de sa carrière, autour des 30 ans. Mieux encore, il brise une malédiction vieille de 19 ans et obtient début 2020 l’or tant attendu par la France sur le relais hommes des mondiaux d’Antholz avec Martin Fourcade, Quentin Fillon-Maillet et Emilien Jacquelin.

Une année 2020 comme une fin de cycle
Martin arrête sa carrière justement quelques semaines après la consécration du relais. L’un des guides que Simon Desthieux a connu toute sa carrière s’en va, laissant le biathlon français sans trop de repères. Pour Simon, c’est un cycle qui se referme : parmi les biathlètes français qu’il a côtoyé lors de son arrivée sur le circuit en 2012, Martin était le dernier encore en activité.
Une donnée supplémentaire vient impacter l’année 2020 de Simon Desthieux : sa compagne, Célia Aymonier, décide d’arrêter sa carrière à 28 ans, après des mois de réflexion et au moyen d’un texte édifiant. Alors qu’auparavant ils voyageaient ensemble sur les sites de compétition, Simon doit apprendre à vivre plus loin de sa compagne dès l’hiver 2020.

Un début de saison compliqué avant le Graal
C’est une saison 2020-2021 forcément très spéciale pour Simon Desthieux. Sans public, sans Martin, sans Célia. Comme souvent de son propre aveu, le début de saison est compliqué. Simon attend la 5ème semaine de compétition pour aller chercher son premier top 10, une 7ème place sur le second sprint d’Oberhof. Les jambes un peu lourdes en début de saison, il monte tout doucement en puissance, prêt à bondir si les favoris se ratent.
Carlito choisit parfaitement son jour, lors du sprint des mondiaux de Pokljuka, pour réaliser une course pleine : 12ème temps de ski, il réalise un sans-faute très rapide au tir pour décrocher la médaille d’argent, sa première médaille mondiale individuelle, seulement battu par Martin Ponsiluoma. La consécration d’un travail de l’ombre pendant de nombreuses années. En bonus, il partage le podium avec Emilien Jacquelin, médaillé de bronze.

Deux jours plus tard sur la poursuite, il échouera à quelques secondes d’une nouvelle médaille, mais cette 5ème place en confrontation directe lui fait également un bien fou. Simon est encore en course pour aller chercher un 4ème top 10 consécutif au général de la coupe du monde, et il se sent de mieux en mieux.
“C’est juste magnifique, beaucoup de plaisir aussi. Il y a un moment où je me suis retrouvé dans la cabane pour me changer juste après la ligne d’arrivée, j’étais dans un état second, tellement heureux et satisfait de ça.”
Simon Desthieux après sa médaille d’argent à Pokljuka pour Nordic Mag
Simon Desthieux, c’est l’histoire d’un travailleur discret enfin récompensé. Dans l’ombre de Martin Fourcade, et à présent d’Emilien Jacquelin et de Quentin Fillon-Maillet, il a toujours su trouver et justifier sa place. Le plus souvent impeccable en relais, il a peu à peu progressé en skis et au tir, au point de se forger un solide palmarès individuel, qu’il a magnifiquement étoffé avec le relais. Quand on y pense, peu de biathlètes sont médaillés aux Jeux Olympiques comme aux Mondiaux. Après une année 2020 pleine de rebondissements, le skieur de Belley a enfin obtenu la récompense individuelle prouvant qu’il est plus qu’un simple relayeur d’une grande équipe de France, il est un biathlète complet capable de rivaliser avec les meilleurs. Âgé de 29 ans, il a encore de très belles années devant lui, pour aller chercher un nouveau graal, la victoire individuelle !