Qui aime bien châtie bien. Et on aime tant l’UFC qu’il est doux euphémisme de dire que les dernières cartes nous ont grave laissés sur notre faim. À ainsi multiplier les events dans tous les sens (de façon à quasiment en avoir un tous les week-ends), l’organisation se voit forcément obligée d’en proposer certains qui ne lui font pas honneur. Situation peut-être – en partie, du moins – sur le point de se voir régulée à travers la purge drastique en train d’être effectuée parmi le cheptel des combattants. Mais il s’agit d’un autre débat.
Ce préambule afin d’expliquer en quoi la soirée de samedi se présente comme évènement à plus d’un titre. Celle-ci se montrant si relevée que quasiment chaque combat des cartes principale ET préliminaire pourrait prétendre être main event de n’importe quel Fight Night. Penser que le grand Dominick Cruz en personne se retrouve relégué parmi les prélims donnant une assez bonne idée du niveau de l’ensemble.
Et comme si ce n’était pas suffisant, outre les pointures présentes, l’UFC 259 propose rien moins que TROIS championnats du monde. Soit potentiellement trois fois vingt-cinq minutes de spectacle dément qui nous rappellent pourquoi on apprécie tant la discipline.
Petr Yan vs Aljamain Sterling ou la parfaite opposition de styles
Commençant par l’ordre dans lequel ils sont présentés, le troisième fight de la main card est également celui qui propose peut-être l’intrigue la moins évidente à appréhender. Et se voit, du coup, le plus difficile à pronostiquer. Tellement que, fait suffisamment rare pour être signalé, les bookmakers donnent (pour l’instant) des côtes strictement égalitaires concernant les deux combattants.
Vont ainsi se voir opposés le champion en titre des 135 lbs, le russe Petr Yan et son contender numéro 1, le jamaïcain Aljamain Sterling. Dans ce qui constitue rien moins que la confrontation la plus intéressante de cette catégorie de feu (qui, rappelons-le, rassemble des calibres tels que José Aldo, Cody Garbrandt, Cory Sandhagen, Marlon Moraes, Chito Vera, Sean O’Malley, Dominick Cruz et on passe. Ceci, sans même évoquer le prochain retour de TJ Dillashaw). Combat absolument passionnant de par par l’opposition presque caricaturale des styles en présence.
À ma gauche, Petr Yan, pensionnaire du Tiger Muay Thai, propose un stricking pied-poings qui lui a permis de laver sa division. Proposant un jeu qu’on pourrait qualifier de « passivement agressif ». Il reste généralement prudent en début de combat, passant un ou deux rounds à jauger l’adversaire tout en le laissant se fatiguer. Avant de passer à l’offensive grâce à des frappes chirurgicales qui finissent par déborder qui se trouve en face de lui. Rien de flamboyant à première vue mais aucune faiblesse dans son arsenal. L’homme exhale une froide brutalité qui lui permet de ne jamais déjouer, terminant ses adversaires sans passion particulière mais avec la satisfaction du travail correctement accompli.
L’inverse presque absolu d’un Aljamain Sterling aussi extraverti en dehors de la cage que dedans. Lutteur aguerri, s’entraînant sous la direction de Matt Serra et Ray Longo, il offre un style fluide, versatile, explosif. Son allonge de 1m80 (surprenante pour sa catégorie) lui permet de maintenir l’adversaire à distance avant d’impitoyablement l’amener au sol pour l’y finaliser.
Soit la parfaite opposition entre le striker et le grappler, qui pourra rappeler aux nostalgiques les débuts de l’UFC, lorsque les combattants étaient, encore le plus souvent, définis par un style dominant. De fait, quasi toute l’intrigue de la confrontation sera de voir quel combattant parviendra à emmener l’autre dans son jardin afin de l’y noyer (si vous permettez l’expression). Chacun se montrant si compétent dans son domaine qu’on s’avoue incapable de pronostiquer le moindre résultat. Si Yan parvient à garder les hostilités debout, on voit mal Sterling parvenir à tenir cinq round face à lui. Si le jamaïcain parvient à emmener les débats au sol, il est fort à parier que la soirée risque d’être courte pour le russe, jusqu’à voir sa ceinture changer de propriétaire. Si on rajoute qu’en plus les deux se détestent cordialement (histoire de mettre un peu d’huile sur le feu et faire grimper la tension), on a en mains toutes les cartes du potentiel combat de la soirée.
Amanda Nunes vs Megan Anderson ou la routine d’une championne
Ce que, sans leur manquer de respect, ne risque pas d’être celui entre Amanda Nunes et Megan Anderson, pour la ceinture féminine des 145 lbs. La brésilienne est, pour l’instant, misée à – 1250 chez les bookmakers (sans doute l’une des côtés les plus élevées jamais enregistrées en MMA) : histoire de donner vague idée de l’équilibre des forces en présence. À tel point qu’on pourrait s’arrêter là tant tout est dit à travers ces simples chiffres.
Alors, on ne va pas redérouler le palmarès d’une double-championne qui a battu à peu près tout le monde dans deux divisions. Tellement que le challenge semble désormais de lui trouver des contenders un tant soit peu crédibles. Ce que paraît être Megan Anderson, qui, sur le papier, présente solides atouts. Outre un impressionnant gabarit (1m83 sous la coiffe), elle cogne comme une brute et a enquillé plusieurs grands noms ces dernières années (même si l’honnêteté obligé à reconnaître qu’elle a aussi perdu dès que l’opposition se voyait un peu relevée).
Mais en face, eh bien, il y a Nunes. Et qu’il est fort à parier que le scénario soit exactement le même qu’à chaque défense de titre de la championne. Le fan de MMA se monte la tête, se persuade des skills de l’adversaire au point de sincèrement croire en ses chances. Jusqu’à ce que se ferme la cage et débute le combat. Rappelant, si besoin était, pourquoi Nunes, championne depuis si longtemps, est considérée comme la GOAT féminine.
Sans lui souhaiter de mal, on aimerait presque l’imaginer démotivée du fait de la récente naissance de sa fille, histoire d’apporter un peu d’incertude à la rencontre. Mais ce serait mal connaître le personnage, aussi adorable à la ville que déterminée dans l’octogone. Les images entrevues dans la dernière livraison du UFC Countdown ne faisant que confirmer quelle machine de guerre elle semble être redevenue (le devinant aisément à l’entraînement inhumain qu’elle s’inflige).
En gros : sauf si colossale surprise ou fait de jeu (comme une blessure ou un lucky punch, toujours possibles, on est en MMA, rappelons-le), la championne devrait le rester, un peu plus asseoir sa domination sur la discipline, consolider sa légende. Et faire très sérieusement se questionner sur l’avenir d’une division qui s’appauvrit au fur et à mesure que la brésilienne enchaîne les scalps à son actif. Division (les featherweights) qui, on le rappelle, ne fut quasiment créée que pour permettre à Cris Cyborg de concourir à l’UFC. Et qui, depuis le départ de cette dernière et la prise de titre par Nunes, ne survit que par à-coups, le temps que la brésilienne vienne accomplir sa démonstration annuelle et encaisser confortable chèque au passage. Pourquoi en serait-il, dimanche, autrement ?
Jan Blachowicz vs Israel Adesanya ou Stylebender sur le chemin de sa légende
Et on aura, enfin, droit au main event, le combat star de la soirée, celui qui fait le plus parler le MMA web depuis son annonce. La première défense par Jan Blachowicz de son titre des 205 lbs contre l’inattendu challenger que constitue le champ de la caté du dessous.
La raison du buzz, inutile de le nier, en incombe quasi uniquement à Israel Adesanya, l’une des plus grosses stars de la discipline. L’un des seuls (avec, disons, Jon Jones, Jorge Masvidal et Conor McGregor et, désormais, peut-être Nate Diaz) à pouvoir faire tenir une affiche sur son seul nom et déclencher des ventes de PPV à la hauteur des rêves les plus humides de Dana White. Le bougre s’y entendant pour apporter de l’excitation partout où il passe. Que ce soit dans la cage comme en dehors. Ou, en l’occurrence, dans sa décision de s’’en aller braconner dans les terres hostiles de la division supérieure.
On n’est pas forcément favorable aux double-champs et autre joyeusetés du genre. Mais il faut avouer que voir Stylebender monter pour y défier le champion s’avère perspective autrement plus excitante qu’imaginer ce dernier effectuer combat revanche contre Reyes ou prendre l’un de ses légitimes contenders (ces Teixeira, Santos, Smith qui, avec tout le respect qui leur est dû, ne déchaînent aucune passion). Izzy y renforçant, si besoin était, sa réputation de celui qui n’a peur de rien.
D’un strict point de vue MMA, ce combat pose surtout de passionnantes questions qui tiennent, d’ailleurs, presque toutes en l’inconnue Adesanya. S’il ne fait aucun doute qu’il soit plus talentueux en quasi tout domaine que Blachowicz, il est permis de légitimement se demander quels effets auront sur lui le changement de catégorie. S’il va bien gérer sa prise de masse. S’il pourra conserver son style flamboyant avec dix kilos de plus sur les hanches. S’il aura la capacité d’encaisser les coups lourds et puissants d’un vrai Light Heavyweight. Pouvant estimer que, même alourdi, il restera loin des 220 lbs estimés que devrait friser le champion polonais (étant néanmoins permis de penser que Paulo Costa ne devait pas en être loin, le soir de leur affrontement).
Pour autant et même si on s’emballe peut-être un peu trop, il nous est difficile de l’envisager autrement que vainqueur. Apparaissant juste trop talentueux, en tout. L’imaginant (en dépit du déficit de gabarit) parvenir à se jouer du champion comme il en a l’habitude. Son désormais si fameux style élusif lui permettant de rester à distance et piquer, éviter le clinch comme les amenées au sol, contrer et s’enfuir. Dût-il appliquer son game plan pendant cinq rounds – la jurisprudence Romero en est un parfait exemple.
Blachowciz a, bien sûr, ses armes à faire valoir ses armes. À commencer par sa titanesque force de frappe et son indéfectible confiance en lui. Pouvant penser qu’il cherchera à casser la distance, tenter le combat de près et imposer sa puissance. Il a le cardio pour et sait que un seul de ses coups peut tout changer. S’affichant technique, solide, sérieux. Mais également sans génie. Ce génie qu’apporte Adesanya partout où il passe. Qui lui fait trouver des solutions là il semble n’y en avoir aucune, lui permet de marcher sur l’opposition depuis ses débuts à l’UFC et en fait un combattant si excitant à voir évoluer.
Et si un coup dur est toujours possible et que le punch du polonais est de nature à abréger un combat (Rockhold comme Reyes peuvent en témoigner), on imagine malgré tout le champion des 185 lbs suffisamment fluide pour parvenir à échapper au polish power (serait-ce durant vingt-cinq minutes). La suite en deviendrait alors passionnante, tant les potentiels challenges s’accumuleraient, aussi bien dans sa division d’origine (on rêve d’un combat contre Darren Till) que dans celle-ci. En attendant, bien évidemment, le pinacle d’une éventuelle confrontation contre l’autoproclamé GOAT Jon Jones. Un Jones qui, malgré ce qu’il peut dire, sera certainement très attentif, samedi soir, devant son poste…
Event de feu, donc. Avec ces trois title-shots, précédés d’un Santos vs Rakic puis d’un Makhachev vs Dober presque aussi palpitants. On râle si souvent sur l’UFC qu’il est normal d’indiquer quand l’organisation nous gâte. Le plus fou étant qu’on aura ensuite droit à la revanche entre Miocic et Nannou, à peine trois semaines plus tard. Qu’il est bon d’en ce moment être fan de MMA !