Combine annulé, visites de joueurs prohibées et salary cap amputé, l’off-season 2021 promet d’être complètement inédite dans l’histoire de la NFL. Entre manœuvres financières délicates et décisions de carrière capitales, franchises comme joueurs vont devoir faire des choix difficiles face à une situation économique tendue.
« La NFL continuera de prendre des décisions en concertation avec les meilleurs experts médicaux et nous nous préparons à effectuer de nouvelles modifications si le besoin s’en fait ressentir ».
Il y a tout juste un an, la NFL voyait les premiers effets de la pandémie mondiale de Covid-19 se répandre sur la planète football. Alors que la Free Agency avait commencé quelques jours plus tôt, le commissaire Roger Goodell avait annoncé l’interdiction pour chacune des équipes d’accueillir des agents libres dans leurs installations ou de se déplacer pour les rencontrer aux quatre coins du pays. Pour la première fois, coachs, joueurs et managers se voyaient confronter à ce qui deviendrait bientôt une habitude : les réunions virtuelles.
Depuis, le temps a passé dans le monde du ballon ovale. Semaine après semaine, cluster après cluster, l’organisation de football a su apprendre de ses erreurs et aller de l’avant pour conclure la saison 2020 sans annuler le moindre match. L’exploit n’est pas à sous-estimer, la NFL a dépassé toutes les attentes dans ce domaine. Mais alors qu’une nouvelle année footballistique est sur le point de démarrer le 17 mars prochain, les restrictions liées aux Covid-19 sont loin d’être oubliées.

La off-season 2021 n’a pas encore pointé le bout de son nez que son calendrier est déjà bouleversé. Pour la première fois depuis son déménagement à Indianapolis en 1987, le Combine pré-draft a été purement et simplement annulé à la fin du mois de février. Les OTA, prévu pour avril, sont d’ores et déjà mises en suspend et on ne sait pas encore si la draft, accueillie par la ville de Cleveland, pourra se tenir en présentiel.
Au milieu de toute cette cacophonie, seul le planning de la Free Agency a su se maintenir comme à l’ordinaire. Chaque franchise a toujours jusqu’au 9 mars pour annoncer l’utilisation du franchise Tag, la période de legal tampering — les négociations pré-mercato — commencera bien le 15 mars et le coup d’envoi de la Free Agency sera donné le 17. Pourtant, si le Covid n’a pas bousculé sa forme, le marché des transferts promet d’être inédit cette année. La faute à une économie vacillante.
Covid-19, caisses vides 2021
De loin la ligue sportive la plus puissante outre-Atlantique, la NFL n’a pas encore les pleins pouvoirs en ce qui concerne les politiques sanitaires dans les États où ses franchises sont installées. Ainsi, en 2020, les clubs de football n’ont pas eu d’autre choix que de laisser leurs stades vides pendant une majorité, voire l’intégralité de la saison. Et qui dit stades déserts, dit pertes de revenus plus que conséquentes.
En effet, alors que 19 équipes sur 32 n’ont pas pu être soutenues par le moindre supporter, et que les autres n’ont pu en accueillir qu’en proportion minimes, plusieurs de milliards de dollars ont manqués à l’appel dans les caisses de l’organisation. Jusque-là, rien d’étonnant. Mais quel rapport avec la Free Agency maintenant que la saison 2020 est terminée ?
Depuis son instauration en 1994, le salary cap, qui limite chaque franchise sous une certaine somme de dépense, est calculé grossièrement de la manière suivante : on prend 48 % des revenus totaux de la ligue, on le divise par 32 (le nombre d’équipe) et on obtient alors la masse salariale attribuée à chacune.

Mécaniquement, la perte de revenus liée aux stades vides entraine une baisse du salary cap. Ainsi, alors qu’il augmentait continuellement d’une dizaine de millions de dollars chaque année depuis 2013, le cap va baisser en 2021 pour être fixé aux alentours des 180 M de dollars. La perte nette de 18 M par rapport aux 198 M de 2020 est déjà élevée, et il faut également prendre en compte l’anticipation des managers qui, sans se douter qu’une pandémie mondiale allait éclater, imaginaient une nouvelle croissance d’une dizaine de millions cette année.
Et malheureusement, ce n’est pas encore fini. L’année dernière, tous les joueurs s’étaient vu offrir la possibilité de faire une croix sur leur saison 2020 pour des raisons sanitaires (les fameux opt out), garantissant leurs contrats pour l’année 2021. Par exemple, le Tackle des Giants Nate Solder revient désormais après un an de pause, n’oubliant surtout pas dans ses valises son contrat de 16 M de dollars et ses 10 M de garantie.
Pour résumer, les franchises NFL vont devoir faire face à une baisse inédite de leur masse salariale, appuyée par le retour de joueurs pas forcément indispensables, mais toujours aussi chers. Alors comment l’adaptation obligatoire va-t-elle prendre forme ?
Les stars et les rookies d’abord !
En NFL, les contrats de joueurs sont souvent divisés en trois catégories : les contrats extrêmement lucratifs des stars qui dépassent généralement les 13 M de dollars, les contrats rookies qui plafonnent sous les 7 M pendant quatre à cinq ans, et les contrats vétérans qui offrent à des role-players des sommes allant de quatre à une dizaine de millions de billets verts. Et sauf grande surprise ce sont particulièrement ces derniers qui vont faire les frais de la Covid season.
En NFL, les contrats alloués à ces vétérans sont rarement garantis au-delà d’une ou deux saisons, faisant de ces derniers de parfaits candidats pour être dégagés dans la panique. Il y a quelques jours, on a déjà vu le LB Kyle Van Noy être dégagé loin de Miami un an seulement après sa signature d’un contrat de quatre ans, et à moindre de frais pour les Dolphins. Première grosse victime de la crise, il risque d’être suivi par un bon nombre de joueurs dans sa situation puisque les franchises doivent absolument baisser leur masse salariale en dessous des 180 M au 17 mars prochain sous peine d’une lourde amende.

Même certaines stars sont déjà sur la sellette à cause de cette Free Agency hors du commun. Les Texans se sont séparés de leur porte-étendard et meilleur joueur de leur histoire J. J. Watt il y a maintenant un mois, Stephon Gilmore, même si les Patriots jouissent d’un bon cap space, pourrait connaitre le même sort et même le futur de Von Miller à Denver pourrait être en sérieux danger.
Mais si JJ Watt n’a attendu que quelques semaines avant de trouver un nouveau maillot, et que des dizaines de clubs se battraient certainement en duel pour amener Millier à bon port, tous les joueurs relâchés n’auront pas la même chance cette année.
Le monde appartient aux vétérans
On l’aura compris, l’off-season 2021 sera dictée par les vétérans. Habitués des salaires moyens et souvent sur le marché, les joueurs en quête de deuxième ou troisième contrat vont se masser aux portes de Free Agency après une probable vague de cut dans les prochains jours. Seulement, cette fois, l’offre risque bien de surpasser la demande.
En temps normal, les franchises NFL prennent soin de construire un effectif équilibré entre jeunes joueurs et tête d’affiche, gardant entre 15 et 30 M de dollars pour combler les trous avec de bons vétérans. Seulement voilà, cette année, ces 15 à 30 M ont été engloutis par la baisse du salary cap. Difficile alors de justifier à ses fans un contrat d’une demi-douzaine de millions pour un role-player dans une équipe en reconstruction.
Mécaniquement, tous les contrats vétérans proposés devraient perdre en valeur cette année. Et forcément, à offres égales, les meilleurs seconds couteaux du marché vont certainement choisir de piger pour les équipes les plus compétitives. Mettez-vous à la place d’un Ndamukong Suh par exemple. Les Buccs ne peuvent peut-être pas lui offrir un contrat à 8M cette année, mais ce sera le cas de toutes les autres équipes de la ligue. Alors quitte à baisser son salaire, autant le faire dans une équipe qui vise haut.

Ainsi, on pourrait bien assister à une véritable rafle des role-player par les meilleures équipes cette année et ce, à moindre coût. À part les quelques équipes qui peuvent se permettre de dépenser beaucoup (Colts, Jets, Patriots, Jaguars), il va être compliqué de bâtir un bon effectif à partir de rien via la Free Agency cette année.
Plus que jamais, le destin des vétérans promet de modeler l’image de la NFL cette saison.
Avec quels contrats ?
Mais que ce soit pour les vétérans ou les plus gros noms de cette Free Agency, une autre grosse question qui se pose cette année est celle des contrats. En NFL, les accords que signent les joueurs avec les franchises ne sont pas simples à négocier, et encore moins à comprendre.
Alors que le Covid a emporté une grosse part du salary cap 2021, les choses devraient revenir à la normale entre 2022 et 2023. En effet, le très lucratif contrat TV signé avec les différentes chaînes américaines arrive à échéance dans un an désormais et sera vite remplacé par un nouveau encore plus bénéfique pour la ligue. Ainsi, dès la saison prochaine, les revenus pourraient bondir plus que jamais dans l’histoire et balayer complètement les ravages de la pandémie.
Cette année, nombreux sont les joueurs qui vont alors opter pour un contrat court afin de redevenir agent libre dans peu de temps et de toucher le jackpot en 2022 ou 2023. Pour les convaincre de rester plus longtemps, les GM n’auront alors d’autre choix que de mettre de l’argent sur la table. Et comme cet argent n’est pour le moment que fictif (il arrivera en même temps que le nouveau contrat TV), le cap hit de ces accords sera obligé d’augmenter considérablement dans le futur (sur les deuxièmes et troisièmes années du contrat), laissant moins de marge de manœuvre aux franchises pour se séparer de leurs éléments les moins importants par la suite.
Ainsi, chaque club va se retrouver avec un gros dilemme cette année : signer des contrats très courts et espérer profiter au mieux d’une fenêtre de tir réduite, ou parier sur le long terme en polluant son cap en 2022 et 2023, mais en s’attachant les services de joueurs plus talentueux.
Dans un cas comme dans l’autre, l’impact de la Free Agency 2021 devrait se faire ressentir bien au-delà de la prochaine saison. À voir quelles équipes pourront tirer leur épingle du jeu et montrer à quel point elles sont capables de s’adapter.
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