Site icon Café Crème Sport

Verratti : le petit hibou enfin parmi les plus grands ?

Marco Verratti est depuis plusieurs saisons considéré comme un très bon milieu de terrain, voire un des meilleurs selon les supporters parisiens. Pourtant aux yeux du grand public, il manque au “petit hibou” ce quelque chose en plus pour faire partie de l’élite à ce poste. Depuis le mois de janvier et le changement de coach au PSG, ses détracteurs se font de plus en plus rares. L’arrivée sur le banc parisien du coach Mauricio Pochettino semble permettre au milieu italien de montrer l’étendu de son talent. Ce renouveau est-il suffisant pour en faire un des plus grands milieux de terrain au monde ?

Plus haut sur le terrain

Nous sommes le 6 janvier 2021. Mauricio Pochettino est fraîchement sorti de sa retraite pour prendre la suite de Thomas Tuchel, limogé deux semaines plus tôt. Le coach argentin présente sa première composition pour affronter Saint-Etienne en Ligue 1. Tout le monde s’attend à voir des changements par rapport à son prédécesseur. D’autant plus que le nouveau coach doit composer avec l’absence de Neymar, blessé à la cheville un mois plus tôt contre Lyon. Sans son principal atout à la création, l’entraîneur argentin doit innover. Une heure avant le coup d’envoi la surprise tombe, Marco Verratti est annoncé en milieu offensif pour affronter les Verts. Cette petite révolution surprend autant qu’elle ravit. Les qualités techniques indéniables du milieu argentin semblent parfaites pour le rôle. Vision du jeu au-dessus de la moyenne, qualité de passe et de dribbles hors-norme, capacité à jouer vers l’avant, sens du jeu et du collectif… pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt ? Ses détracteurs diront que le maestro n’a pas le physique pour et qu’il n’est pas assez décisif… nous y reviendrons.

C’est ainsi que la révolution commence. Verratti n’est pas un vrai 10 ni un vrai 8, il joue entre les deux. Assez haut sur le terrain pour distiller des caviars aux Mbappe, Neymar et autres Icardi. Mais de manière suffisamment modérée pour laisser à ses attaquants la place d’exprimer leur créativité et surtout pour continuer  d’effectuer les tâches  défensives dans lesquelles il brille toujours autant. Cette position hybride permet à Verratti de  tacler comme il l’aime ainsi que de faire une véritable moisson à la récupération des ballons. Sa palette technique lui permet de résister au pressing adverse et de lancer le jeu vers l’avant par la passe ou le dribble. Ce positionnement sur le terrain ajoute un réel atout aux abords des deux surfaces, là où il limitait son influence offensive quand il était placé plus bas. Et cela se traduit à travers ses statistiques : la saison dernière l’italien n’a délivré que 6 passes décisives en 37 matchs toutes compétitions confondues alors que sous les ordres de Pochettino il en est à 4 passes décisives en seulement 9 matchs. Toujours pas de buts diront les plus sceptiques mais est-ce vraiment son rôle alors qu’il joue avec Mbappe, Neymar, Icardi, Di Maria et Kean ?

Plus haut donc plus décisif, ici contre le barça livrant un caviar à Mbappe pour l’égalisation

Le rôle des attaquants est de marquer des buts, celui des défenseurs est d’éviter d’en prendre et celui des milieux est de faire le lien entre les deux. Dans ce rôle, Marco Verratti excelle. D’autant plus depuis l’arrivée de l’ancien entraîneur de Tottenham. Le milieu italien n’a tout simplement pas connu la défaite quand il était titularisé par son nouveau coach. Mieux encore, la seule fois où il n’a pas connu le goût de la victoire c’était ce 6 janvier contre l’ASSE, pour le premier match de Pochettino sur le banc et le premier de Verratti dans ce nouveau rôle… Le fameux temps d’adaptation entre les deux hommes n’aura duré qu’un match. Pour les 7 rencontres où il n’a pas été titulaire (remplaçant ou absent) le PSG a perdu 2 fois. Quand on voit la compétitivité de la Ligue 1 cette année, on comprend encore mieux l’influence et l’importance du petit hibou pour son équipe. En son absence, l’équipe paraît coupée en deux comme ce fut le cas lors de la défaite à domicile face à Monaco. Il est le lien entre la défense et l’attaque tout autant qu’il est le lien tactique entre le coach et le terrain. Si Marquinhos est le cœur du Paris Saint-Germain, Verratti en est le cerveau.

Mieux entouré 

Si Marco Verratti est plus libre sur le terrain c’est grâce aux consignes de Mauricio Pochettino mais pas seulement. L’ancien capitaine du PSG a su merveilleusement bien entourer son maestro. Si le milieu box-to-box Gana Gueye multiplie les courses et le pressing pour soulager l’italien et lui permettre de briller, la réelle différence est ailleurs. Numéro 8 dans le dos comme un certain Thiago Motta, Leandro Paredes semble être la sentinelle tant recherchée par Paris depuis des années. Très critiqué depuis son arrivée en janvier 2019, l’argentin semble avoir lui aussi trouvé le coach idoine à son jeu. Joueur élégant au pied droit magique, Paredes est capable des plus belles et précises passes possibles (en témoigne sa passe décisive pour Moïse Kean à Barcelone). Il est en charge de la première relance parisienne. Situé très bas, presque entre les centraux parisiens, il distribue des caviars et permet à Verratti de jouer plus haut sur les phases offensives comme défensives. En plus de cette complémentarité au niveau des postes, les deux latins ont développé une dualité impressionnante, notamment dans les petits espaces devant la surface parisienne. Cette aisance technique partagée qui semble innée entre les deux hommes leur permet de se sortir de situations très délicates en relançant à la perfection.

Habitué à jouer en “marchant”, Leandro Paredes n’est pas un monstre physique mais il compense par son placement et sa science du jeu, un peu comme Marco Verratti. Là où leur entraîneur a vu juste une fois de plus, c’est en leur associant l’inépuisable Idrissa “Gana” Gueye. Féru de pressing, son endurance et son physique solide font de lui le pendant parfait des deux artistes. C’est lui qui fait le travail de l’ombre, celui qu’on ne voit pas mais qui est très important, d’autant plus au PSG où les armes offensives sont légions. Ajoutez à cela la hargne de Leandro Paredes et le milieu parisien devient une des forces du club de la capitale, là où c’était une faiblesse depuis la séparation du trio Verratti-Matuidi-Motta dans lequel le petit hibou brillait. Et coïncidence ou pas, les deux derniers cités ont aujourd’hui été remplacés par des joueurs au profils ressemblants.

Le match au Camp Nou, més que una masterclass

A l’heure du 8e de finale retour contre le FC Barcelone, il est nécessaire d’aborder le match aller quand on veut parler du renouveau de Verratti. Remportée 4-1 à l’extérieur, cette probante victoire porte le sceau de Kylian Mbappe auteur d’un triplé en plus d’un match dantesque. Mais comme rappelé très simplement plus haut, le rôle du milieu de terrain est de faciliter la tâches de ses attaquants et de faire le lien avec la défense. Ainsi, si le prodige français a pu réaliser un tel match, il le doit aussi en bonne partie grâce à l’abattage du milieu de terrain porté par un Marco Verratti aussi à l’aise que s’il jouait dans son jardin. Dès la première minute de jeu, il lance le jeune champion du monde dans la profondeur, poussant Ter Stegen à manquer son jeu au pied, symbole de la pression imposée par les parisiens. La prestation XXL de l’italien est ensuite symbolisée par deux actions décisives dans les deux surfaces. Dans la sienne d’abord, quand il effectue un tacle glissé sur Griezmann d’une propreté qui force le respect et par la même occasion la récupération du ballon. Puis dans celle des blaugranas où il remet d’une volée (s’il vous plaît !)  vers Kylian Mbappe un centre de Kurzawa… égalisation, lancement du show Mbappe et Verratti continue de cuisiner la bande de Messi. Durant ce match l’italien est partout. A la récupération, où sa technique permet au bloc parisien de remonter, à la construction où il est un aimant à défenseurs catalans et dans la finition où il fait peser une menace constante aux abords de la surface adverse tant sa faculté à trouver ses partenaires dans l’avancée est létale. Ce match est magnifie aussi l’entente entre Verratti et Paredes, les deux se trouvent les yeux fermés, à croire qu’ils pensent la même chose au même moment. Si Mbappe à surement livré son meilleur match avec le PSG c’est peut-être aussi le cas de ce duo au milieu tant ils ont éclipsé leurs homologues catalan. Face à une telle leçon de jeu, on se demande presque si De Jong ne regrette pas d’avoir choisi d’aller au Barça plutôt qu’au PSG.

Grâce à son aisance technique, Verratti monopolise 5 défenseurs (!), créant de nombreux espaces

La victoire du club de la capitale est celle d’Mbappe mais aussi celle de Verratti. Cerise sur le gâteau, il n’a pas prit de carton jaune, son péché mignon lors des grands rendez-vous. C’est une victoire collective magnifiée par deux joueurs parmi les meilleurs au monde, au moins sur l’instant. C’est aussi celle d’un coach qui a montré à ses deux joyaux en manque de confiance comment briller et à un club comment gagner.

Marco Verratti est littéralement métamorphosé depuis l’arrivée de l’entraîneur Mauricio Pochettino. Il affiche un niveau qui le place à la table des plus grands milieux actuels, voire des plus grands milieux que l’Italie ait connue. Cependant sa chaise est bancale tant son physique pose question. S’il fait désormais tous les efforts qu’un professionnel doit fournir pour prospérer au haut niveau, le numéro 6 parisien n’est toujours pas épargné par les blessures. Cependant, le petit hibou force le respect par son talent et son abattage sur le terrain. N’est-il pas encore plus beau de voler parmi les aigles alors qu’on a du plomb dans l’aile ?

Quitter la version mobile