Rugby

Eddie Jones et sa gestion d’effectif, un risque à l’avenir ?

Avant le Crunch de samedi après-midi, Eddie Jones est sous le feu des critiques outre-Manche sur sa gestion de l’effectif anglais. L’utilisation de joueurs en manque de préparation, la mise à l’écart de certains joueurs et l’absence de nouveaux joueurs entrainent des incompréhensions de la part des fans et journalistes anglais. Ces critiques s’accumulent alors que le XV de la Rose est en difficulté dans le jeu et sur le plan des résultats.

Un noyau dur permettant à Jones de mener l’équipe vers les sommets

Eddie Jones, comme beaucoup de sélectionneurs, n’aime pas faire trop de changements dans sa liste. Sauf blessures ou baisse régime importante, il fait tout le temps confiance au même joueur. À son arrivée, le XV de la Rose venait de connaître probablement la pire humiliation de son histoire avec une élimination dès les phases de groupes lors de la coupe du monde que le pays organisait. Un véritable séisme dans le rugby anglais qui devait repartir sur de nouvelles bases après cette déconvenue. A ce moment-là, le XV de la rose ne faisait plus peur. Pour provoquer un électrochoc, la fédération anglaise devait revoir sa politique. Elle décide de nommer Eddie Jones, premier sélectionneur non-anglais.

Pour sa première liste à l’occasion du Tournoi des VI nations 2016, le sélectionneur australien décide de faire des changements marquants. Il décide de ne pas appeler certains joueurs comme Luther Burrell, Ben Morgan ou encore Tom Youngs. Des joueurs régulièrement utilisés sous Stuart Lancaster et qui ne semblent plus être dans les plans du nouveau sélectionneur. A contrario, de nouvelles têtes font leur apparition dans la liste des 33 comme Elliot Daly, Josh Beaumont ou encore Maro Itoje. Eddie Jones fait aussi le choix de changer de capitaine en nommant Dylan Hartley. Il succède à Chris Robshaw qui reste néanmoins dans la liste de Jones. Il fait le choix de convoquer un autre joueur longtemps resté indésirable en la personne de Christ Ashton qui ratera finalement le tournoi en raison d’une suspension suite à une fourchette.

Pour sa première dans le tournoi, Jones décide de positionner Owen Farrell en premier centre et George Ford en numéro 10. Un positionnement nécessaire avec les blessures de Manu Tuilagi et Henry Slade. Une association qui va finir par porter ses fruits, le XV de la Rose signant le Grand Chelem. Pour son premier tournoi, Eddie Jones permet à l’Angleterre de remporter son premier tournoi depuis 2011 et son premier Grand Chelem depuis 2003. Lors de la tournée d’été, le XV de la Rose affronte l’Australie sur 3 matchs. L’Angleterre remporte l’ensemble des matchs permettant à Jones de rester invaincue à la tête de la sélection. Lors de la tournée d’automne, le XV de la Rose poursuivra son invincibilité permettant au sélectionneur australien de rester invaincue sur l’année entière. Son invincibilité à la tête de la sélection s’arrêtera lors du tournoi 2017 contre l’Irlande le privant d’un second grand Chelem consécutif lors du dernier match. Après un an, la patte Eddie Jones a fait son effet. Tous les joueurs sont unanimes sur sa méthode. Le sélectionneur australien a réussi à instaurer une nouvelle mentalité au sein de cette équipe. Au niveau du jeu, le XV de la Rose est l’une des équipes les plus joueuses d’Europe avec un pack solide et des 3/4 parmi les meilleurs du monde. La force de cette équipe est sa stabilité avec très peu de changements d’une liste à l’autre. Sauf blessures, Eddie Jones fait confiance à ses joueurs.

Dylan Hartley, soulevant le trophée du tournoi 2016 (express.co.uk)

Néanmoins sur les deux dernières années avant la Coupe du monde au Japon en 2019, le sélectionneur australien a dû faire face aux blessures de certains cadres. Quelques jeunes sont alors apparus dans la liste élargie comme Zach Mercer, Marcus Smith ou encore Alex Hepburn. Il n’a pas hésité à lancer certains jeunes comme Tom Curry lors de la tournée d’été en 2017 qui devient le plus jeune joueur à obtenir une sélection depuis Jonny Wilkinson. Eddie Jones déclaration sur la question de l’âge : « Mon principe a toujours été que si un joueur est assez bon, vous le faites jouer qu’il soit vieux ou jeune ( …)  Certains joueurs à 18 ans sont beaucoup plus matures que les joueurs à 28 ans. Il n’y avait aucun scrupule à le faire jouer. » Lors de cette tournée, de nombreux joueurs connaissaient leur première sélection comme Harry Williams, Mark Wilson ou encore Alex Lozowski.

Le tournoi précédant le Mondial est souvent révélateur sur les joueurs qui participeront à celle-ci sauf blessures. Pour le tournoi 2019, Eddie Jones doit faire sans son capitaine Dylan Hartley touché au genou et décide de faire appel à Jack Singleton pour accompagner Luke Cowan-Dickie et Jamie George. Il doit faire aussi sans Chris Robshaw en raison d’une blessure et décide de faire appel à Ben Earl pour le remplacer. Enfin Danny Care, habitué à tourner au poste de numéro 9 avec Ben Youngs, n’est pas retenu et est remplacé par Dan Robson. Des absences lors du tournoi qui se traduiront par une absence pour la Coupe du monde 2015. Une surprise pour les observateurs alors que ces trois joueurs étaient parmi les cadres de Jones. Pour Dylan Hartley, sa blessure semble avoir été un frein à son retour mais pour les deux autres, il semblerait que le choix vienne d’Eddie Jones.

Pour sa liste des 38 pour préparer la Coupe du monde, Eddie Jones n’a pas fait beaucoup de changements à l’exception de l’arrivée de Danny Cipriani après avoir été élu meilleur joueur de Premiership. Pour sa liste définitive, le sélectionneur australien n’a pas procédé à de chamboulement. Danny Cipriani n’a pas été retenu, Mike Brown et Ben Te’o ont été écartés pour s’être accrochés lors d’une activité de cohésion. Parmi les seules surprises, on notera la sélection de Willi Heinz comme doublure de Ben Youngs ainsi que celle de Lewis Ludlam et Jack Singleton. Enfin, pour remplacer Mike Brown et Ben Te’o, le sélectionneur australien a décidé de faire appel à un international à 7 en la personne de Ruaridh McConnochie.

Par cette liste, Eddie Jones reprend tous les cadres qu’il a installés depuis quatre ans. Tout au long de cette période, il n’aura fait que très peu de changements en lançant quelques joueurs durant les tournées d’été mais sans forcément donner suite. La plupart du temps, les jeunes devaient se contenter de convocations dans des groupes élargis sans avoir l’opportunité de jouer. Des décisions qui ne faisaient pas l’objet de débats tant l’équipe d’Angleterre marchait bien. Les choix d’Eddie Jones lui ont finalement donné raison avec une finale de coupe du monde finalement perdue contre l’Afrique du Sud. Le XV de la Rose aura même eu le scalp des favoris de la compétition : la Nouvelle-Zélande en demi-finale. Outre-Manche, le travail du sélectionneur australien a été salué. La mentalité instaurée ainsi que les choix tactiques avec Elliot Daly en 15, George Ford et Owen Farrell au poste d’ouvreur et de premier centre, un pack puissant composé de joueurs de ballon ont permis à l’Angleterre de faire oublier la déception de 2015.

Le XV de la Rose après la défaite en finale contre l’Afrique du Sud. (bbc.com)

Néanmoins, depuis cette Coupe du monde, le XV de la Rose ne semble plus la même équipe. L’année 2020 montrait déjà certaines lacunes et le début de tournoi a définitivement mis en péril la philosophie de Jones.

L’Autumn Nations Cup comme première source de critiques

En effet, Eddie Jones a voulu capitaliser sur son effectif vice champion du monde pour le tournoi. Cette décision est compréhensible, les joueurs tournant pour la majorité entre 28 et 30 ans. Il décide néanmoins de lancer quelques joueurs comme George Furbank qui connaîtra une première difficile au Stade de France. Le XV de la Rose montre certaines limites dès son premier match avec une défaite mais finira par remporter le tournoi à la différence de points face à la France. Un nouveau tournoi pour les hommes d’Eddie Jones, le troisième depuis son arrivée.

Mais dans une année particulière, Eddie Jones a dû compenser avec la longue pause liée à la pandémie pour composer sa liste pour l’Autumn Nations Cup. Une liste qui lui permettra de lancer certains joueurs comme Will Stuart, Jack Willis, Ollie Lawrence, Max Malins ou encore Jonny Hill. Des joueurs ayant quelques opportunités durant cette compétition et qui ne se priveront pas de montrer tout l’étendue de leur talent. Pendant cette compétition, l’Angleterre remporte ses trois premiers matchs sans forcément impressionner mais parvient à se qualifier en finale pour y affronter le XV de France. La sélection de Fabien Galthié se déplaçait à Twickenham avec une équipe sans ses cadres, conservés par leurs clubs respectifs.

Si beaucoup voyaient cette équipe prendre une lourde défaite face à une sélection au complet, le match a dévoilé un autre scénario. Les jeunes bleus ne se laissent pas envahir par l’enjeu du match et parviennent à faire douter le XV de la Rose. Après un essai de Brice Dulin à la 15ème minute, la France prend les devants. Grâce à une défense infranchissable et une attaque anglaise en manque d’inspiration, les hommes de Fabien Galthié entrevoient la victoire. Mais un essai de Luke Cowan-Dickie inscrit à 30 secondes de la fin puis la transformation d’Owen Farrell permet aux Anglais d’égaliser pour arracher une prolongation. Dans une prolongation controversée en raison de décisions jugées litigieuses d’Andrew Brace, les Anglais finissent par l’emporter grâce à une pénalité d’Owen Farrell.

Owen Farrell soulevant le trophée de cette Autumn Nations Cup. (Adam Davy/PA)

Un premier match qui aura montré les difficultés de ce XV de la Rose. Alors que l’Angleterre était annoncée grande favorite face à cette équipe novice, les hommes d’Eddie Jones n’ont jamais semblé être dans le match. L’attaque n’est jamais parvenue à franchir la défense française commettant de nombreuses fautes de mains. La défense française est parvenue à récupérer 7 ballons anglais auxquels il faut ajouter 90 % de plaquages réussis sur 182 tentés. À la suite de la prestation du XV de la Rose, les médias anglais, très agressifs lorsque l’équipe joue mal, n’ont pas hésité à critiquer la prestation des hommes du sélectionneur australien. L’usage abusif du pied par George Ford a été reproché à Eddie Jones qui n’a pas hésité à répondre aux critiques : « Vous pensez que j’appelle George Ford à chaque fois qu’il prend le ballon ? Ne posez donc pas de questions stupides. C’est ce que le jeu exige. Si nous avions perdu le ballon trente fois et perdu le match, vous m’auriez demandé pourquoi nous n’avons pas joué davantage au pied. Le jeu passe par des cycles, c’est une évolution. Ne vous inquiétez pas. Je trouve en tout cas ce discours un peu enfantin. »

Des critiques difficiles à entendre d’autant que le XV de la Rose est parvenu à remporter encore deux trophées en 2020 avec le Tournoi des VI nations et l’Autumn nations cup. Dans une année compliquée avec une longue période sans match, le XV de la Rose a réussi à perdre un seul match contre la France, lors de la première rencontre de l’année. C’est d’ailleurs le message qu’a voulu véhiculer Eddie Jones après le match : « Les joueurs sortent d’une saison de club sans préparation. A mon avis, vous devriez essayer de créer une image beaucoup plus positive. Je trouve cela assez ennuyeux et c’est irrespectueux envers les joueurs comme pour notre sport. »

Le XV de la Rose a inquiété lors de cette première rencontre. À l’image d’Owen Farrell, les cadres n’ont pas semblé être en forme. Le buteur attitré de la sélection n’a pas convaincu avec un 5/9 au pied. Après avoir manqué une première pénalité en prolongation, il n’a pas craqué la seconde fois pour donner la victoire aux Anglais. Le pack et les lignes arrières n’ont pas été plus en réussites. Mais la victoire était là et c’était le plus important pour cette équipe.

Le principal problème pour Jones était d’avoir aligné le XV type. Tous les titulaires étaient présents et aucun n’a semblé être à la hauteur de l’évènement. Le soulagement du sélectionneur australien à la fin du match montre la pression ressentie tout au long de la rencontre. Ce match a montré les difficultés rencontrées par le XV de la Rose qui, malgré les victoires, n’a pas forcément convaincu dans le jeu. Même si certains demandaient l’arrivée de jeunes joueurs en forme pour donner un nouveau souffle à cette équipe, les victoires continuaient à donner raison à Eddie Jones.

L’amplification des critiques sur un fond de contre-performances

Les critiques à l’encontre d’Eddie Jones sur la gestion de son groupe ont commencé depuis ce tournoi des VI nations. Le XV de la Rose a tout d’abord perdu le match d’ouverture à domicile contre le XV du Chardon. Une première défaite depuis 1983 contre l’Écosse à Twickenham. Au-delà de la défaite, c’est le match en lui-même qui a marqué les médias anglais. Le XV de la Rose s’est incliné 6 points à 11, son plus faible total de points marqués dans une Calcutta Cup depuis 1965 (3/3). Encore une fois, le jeu des Anglais fait l’objet de nombreuses critiques. Les lignes arrières n’ont jamais réussi à provoquer la défense adverse. Pourtant Eddie Jones avait décidé de mettre en place une nouvelle tactique en replaçant Owen Farrell en numéro 10 à la place de George Ford alors qu’Ollie Lawrence démarrait au poste de centre. L’ouvreur anglais n’a pourtant jamais réussi à mettre en place le jeu anglais. Son usage abusif de petits coups de pied, alors que les Anglais étaient en surnombre, a vivement été critiqué. Le sélectionneur australien a pris la responsabilité de cette défaite : « Pour nous, c’était un mauvais jour. Je n’ai pas assez bien préparé l’équipe, on s’est trompé et on était loin de notre meilleur niveau . Non, c’est ma responsabilité. »

La tactique mise en place par Eddie Jones n’a pas convaincu. Il n’a pas su trouver les solutions pour renverser une équipe écossaise bien mieux préparée. Le XV de la Rose peut se satisfaire de cette défaite de seulement 5 points face à une équipe en manque d’efficacité. Les nombreux ballons perdus et les nombreuses fautes commises ont montré une équipe sans préparation, subissant le match. Mais celui qui a le plus essuyé les critiques est le capitaine Owen Farrell. Parmi les anciens joueurs très critiques, Mike Brown, arrière des Harlequins, s’est montré insatisfait de la prestation de l’ouvreur anglais : « Personnellement, j’écarterais Owen Farrell pour le mettre sur le banc et je débuterais le match face à l’Italie avec George Ford à l’ouverture. Comparé à ses standards habituellement élevés, Farrell a été médiocre à Twickenham. »

Après cette prestation, le capitaine anglais a reçu le soutien de son sélectionneur : « Comme beaucoup de joueurs, il n’était pas à son meilleur. Mais comme tout joueur exceptionnel, ils peuvent avoir un match où ils ne sont pas à leur meilleur. Est-ce une raison pour retirer le joueur ? Je ne pense pas. Il a été un joueur très constant et très performant pour nous. » Une défense compréhensible, le joueur anglais étant un des meilleurs au monde depuis plusieurs saisons. Revenir sur une idée de jeu appliquée depuis son arrivée n’aurait pas beaucoup de sens pour le sélectionneur australien. Après une victoire bonifiée contre l’Italie sans avoir convaincu, le XV de la Rose a perdu lors de la dernière journée contre le Pays de Galles. Les hommes d’Eddie Jones n’ont jamais semblé être à la hauteur de l’événement. Ils ont toujours couru après le score et malgré deux essais jugés litigieux inscrits par les Gallois, le XV de la Rose ne méritait pas plus dans ce match. Un ultime essai gallois dans les derniers temps de jeu a totalement anéanti les espoirs de victoire côté anglais. La défaite de trop outre-Manche.

Que ce soit les anciens joueurs, les journalistes ou encore les fans, tous remettent en cause la gestion d’Eddie Jones. Le sélectionneur australien est critiqué pour ne pas convoquer certains joueurs en grande forme en Premiership. Parmi les plus mentionnés, Sam Simmonds est celui dont l’absence fait l’objet de nombreuses interrogations. Meilleur marqueur du championnat anglais avec 13 essais en seulement 12 matchs, le troisième ligne anglais n’est pas appelé par Eddie Jones. Une forme d’incompréhension alors qu’il est en grande forme depuis le début de la saison. Il a déjà joué pour le XV de la Rose au cours de 7 matchs en 2017 et 2018 mais n’a jamais été rappelé depuis. Parmi ses soutiens de poids, Andy Goode est très critique contre le choix d’Eddie Jones de ne pas le sélectionner : « On a l’impression que l’obstination empêche Jones de le choisir pour le moment parce qu’il y a eu beaucoup de clameurs pour lui dans les médias et peut-être que cela ressemblerait à un aveu qu’il avait tort. C’est juste vous coupez le nez pour contrarier votre visage et bien qu’il soit de sa prérogative de choisir qui il juge bon, j’espère que ce n’est pas le cas, qu’il ne néglige pas un tel talent pour cette raison. » Des critiques qui arrivent alors que le sélectionneur australien avait décidé de convoquer le jeune George Martin pour remplacer Jack Willis, blessé contre l’Italie. La concurrence est rude à son poste avec Billy Vunipola installé en numéro 8 depuis plusieurs années mais la saison réalisée par Sam Simmonds devrait au moins lui permettre d’être sur le banc.

Andy Goode, montrant sa frustration de ne pas voir Sam Simmonds avec l’Angleterre

D’autres joueurs sont oubliés comme Marcus Smith, l’ouvreur des Harlequins. Le probable meilleur ouvreur anglais du moment (dont on avait fait le portrait au début de l’année) ne semble pas attirer l’œil d’Eddie Jones. Élu hier meilleur joueur du mois de février en Premiership, l’ouvreur des Quins est ce qui se fait de mieux en Angleterre. Très bon au pied, capable de casser les lignes grâce à ses crochets dévastateurs, il est ce qui manque à ce XV de la Rose. Avec les performances récentes d’Owen Farrell et de George Ford, les fans militent pour le voir retenu en sélection. Il a toujours annoncé vouloir jouer pour le XV de la Rose et marcher dans les pas de son idole Jonny Wilkinson.

Malgré des rumeurs l’envoyant dans notre championnat du côté du LOU, l’ouvreur a récemment prolongé avec les Harlequins confirmant ses envies de sélection. L’entraineur de la défense des Quins semble vouloir laisser du temps à son jeune numéro 10 : « Vous auriez du mal à trouver un jeune ouvreur plus talentueux, mais cela dépend d’Eddie Jones (….). Il (Marcus Smith) a réussi quelques bons coups aujourd’hui mais s’il veut jouer des test-matchs, il doit être cohérent avec cela chaque semaine. C’est le genre d’ambition qu’il a » (Jerry Flannery). Le joueur reste encore jeune mais son dynamisme et sa prise de risque feraient du bien à cette équipe en cruel manque de solution dans la création du jeu.

Un autre joueur qui fait parler de lui chez les Quins : il s’agit d’Alex Dombrandt. Comme Sam Simmonds, il évolue au poste de troisième ligne centre et semble sur une autre planète depuis le début de l’année 2021, enchaînant les grosses prestations avec les Harlequins. Considéré comme l’un des meilleurs à son poste, il pourrait aider le XV de la Rose en apportant sa puissance et sa capacité à toujours proposer une solution à son équipe. On pourrait continuer en citant tous les joueurs qui pourraient avoir aujourd’hui leur place dans ce XV comme Will Evans et ses 17 ballons récupérés, Tom Willis ou encore Joe Marchant. De nombreux joueurs qui sont précieux pour leur équipe cette saison et qui mériteraient de faire partie de ce groupe anglais.

La gestion du groupe fait d’autant plus polémique outre-Manche par la sélection des joueurs des Saracens. L’équipe anglaise a été reléguée à l’issue de la saison dernière pour avoir enfreint les règles relatives à la masse salariale. Depuis les Saracens évoluent en deuxième division qui n’a repris que la semaine dernière. Ainsi depuis le début de la saison, les Sarries n’ont pas joué de matchs officiels en dehors des rencontres internationales. Un risque assumé par Eddie Jones qui préfère la continuité de son effectif.

Le problème est que six joueurs des Sarries sont des des titulaires quasi indiscutables dans le XV de la Rose. On retrouve les frères Vunipola, Jamie George, Maro Itoje, Owen Farrell et Elliot Daly. Des joueurs qu’on a senti loin de leur meilleur niveau en ce début de tournoi, accentuant un peu plus la colère des fans concernant leur sélection. Pour certains, la convocation de ces joueurs montre que certains sont intouchables aux yeux de Jones. Mako Vunipola a contesté l’existence d’un tel statut : « Je ne sais pas qui sont ces intouchables. J’espère que je suis l’un d’entre eux pour être honnête ! Les intouchables n’existent pas. » Difficile à juger mais il est vrai qu’Eddie Jones a une tendance à s’appuyer sur un noyau élargi. Il a du mal à bousculer la hiérarchie au sein de sa sélection même en cas de contre-performance. Les nombreux blessés dans le pack anglais ont forcément un impact sur le jeu pratiqué mais certaines performances individuelles sont loin de faire l’unanimité.

Une partie des joueurs des Saracens évoluant dans le XV de la Rose. (Saracens.com)

Eddie Jones a aussi la réputation d’avoir écarté certains joueurs qui remettaient en cause ses méthodes. C’est le cas de Danny Care qui n’a pas rejoué depuis 2018 avec le XV de la Rose : « il a commis l’erreur de parler à Eddie Jones et de demander comment il voulait jouer alors qu’il jouait avec une équipe anglaise B contre le Japon à l’automne 2018. La réponse d’Eddie à cela a été ”ce n’est pas l’attitude que je souhaite” et il l’a écarté de ses plans » (Kyran Bracken). Alex Goode a lui aussi été en désaccord avec le sélectionneur australien. Il n’a plus jamais été sélectionné depuis 2016 malgré son titre de meilleur joueur européen de l’année en 2019. Avec Jones, pas question de remettre en cause la tactique.

Eddie Jones et Danny Care lors d’un entrainement. (mirror.co.uk)

Par ailleurs, le sélectionneur australien a la particularité d’être dur avec ses joueurs. Il n’hésite pas à les pousser jusqu’au bout depuis son arrivée. Son ancien capitaine Dylan Hartley confirmait cette dureté : « Jouer pour l’Angleterre, c’était un peu comme participer à l’un de ces marathons de danse cruels pendant la Grande Dépression, où des couples modestes dansaient jusqu’à l’épuisement. » Il lui a d’ailleurs reproché son manque de tact alors qu’il espérait participer à la Coupe du monde 2019 : « Tu es foutu, mec […]. ll mettait de facto fin à ma carrière internationale en trois mots. Je me suis senti comme un bout de viande jeté à la poubelle parce que la date limite de consommation était passée. »

Malgré une blessure au genou qui l’avait privé du tournoi cette année-là, le talonneur anglais avait toujours l’espoir de revenir à temps pour la Coupe du monde. Cette décision de Jones est surprenante alors qu’il avait tout de suite nommé Hartley capitaine de son équipe. Ce dernier a quand même tenu à remercier son ancien sélectionneur pour lui avoir fait confiance pour mener l’équipe après la coupe du monde. On pourrait continuer avec la relation compliquée entre Danny Cipriani et Eddie Jones qui n’a joué que deux fois pour le XV de la Rose depuis l’arrivée du sélectionneur australien lors de la tournée 2018 en Afrique du Sud.

Enfin la gestion des jeunes appelés est fortement remise en question. En effet, Eddie Jones avait fait le choix de titulariser Ollie Lawrence pour le premier match du tournoi. Le jeune premier centre anglais avait été peu en vue, avec très peu de ballons joués. Après cette performance, il n’a pas été remis dans la liste des 23 pour jouer les matchs contre l’Italie et le pays de Galles. Une mise à l’écart comme une forme de sanction pour un jeune joueur qui n’a pas forcément été aidé par ses coéquipiers autour de lui.

D’autre part, la gestion du cas Paolo Odogwu est débattue outre-Manche. En effet, l’ailier des Wasps a été convoqué pour la première fois pour préparer le tournoi avec le XV de la Rose. Mais il n’a jamais eu la confiance d’Eddie Jones qui ne l’a jamais aligné dans sa liste des 23. Depuis le joueur n’a pas joué un match que ce soit avec son club ou avec la sélection. L’entraîneur des Wasps, Lee Blackett, semblait montrer son incompréhension : « J’ai demandé dimanche et ils ont dit non. Il reste avec eux, alors j’ai demandé s’ils voulaient lui donner du temps de jeu, revenir pendant une semaine pour donner du temps de jeu mais ils ont choisi de le garder. » Eddie Jones a expliqué que ce choix était du joueur souffrant d’une blessure à l’épaule et qui préférait se reposer. Même si l’expérience de pouvoir s’entrainer avec l’un des meilleurs effectifs au monde est bénéfique pour le joueur, il ne joue toujours pas et cela depuis bientôt 9 semaines. L’ailier aura probablement sa chance un jour mais attention à ne pas trop attendre d’autant que le joueur peut être convoqué avec l’Italie, son père étant lui-même italien.

La remise en cause du travail d’Eddie Jones s’explique par les défaites durant ce tournoi. Il est certain qu’en cas de victoires, les fans seraient moins critiques. Il n’en reste pas moins qu’en cas de désillusion lors des deux derniers matchs du tournoi, les critiques pourraient s’amplifier. Faudra-t-il s’attendre à des changements lors des prochains rassemblements ? Rien n’est moins sûr. Avec la possible tournée des Lions, Eddie Jones n’aura pas beaucoup de temps pour lancer de nouveaux joueurs cette année.

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