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Champions du monde juniors : talents d’un jour ou futur du biathlon ?

7 médailles d’or, 3 d’argent et une de bronze, c’est le résultat de la razzia effectuée par les sélections juniors et jeunes de l’Equipe de France de Biathlon à Obertilliach. Du jamais vu pour cette équipe  actuellement guidée par Simon Fourcade. Mais qu’attendre de ceux qui sont vus comme le futur du biathlon français ? Etre sacré champion du monde dans les catégories jeunes est-il synonyme de réussite en seniors ?

Une année exceptionnelle

Pour caractériser les exploits réalisés par les jeunes bleus, il est important de tout ramener dans un contexte plus global. Le covid impacte la saison. S’il semble ne pas avoir impacté l’équipe de France outre mesure, il est difficile de caractériser l’impact qu’il a pu avoir sur l’ensemble des nations. Au cours de ces mondiaux, il rend la lecture de certains résultats compliquée. En effet, la sélection jeune des norvégiens n’a pas eu les autorisations de déplacement. Ainsi, il est impossible de se rendre compte de leurs futures biathlètes à venir. Un élément primordial tant cette nation domine le biathlon mondial.

Des podiums juniors au motif d’espoir

La liste des podiums aux championnats du monde juniors est longue. Celle de ceux ayant réussi par la suite également. Cette compétition est un réel tremplin pour le haut niveau.

Ce phénomène est tout aussi présent chez les hommes que chez les femmes avec Vittozzi comme Wierer médaillées, mais aussi les phénomènes allemands Neuner et Dahlmeier chez les féminines, et l’ensemble des norvégiens victorieux par la suite médaillés, tout comme Raphael Poirée par exemple.

Les champions seniors médaillés chez les jeunes

Lorsque l’on prend les top 5 et top 10 mondiaux, presque 70 % d’entre eux ont été médaillés dans les catégories jeunes. Chez les femmes, ce chiffre est un peu plus faible tournant autour de 55 %. Mais ce phénomène est récent. C’est depuis le début des années 2010 que l’impact des résultats dans les championnats jeunes sur la suite de la carrière est plus marqué. Cela est peut-être dû à des changements de politique au sein de la formation dans certains pays.

La folie des doublés sprint-poursuite

Les doublés sprint-poursuite existent sur le circuit coupe du monde mais ils restent rares. Ainsi, Quentin Fillon-Maillet était uniquement le 3ème biathlète français à faire le doublé ce week-end. Or, lorsque l’on regarde les catégories jeunes, leur présence est beaucoup plus importante. Depuis 2005, 6 hommes et 7 femmes ont fait le doublé sprint-poursuite. Les podiums se renouvellent également peu. Seul 1 podium chez les hommes et un chez les femmes est entièrement renouvelé sur les 16 dernières années.

Par 2 fois, le podium compte les mêmes vainqueurs chez les femmes, chez les hommes cela se produit 4 fois, soit 25 % des derniers podiums. A titre de comparaison, cela ne s’est pas produit une seule fois de la saison 2020-2021, hommes et femmes confondus.

Ce phénomène a pour effet de donner l’impression de « deux courses » différentes alors que dans les catégories jeunes, l’importance du sprint sur la suite est beaucoup plus importante que dans les catégories seniors. Ainsi, si les doublés existent aussi sur le circuit coupe du monde, ils sont souvent liés à des athlètes « hors du commun ». Cette année par exemple, chez les femmes seules Tiril Eckhoff en réalise et elle remporte le globe, tandis que chez les hommes, ce sont des membres du top-3 qui ont réussi cet exploit.

Camille Bened se parant d’or l’or de l’Individuelle (L. Huter/Expa)

Des podiums jeunes comme course d’un jour

La catégorie « jeunes », pour les biathlètes âgés de moins de 19 ans, est à prendre avec beaucoup plus de précaution. Sur la centaine de places sur le podium présente sur les 3 courses (individuel, sprint, poursuite) sur une période allant de 2005 à 2015 chez les hommes, seuls 6 d’entre eux ont joué régulièrement par la suite une place dans le top 10 mondial : les 2 frères Boe, Loginov, Jacquelin et Landertinger. On peut leur rajouter Simon Fourcade et Emil Svendsen si l’on remonte au tout début de cette compétition.

Le phénomène est un peu moins présent chez les femmes avec Dorothea Wierer et sa compatriote Lisa Vittozzi. Mais également les Françaises Marie Dorin-Habert, Anaïs Chevalier-Bouchet et Julia Simon et encore Domracheva, Vitkova, Tandrevold et Hauser, certaines étant encore à leur tout début de carrière.

Les autres médaillés sont parfois présents sur le circuit coupe du monde mais n’y jouent pas gros. Ils y font ce qu’ils ont fait dans leur catégorie jeune, des podiums sur certaines courses d’un jour.

Les explosions tardives

Malgré des succès présents dans les courses jeunes, il faut parfois attendre plusieurs années pour voir la consécration sur le circuit coupe du monde. Si certains vont éclore rapidement (Laegreid, Dale par exemple), pour certains, il faut attendre beaucoup plus longtemps  pour les premiers podiums. On peut par exemple citer Lisa Theresa Hauser qui malgré plusieurs podiums en catégorie jeune n’a vraiment commencé à gagner que cette année. L’année de ses podiums, elle était pourtant face à Laura Dahlmeier qui a tout remporté et est déjà en retraite sportive. L’évolution de l’athlète peut donc être longue malgré des débuts équivalents.

L’âge des gagnants est aussi important. Cette année, lorsqu’Émilien Claude s’impose devant Éric Perrot, le vice-champion du monde a deux ans de moins que lui.

En parallèle, certains ne participent pas forcément à cette épreuve. Émilien Claude aurait très bien pu préférer Nove Mesto aux championnats du monde, lui qui y concoure depuis déjà quelques étapes avec succès. Concourir sur le circuit coupe du monde ne peut être que plus formateurs pour ceux ayant le niveau. C’est le choix qu’a fait Endre Stroemsheim pour lequel on peut imaginer qu’il aurait fait des podiums, celui-ci ayant été placé 3 fois dans le top 20 pour ses courses en coupe du monde sur une la même période.

Les grands absents

Les catégories jeunes ne révèlent pas forcément les futurs champions malgré tout. Un biathlète qui sortirait sur le tard n’y réussit pas forcément. Le plus gros exemple de ce phénomène reste Martin Fourcade. Son explosion fulgurante sur le tard fait qu’il a échappé aux médailles sur toutes les catégories jeunes. Chez les femmes, Tiril Eckhoff victorieuse du gros globe cette saison ne s’est pas non plus imposée dans cette catégorie. Chez les français, le leader actuel Quentin Fillon-Maillet n’a pas non plus de médaille dans les catégories jeunes. Il doit y faire face à Alexander Loginov, Johannes Boe, Maxim Zwetkow, Dino Butković et Clément Dumont. De cette liste, seuls deux d’entre eux peuvent pourtant désormais rivaliser avec lui.

Emilien Claude lors de la victoire du relai français portant son total de médailles chez l’édition à 4 (IBU)

Des pays plus nombreux à être représentés

Dans les catégories jeunes, des podiums sont parfois montés par des pays qui ne font plus rien par la suite. La diversité des nations est plus importante. Groenland, Bulgarie, Chine, Canada, États-Unis, Belgique, Kazakhstan, Pologne sont des nations qui ont été sacrées alors qu’elles ne sont pratiquement pas présentes dans le haut des classements dans les catégories adultes.

Cela montre la complexité de la gestion de carrière dans ces pays où le biathlon n’est pas un sport fortement organisé. Souvent, les biathlètes doivent s’auto-financer et ce n’est pas viable. De plus, les différences de traitement entre les « grandes » nations qui ont du meilleur matériel et de meilleurs techniciens, mais également coachs se creusent.

Parmi les athlètes multimédaillés ces dernières années, on compte par exemple Sean Doherty (USA) et Felix Leitner (Autriche) en 2016. Deux athlètes de nations mineures qu’il sera intéressant de suivre. Car ce qui est une quasi-réussite pour certaines nations (France, Norvège, Russie, Italie, Allemagne) ne l’est pas forcément pour les nations mineures de la discipline.

L’exemple à travers la génération 88

La génération 88 est l’une des dynasties les plus prospères du biathlon mondial : Fourcade, Bo, Landertinger, Schempp, Peiffer. Cette génération a régné comme nulle autre sur le monde du biathlon cette dernière décennie en commençant par l’ainé de la fratrie Bo puis le cadet de celle Fourcade.

A travers leur évolution, on peut voir la complexité des prédictions de carrière en se basant sur les championnats du monde juniors. Fourcade bien qu’ayant commencé à gagner de façon plutôt précoce en coupe du monde n’avait rien gagné dans les catégories jeunes. Son explosion arrive plus tard que celle de Tarjei. Il a de son côté une accession fulgurante en remportant le gros globe dès sa deuxième saison dans l’élite mondiale. Son arrivée était précédée de nombreux podiums et victoires en catégorie jeune deux ans plus tôt. Mais en fonction des équipes, il est difficile de prédire ce qui pourrait se passer. En effet, lorsque Tarjei est plusieurs fois médaillé aux championnats du monde juniors, Martin est déjà sur le circuit coupe du monde même s’il n’y gagne pas encore.

Pour les autres, Schempp et Hofer, l’italien étant un an plus jeune, ont fait des résultats en catégorie jeune comme adulte. Erik Lesser, médaillé mondial comme eux, n’aura que peu joué le top 10 mondial à cause d’irrégularités. Il aura malgré tout fait plusieurs podiums et belles victoires, des courses d’un jour, à l’image de ce qu’étaient certainement ses championnats du monde junior. Quant aux autres médaillés de l’année 2009, ils ont disparu des radars. Et pourtant, en 2009, Simon Schempp et Tarjei Boe ne s’étaient pas parés d’or, mais auront eu une plus belle carrière que certains qui ont peut-être fait la course de leur vie cette année-là.

Les championnats du monde juniors sont une compétition donnant des indications sur la suite d’une carrière. Mais il n’est pas utile de mettre une pression importante sur les jeunes qui y font des podiums. Si certains d’entre eux continuent sur leur lancée et deviennent les têtes d’affiche du biathlon quelques années plus tard, ce n’est pas le cas pour beaucoup d’entre eux, entre disparition totale parce qu’ils changent de voie, carrière en demie teinte et exploits sur des courses d’un jour. Cela est d’autant plus vrai sur la catégorie jeunes les différences de développement pouvant être encore importante à cet âge-là.

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