Entre Mousquetaires et jeune génération, la passation de pouvoir a du mal à s’opérer en France. Depuis que les Tsonga, Simon, Gasquet entament les dernières années de leurs belles carrières, il se murmure qu’une jeune génération talentueuse va venir porter haut les couleurs bleu-blanc-rouge sur les courts du circuit mondial. Et si Ugo Humbert incarne à l’heure actuelle cette nouvelle ère du tennis français, lui et ses jeunes compatriotes ne sont pas encore des joueurs confirmés, capables de renverser n’importe qui. Au milieu de ce tableau, un joueur mène tranquillement sa barque : Jérémy Chardy.
15 mars 2021, Dubaï. Après une heure quarante-six de jeu, Jérémy Chardy élimine Alex De Minaur lors du second tour de l’ATP 500 de la ville émiratie. Loin d’être un exploit, cette victoire est tout de même révélatrice de l’état de forme du tennisman français. Face à un adversaire rapide et endurant, le Palois de 34 ans a su se ressaisir après un premier set perdu rapidement 6/2, la faute notamment a deux premiers jeux de service perdus. La suite est bien mieux maîtrisée. Le Français break lors des jeux cruciaux : l’avant-dernier de la seconde manche, et le premier de la troisième. Un beau retournement de situation à mettre à son crédit, et qui permet de mettre en lumière l’un des atouts de Chardy, son mental. Depuis le début de la saison 2021, Chardy a disputé 12 tie-breaks. Il en a remporté 10. Il a également remporté 4 des 7 matchs décidés au troisième set. Si nombre de Français ont été critiqués sur leur capacité à tenir mentalement lors des moments décisifs, difficile d’imputer quoi que ce soit à Jérémy Chardy cette année dans ce domaine-là.
Ce mental, le Français en aura besoin face à Karen Khachanov en 1/8è de finale. Revenu à un niveau plus qu’encourageant, le Russe aura à cœur d’enfin passer à la vitesse supérieure cette année. Et en termes de confrontation directe, avantage Khachanov. La seule fois que les deux barbus du circuit se sont rencontrés, c’était en 2019 à Beijing, et Khachanov s’était imposé… grâce à deux tie-breaks remportés, 7/6, 7/6. Si le scenario était amené à se répéter, les expériences récentes du Français pourraient jouer en sa faveur. Même si Chardy rend à Khachanov une dizaine de centimètres, une dizaine de kilogrammes et une dizaine d’années, sa forme actuelle permet d’espérer. Après Goffin, Humbert et De Minaur, pourrait-il ajouter un autre nom clinquant à son tableau de chasse de 2021 ?

Si Jérémy Chardy n’a jamais surperformé en Grand Chelem, il vit une carrière plus qu’honorable et régulière. Embêté par quelques blessures depuis son passage professionnel en 2005, le natif de Pau a toujours tenu sa place sur le circuit, accrochant fréquemment de très bons joueurs. Toutefois, il a très souvent butté sur les meilleurs de sa génération. Quatorze fois opposé à Novak Djokovic, Jérémy Chardy n’a jamais su battre le Serbe. 5 fois les deux joueurs se sont rencontrés en Grand Chelem entre le premier et le troisième tour, et Nole n’a jamais concédé le moindre set à son adversaire. D’ailleurs, en Grand Chelem ou ailleurs, il ne lui a jamais laissé une manche. La dernière confrontation en date, s’est tenue à l’Open d’Australie en ce début d’année. 6/3, 6/2, 6/1, et un sentiment de déjà-vu. Peinant toujours à battre les meilleurs en Grand Chelem, Jérémy Chardy n’est pas le joueur qui parle le plus au grand public français. Son meilleur résultat, un quart-de-finale à Melbourne en 2013, n’est pas suffisant pour le hisser au niveau d’un Tsonga, finaliste de l’épreuve en 2008, ou d’un Monfils, plus showman. A ce jour, Jérémy Chardy est cependant le mieux classé des Français à la Race! Avec une 21ème place, il devance Arthur Rinderknech et Benjamin Bonzi, repesctivement 34ème et 38ème.
Il manque à Jérémy Chardy des titres pour être plus réputé, tant en France qu’à l’international. Avec un seul et unique titre en simple sur le circuit ATP – à Stuttgart en 2009 – il ne se hisse pas au niveau de ses pairs, contre qui il a d’ailleurs perdu ses deux autres finales ATP : contre Tsonga à Johannesburg en 2009, et face à Gasquet à Bois-le-Duc en 2018. En revanche, c’est avec eux qu’il a conquis le plus beau titre de sa carrière : la Coupe Davis 2017. De plus, Chardy s’illustre en double depuis le début de sa carrière, et plus particulièrement en 2019. Avec trois titres décrochés cette année-là (6 sur toute sa carrière), il intègre le top 30 mondial en double. Avec son ami Fabrice Martin, il atteint même la finale de Roland-Garros cette année-là, mais ne parvient pas à décrocher le Graal, battu par la paire allemande Krawietz/Mies.

De quelles armes Jérémy Chardy peut-il alors espérer jouir pour contrecarrer les plans de ses opposants ? En plus de son mental, lié à son expérience, évoqué plus haut, le Palois peut compter sur un coup droit puissant. Acculé par Alex De Minaur dans la première manche de leur récente opposition, Chardy a su relever la tête et utiliser cette arme pour refuser de subir les offensives australiennes et répondre encore plus fort. Son service est aussi une arme redoutable. Si son pourcentage de premières balles passées reste perfectible (65% cette année), il remporte tout de même près des trois quarts de ses jeux de service et sauve 60% des balles de break auxquelles il fait face cette saison. Il doit néanmoins se montrer plus réalistes lorsqu’il est au retour. Cette année, il n’a converti que 38% des 95 balles de break qu’il s’est procuré. Pour surfer sur son encourageant début de saison 2021, Jérémy Chardy a des armes à faire parler, mais la plus grande est sûrement son expérience. A maintenant 34 ans, Chardy est un athlète sage, mature. Face à des adversaires jeunes et ambitieux, il a pour lui ces années passées à écumer le circuit mondial, accrochant ça et là des victoires prestigieuses.
Déjà vainqueur de Federer, Murray ou Medvedev par le passé, Jérémy Chardy a de quoi espérer faire trembler bon nombre de tennismen. Souvent barré en Grand Chelem par les têtes de séries les plus prestigieuses, il peut profiter du circuit ATP de plus en plus disputé et homogène pour briller en 2021. Novak Djokovic a d’ores et déjà annoncé se concentrer sur les Grand Chelem et les tournois les plus prestigieux en cette année particulière. Une fois cet épouvantail écarté, rien n’est impossible pour Chardy.