Victorieux à l’aller (0-2), Manchester City “accueille” Mönchengladbach ce mardi pour valider son ticket en quart de finale à Budapest. Seul au monde en Premier League, encore en lice en dans les coupes et impressionnant en Ligue des champions, City peut-il viser le quadruplé ? Pep Guardiola ne le pense pas même si l’idée fait forcément son chemin en raison de la dynamique actuelle des Skyblues.
Guardiola en difficulté, une équipe
Auteur d’une saison dernière décevante, City s’est parfaitement repris et est en course sur tous les tableaux lors de cet exercice. En effet, la bande à Guardiola va disputer la finale de la Carabao Cup face à Tottenham, les quarts de finale de la FA Cup face à Everton, ce 8e de finale de Ligue des champions et compte 15 points d’avance sur son premier poursuivant en Premier League. Pour y parvenir, les Citizens ont connu une série incroyable de 21 victoires consécutives, stoppée dans le derby par Manchester United. Les protégés de Pep Guardiola se sont parfaitement relancés à la suite de ce revers et viennent consécutivement de dominer Southampton (5-2) et Fulham (0-3).
« La façon dont il regarde le football est différente de celle de beaucoup de gens. Il a sa philosophie, il la suit et ne change pas. Il y a un plan A et un plan A. Il n’y a pas de plan B. Pour beaucoup de gens, c’est difficile à comprendre. Cela peut arriver dans votre esprit [de vouloir jouer différemment], mais vous savez que le plan A fonctionne généralement pour nous. Je pense que tout le monde a vraiment confiance [dans le plan], même si vous allez toujours dire à un moment d’un match que vous voulez ceci ou cela. Ou bien nous devrions faire ça. Mais cela arrive dans tous les clubs. »
Décrit Kévin de Bruyne
Pourtant la situation était loin d’être idyllique il y a encore quelques mois. À l’entame de son cinquième exercice en Premier League, Pep Guardiola connaît sa mission : réduire l’écart entrevu avec les Reds en 2019-2020, et casser ce plafond de verre en Ligue des Champions symbolisé par cette élimination en quart de final contre l’Olympique Lyonnais, lors du Final 8 en aout. Mais à l’entame de décembre, Guardiola et ses protégés pointent à la neuvième place en Championnat, à huit longueurs du leader, Liverpool. L’entraîneur espagnol, dont la formation a affiché quelques limites, a du mal à se réinventer et à innover ses réflexions. La machine offensive autrefois si redoutée a alors inscrit le moins de buts de la première partie du classement.
Une assise défensive renforcée
Régulièrement exposée, notamment en transition, la défense de Manchester City a passé un cap. Les investissements estivaux sur Nathan Aké et surtout l’international Portugais, Ruben Dias ont porté leurs fruits. Preuve de l’impact de la recrue phare, en 2019-20, Man City était la troisième pire équipe d’Angleterre en termes d’erreurs amenant un tir adverse (0,5 par match). En 2020-21, personne n’en commet moins (0,18). Elle concède moins de tirs (6,91 et 0,08 XG par tir hors pénalty), moins d’occasions nettes et moins de buts cette saison. En excluant les penalties, le ratio de buts encaissés en Championnat a même été divisé par deux (atteignant 0,56 XG) ! Défense la plus imperméable de Premier League (59,1% de clean sheet) malgré cinq penalties sifflés en sa défaveur. En Ligue des champions, elle n’a encaissé qu’un seul but.
Cancelo, par utilisation de latéral “axial” renforce également l’assise défensive avec son positionnement plus haut et également essentiel dans la construction du jeu (image 1, 2 et 3). (source : @sofoot)
Pourquoi un tel changement ? Car Guardiola se montre plus préoccupé, au début de l’automne, par la recherche de la stabilité défensive que par la redynamisation de son attaque, amputée par plusieurs blessures (Aguero, Jesus, de Bruyne). Son traditionnel 4-3-3 avec des relayeurs très offensifs a donc laissé place à un double pivot protecteur, qui a même parfois associé Fernandinho et Rodri. Guardiola voulait retrouver le contrôle, la possession sécurisante, quitte à mettre de côté la folie dans un premier temps. Pourquoi son équipe défend mieux ? Parce qu’elle conserve mieux le ballon. En bref, à Manchester City, le ballon circule mieux, les joueurs courent mieux, l’équipe a su se montrer plus patiente. Dans un contexte où le calendrier est bien moins favorable à l’intensité du pressing, la possession a retrouvé une importance majeure (67 % en moyenne). Dans ce sens, selon une étude du CIES, Manchester City est l’équipe qui fait le plus de passes en arrière en Europe. Elle affiche un taux de 41,6% de passes en arrière, soit une moyenne de 293 passes par matchs.
L’empire du milieu : Cancelo – Gündogan
Au niveau offensif, la nouveauté vient du système de jeu et des hommes qui le compose. Le système de construction en “U”, avec le duo Fernandinho-Rodri a montré ses limites. Ainsi, Cancelo est à la manière des latéraux modernes, utilisé dans la création et plus précisément à l’intérieur du jeu quand son équipe a le ballon. Qu’il soit aligné à gauche ou à droite, l’ancien Intériste se recentre pour offrir des solutions nouvelles à la construction (il touche en moyenne plus de 95 ballons par match), perturber l’adversaire et apporter un équilibre quasi-constant à la perte, dans un “3+2” qui lui permet d’épauler Rodri en apportant sa créativité, comme de cacher les défauts de l’Espagnol grâce à sa vélocité. Le Portugais est le deuxième fournisseur de passes clés par match et de passes dans la surface adverse de l’effectif derrière Kevin De Bruyne, tout en affichant le meilleur total de centres réussis parmi les latéraux.
En phase de possession, contre Southampton, City repart avec trois hommes (Laporte, Dias, Walker), laisse Zichenko et Mahrez élargir le bloc adverse et empile les hommes (Gündoğan, Fernandinho, Foden, Bernardo, De Bruyne) dans le cœur du jeu (image 2). La largeur est systématiquement recherché (image 3) dans le circuit de passe. Les milieux axiaux et défenseurs centraux apportent un gros volume de jeu, pour couvrir les espaces à la perte du ballon et en créer à la possession (image 1) (source : Understats et @LucasLaisnard)
Plus de jeu intérieur, moins de U, un retour de l’imagination dans la circulation de balle, du mouvement permanent, une capacité à créer, via des ajustements incessants, un surnombre dans le cœur du jeu pour faire plier n’importe quel adversaire tout en l’étouffant. Il permet surtout à City d’être beaucoup plus tranchant dans le dernier tiers adverse : Par la création d’un surnombre dans la ligne offensive (4 à 5 joueurs : Sterling, Foden, Ferran Torres, Gündoğan, Cancelo, Bernardo Silva, Jesus, Mahrez en fonction de la composition). Grâce à la présence de Cancelo dans l’axe, Gündogan bénéficie d’un positionnement plus avancé et d’une liberté d’action renforcée (image 4 : Carte de ses buts cette saison). L’international Allemand peut désormais contrôler le tempo et presser plus haut, tout en se déplaçant avec réussite dans la surface adverse dans un rôle qui peut rappeler celui que remplissait David Silva : Pour preuve, il est aujourd’hui le meilleur buteur des Citizens avec 12 buts.
Guardiola a toujours affirmé qu’ « en football, il n’y a qu’une bonne manière d’attaquer : c’est d’attaquer l’axe, l’intérieur. Au basket, ils font le pick and roll et si c’est fermé, oui, ils cherchent ensuite l’extérieur. L’idée reste d’attaquer les joueurs d’axe. » Un discours qui trouve une résonnance particulière depuis décembre. À une absence de prises d’initiative individuelles, qui conduisait souvent à un jeu stérile, Pep a su se réinventer pour transformer son Manchester City. A base de décalages, de dialogues intérieurs, de combinaisons entre les lignes, de mouvements, et donc de déstabilisations, il possède maintenant tous les atouts pour redevenir le maitre de l’Angleterre et pourquoi pas de l’Europe.