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San José Sharks : les requins manquent de mordant

Finalistes à l’Ouest lors de la saison 2018/2019 face aux futurs champions les Blues de St. Louis, les californiens ne font plus peur en 2021. Equipe vieillissante ayant laissé partir leurs deux Joe historiques en la personne de Joe Pavelski et Joe Thornton, les Sharks se morfondent depuis deux saisons maintenant dans les tréfonds de l’Ouest et une qualification en Séries semblent totalement utopique. Dernièrement Erik Karlsson a annoncé ne pas vouloir revivre un processus de reconstruction. Direction la Silicon Valley pour faire le diagnostic d’une équipe qui se noie dans ses problèmes.

DOUG WILSON ET LE CAS KARLSSON

« De toute évidence je n’ai pas signé ici pour vivre une reconstruction ou vivre ce que j’ai vécu pendant 10 ans à Ottawa. Je pense que nous devons trouver un moyen de construire un bon groupe de base et d’être compétitifs pour les années à venir. » Erik Karlsson

Si les Sharks ne veulent pas louper les Séries deux ans de suite pour la première fois depuis 24 ans, époque où Patrick Marleau ne jouait pas, il va falloir allier les actes aux paroles. La balle (palet) est dans le camp de Doug Wilson le GM. Ce dernier devrait avoir une discussion bientôt à propos de son avenir avec le propriétaire Hasso Plattner. Avec un groupe de joueurs sous contrat conséquent de longue durée et une saison encore compliquée, le ressort sous le siège de Wilson est prêt à sauter. L’effectif des Sharks est en bonne partie composée de joueurs vieillissants qui ne sont plus au niveau de leurs standards passés. Après avoir fini la dernière saison avec un bilan de 29-36-4, on aurait pu croire à un retour à la normale pour les requins de Californie mais il n’en est rien, Wilson parlant même de « reset » d’où la déclaration de son défenseur star Erik Karlsson.

Doug Wilson et Erik Karlsson sont-ils toujours sur la même longueur d’ondes? – Source: Getty Images

Le défenseur suédois n’est pas à son aise depuis quelques années déjà. C’est sa troisième saison sous le maillot des Sharks et ses performances sont plus que critiquables. On sent un joueur qui ne peut pas s’exprimer à 100 %, est ce un problème tactique, un problème physique ? Les rumeurs tendant à se focaliser sur la deuxième option. Depuis sa blessure au tendon du pied gauche pendant la saison 2017/2018, Karlsson n’a plus la vitesse de patinage qui faisait sa grande force et qui compensait son manque de densité physique. Le problème est qu’avec un contrat de 11,5 millions de $ par saison jusqu’en 2026/2027, Karlsson va devoir trouver un moyen de retrouver un niveau compétitif et de justifier son salaire de « franchise player ». Rendez vous compte, seuls Connor McDavid, Artemi Panarin et Auston Matthews ont un salaire plus conséquent que lui dans toute la ligue. Des joueurs plus vieux ou moins bien rémunérés, produisent plus et rendent la pareille aux attentes placées en eux tels que Sidney Crosby, Patrick Kane, Andreï Vasilevsky, Leon Draisaitl etc…

Erik Karlsson doit élever son niveau de jeu – Source: Getty Images

Son attente envers le groupe et ses coéquipiers de performer dans les années à venir doit passer déjà par ses propres performances car avec seulement 2 buts, 8 aides et 6 petites mises en échec (!) de puis le début de la saison, le job n’est pas fait correctement, surtout pour un défenseur catégorisé offensif. Le groupe entier est frustré des résultats et ce manque de succès pourrait lui donner des envies d’ailleurs afin de pouvoir être dans un effectif prétendant à la Coupe Stanley mais un buy-out est quasi impossible à la vue du montant du contrat en cours. Doug Wilson par cette signature, et les doutes qui régnaient déjà sur l’état de santé du suédois en 2018, s’est tiré une balle dans le pied et bloque tout un probable processus de reconstruction serein au sein de la franchise californienne. Karlsson est pour ainsi dire un joueur intransférable car, en plus de sa clause de non-mouvement, quelle franchise serait assez folle pour accepter une transaction impliquant un défenseur d’un contrat de 11,5 millions par an pour une production sur la glace largement discutable ? Aucune, soyons réaliste. Il est assez évident que si la reconstruction est officiellement annoncée, le suédois ne pourra que constater sa situation et assumer le fait qu’il faudra en passer par là pour retrouver les sommets de l’Association de l’Ouest.

UNE COULEE DANS LES PROFONDEURS DE LA LIGUE

Sur le papier les Sharks de San Jose peuvent paraître comme l’une des meilleures équipes de la ligue mais cela ne se voit pas sur la glace. Comment cette franchise est arrivé à un niveau médiocre en si peu de temps ? Après avoir enregistré un bilan à 46-27-9 (101 points) en 2018/2019, une deuxième puissance offensive de la ligue en terme de buts marqués et une finale d’Association perdue 4-2 face aux Blues, les Sharks ont vu partir leur capitaine Joe Pavelski vers les Stars de Dallas et Joonas Donskoi vers l’Avalanche du Colorado et signé donc Karlsson pour 92 millions de $ sur 8 ans. S’en est suivie une saison catastrophique qui les a vu finir à la 29ème place de la ligue et une fin de saison dès le mois de mars, n’étant pas invités dans la bulle d’Edmonton. Une claque !

Bis repetita cette saison, l’historique mentor Joe Thornton s’en est allé et avec un bilan de 11-14-4, une septième place dans la Division Ouest Honda à 11 points des Blues de St. Louis, quatrièmes, les chiffres sont peu flatteurs. Point positif ils ne joueront plus les Blues cette saison, bilan face à eux de 3-3-2. La rivalité face aux Golden Knights de Vegas tourne quant à elle en faveur des joueurs du Nevada avec un bilan de 0-4-1 et Ryan Reaves, grand ami d’Evander Kane, s’en donne à coeur joie par des déclarations sur les réseaux sociaux. Même problème face à l’Avalanche du Colorado avec un bilan de 1-3-0, cette dernière étant en toute logique supérieure aux californiens. Deuxième point positif malgré tout, et si espoir il y a encore, les Sharks doivent encore jouer six fois les Coyotes de l’Arizona (1-1-0), six fois les Kings de Los Angeles (1-1-0), trois fois les Ducks d’Anaheim (4-0-1) et cinq fois le Wild du Minnesota (1-2-0). Les plus optimistes diront que tout est possible mais ce n’est pas si simple.

Brent Burns se doit de réagir défensivement – Source: Getty Images

Brent Burns, après sa belle saison 2018/2019 marquée par son record de points (83) et un trophée Norris en 2017, a vu ses prestations régresser en parallèle des résultats de l’équipe. Avec un ratio +- de -22 et 45 points (12 buts – 33 aides) la saison dernière, Burns reste cette année sur ce même rythme décevant : ratio +- de -9, le pire de l’équipe et 16 points (5 buts – 11 aides) en 29 matchs sachant qu’il est le joueur passant le plus de temps sur la glace dans toute la ligue. C’est une des pires saisons de sa carrière car il faut remonter à ses jeunes années au Wild du Minnesota pour retrouver ce genre de prestation pour le grand barbu. A 8 millions la saison jusqu’en 2024/2025, année où il aura 40 ans, son contrat fait de lui un joueur difficilement transférable mais dans un effectif compétitif Burns aurait une production toujours satisfaisante, on ne perd pas son hockey du jour au lendemain comme ça, mais il devra (re)mettre les bouchées doubles, défensivement parlant. Marc-Édouard Vlasic n’est pas au mieux également, ses statistiques baissent depuis trois saisons et avec un contrat à 7 millions par an jusqu’en 2025/2026 la même problématique se pose avec lui. Burns et Vlasic ont une clause de non-échange limité et sont en droit de choisir une liste de trois franchises pour une éventuelle transaction. Là aussi, à l’instar de leur comparse suédois, difficile de jeter son dévolu sur ces défenseurs vieillissants à gros contrat.

Marc-Édouard Vlasic – Source: V. Meyer/Bay Area News Group

Tomas Hertl semble avoir toujours des petits soucis physiques qu’il traîne depuis la dernière saison et sa rentabilité n’est pas au niveau escompté, de même que le capitaine Logan Couture. On sent comme un manque de cohésion au sein de l’effectif, un manque d’identité dans le jeu et cela revient à l’entraîneur Bob Boughner d’y remédier. Propulsé à la tête de l’équipe après le congédiement de Peter DeBoer en cours de saison dernière, l’entraîneur n’a pas réussi à faire en sorte de redresser la barre, trouver une solution à cette irrégularité de résultats et n’est pas épargné par les controverses hors-glace qui peuvent semer le trouble au sein du vestiaire. Malgré une attaque poussive, et en parlant de faits divers, Evander Kane réalise son meilleur départ en carrière cette année. Avec 12 buts et 14 aides en 28 matchs, il mène l’équipe au pointage et se trouve deuxième en nombre de mises en échec.

« Si vous me demandez comment va l’équipe, je vous dirais que nous jouons très bien. Je pense que nous avons passé un niveau dans notre jeu, nous allons dans la bonne direction. » Bob Boughner

LA MISE EN PLACE DU « RESET »

Doug Wilson a la volonté de prendre la tangente de la reconstruction. Pour se faire, les rumeurs circulent sur la possibilité de ne pas protéger Brent Burns lors du repêchage d’expansion du Kraken de Seattle et ces derniers auraient tort de ne pas en profiter, avoir un vétéran de ce calibre dans le vestiaire du Kraken ne pourrait être que bénéfique pour les trois entités : un soulagement financier du côté des Sharks, un moyen de se relancer sportivement pour Brent Burns et l’expérience d’un défenseur élite pour Seattle.

Logan Couture et Evander Kane ont tous les deux une clause de non-transfert et sont appelés à rester au sein de la franchise, par contre des joueurs comme Kevin Labanc, Timo Meier, Tomas Hertl peuvent être de bons assets afin de trouver un retour de joueurs intéressant. Devan Dubnyk n’a signé que pour un an et ne donne pas entière satisfaction malgré le niveau plus que décevant de Martin Jones depuis (trop) longtemps. Un buy-out pour Jones est fort probable à la fin de la saison. Ce problème de gardien n’est pas nouveau au sein des Sharks et depuis le départ de Antti Niemi en 2015 et la défaillance de Jones depuis 2018, ce poste est au centre du mécontentement des partisans. Beaucoup reproche à Wilson d’avoir trop mis d’argent sur le contrat de Karlsson à défaut de recruter un gardien élite, et on peut les comprendre. Beaucoup de gardiens seront joueurs autonomes cet été et Wilson devra sauter sur l’occasion de régler ce point faible qui dure depuis trop longtemps. Dans le viseur du DG : Petr Mrazek, Jaroslav Halak, James Reimer voir Pekka Rinne mais sur court terme pour ce dernier. Le jeune gardien Alexei Melchinuk quant à lui doit encore s’agguérir en AHL.

Martin Jones ne performe plus depuis trois saisons – Source: Ebene Magasine

Les Sharks ont 10 joueurs sous contrat pour la saison prochaine : Erik Karlsson, Brent Burns, Marc-Edouard Vlasic, Evander Kane, Logan Couture, Timo Meier, Kevin Labanc, Tomas Hertl, Radim Simek et Martin Jones. Leurs salaires combinés représentent 65,85 millions de $ soit presque 81 % de la limite du cap salarial. Avec juste 19 % de marge salariale Wilson a un vrai casse-tête devant lui. Le recrutement d’un centre vétéran doit être en haut de la liste de Wilson et, comme pour les gardiens, dans le viseur du DG : Eric Staal, Carl Soderberg, Erik Haula et Casey Cizikas. Des joueurs sont toujours sous contrat recrue et peuvent devenir performants tels que Mario Ferraro, Nikolaï Knyzhov ou John Leonard, et c’est peut-être là la solution, donner plus de temps de jeu à ses jeunes. Ryan Donato et Rudolfs Balcers n’ont que 24 et 23 ans et produisent un peu cette saison, leur évolution est à surveiller et puis, si la reconstruction est officiellement annoncée cet été, donner du temps de jeu à Ryan Merkley, Sasha Chmelevski, Brinson Pasichnuk ou bien Ivan Chekhovich ne pourra pas leur faire de mal.

Si vous êtes fan de jeu de management d’équipe sur console ou ordinateur, les San Jose Sharks sont faits pour vous ! Des joueurs vieillissants à contrat pharaonique, des lacunes sur toutes les lignes, des jeunes à développer mais une ossature plus qu’intéressante vont vous provoquer des nœuds au cerveau. Si les requins de Californie veulent revenir au sommet de la ligue et retrouver ses ambitions il va falloir régler certains problèmes et vite car le train de la Ligue n’attend pas. Un gardien, un centre, du temps de jeu pour les jeunes et un échange judicieux contre un de ses défenseurs stars seraient un bon début. Doug Wilson et Bob Boughner ont du pain sur la planche, s’ils sont toujours les hommes de la situation.

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