Trois ans après une confrontation qui avait vu le champion Stipe Miocic surclasser un Francis Ngannou encore trop tendre, les deux combattants se retrouvent, samedi soir, pour en découdre en main event de l’UFC 260, le titre des Lourds à nouveau dans la balance. Opposition dont on avoue ne pas trop savoir quoi attendre tant, vu les forces en présence, elle pourrait basculer d’un côté comme de l’autre.
En toute discipline (mais en MMA et en boxe peut-être plus encore qu’ailleurs) la possibilité d’une revanche offre un goût particulier. Pour le combattant défait, bien sûr, qui voit là une occasion de racheter sa défaite et équilibrer les compteurs. Pour l’Histoire du Sport, qui s’enorgueillit de nombre grands duels étalés sur plusieurs chapitres (les récents Wilder vs Fury en étant une preuve supplémentaire). Pour les spectateurs/fans/analystes pour qui chaque match retour devient passionnante équation qu’il est parfois impossible de résoudre.
Puisqu’en effet, ce sont les mêmes interrogations qui reviennent à chaque fois sur le tapis. Comment ce rematch va-t-il tourner ? Sera-t-il simple copié-collé du précédent ou proposera-t-il tournure totalement inédite ? Le perdant aura-t-il su effectuer les réglages à même d’inverser le cours des choses ? Le vainqueur choisira-t-il de rester sur le game plan qui lui a souri la première fois et/ou saura-t-il proposer autre chose en cas d’ajustement de son adversaire ? Pourra-t-il ou non compter sur un éventuel ascendant moral du fait de sa victoire initiale ? Et on en passe…
Ce Miocic vs Ngannou 2 se présente presque comme cas d’école en la matière. Tant, malgré le résultat du premier combat, émettre le moindre pronostic de manière assurée s’avérerait des plus hasardeux. La faute (si on peut dire) aux deux belligérants qui, depuis leur rencontre de janvier 2018, ont tour à tour soufflé le chaud et le froid à travers des performances contrastées.
Après sa déroute de l’event 220, Ngannou a ainsi enchaîné piètre prestation face à Derrick Lewis (fight qualifié par Joe Rogan de « pire combat de Lourds jamais disputé à l’UFC ») puis quatre fulgurants k.o. express infligés à Curtis Blaydes, Cain Velasquez, Junior Dos Santos et Jairzinho Rozenstruik. Expressions de pure brutalité qui, aussi impressionnantes soient-elles, n’ont paradoxalement pas montré grand-chose d’une quelconque évolution. Puisque si ce fut l’occasion de constater que sa force de frappe nucléaire restait toujours aussi dévastatrice, on n’a, par contre, perçu aucun indice d’une éventuelle amélioration de sa défense de takedowns, de son cardio ou de son jeu au sol. Le camerounais s’étant montré, paradoxalement, presque trop efficace pour son propre bien – là où combats plus longs ou plus disputés auraient pu lui permettre de travailler (en condition réelle) certains de ses points faibles. Laissant le fan dans l’expectative concernant une hausse de son niveau en des domaines dans lesquelles ses lacunes, lors de la punition subie devant Miocic, étaient brutalement apparues au grand jour.
Du côté du champion en titre, c’est plus simple dans la mesure où il n’a, depuis ce fameux event 220, combattu que Daniel Cormier (encore une histoire de revanche). Trois oppositions qui l’ont vu perdre son titre de manière dramatique, le récupérer avec flamboyance puis le conserver tout en pragmatisme. Cette dernière apparition étant, d’ailleurs, peut-être la plus convaincante, tant l’américain d’origine croate impressionna par sa façon de s’imposer devant un DC à qui on ne la fait pourtant pas. Autoritaire, solide, concentré, dirty juste ce qu’il faut, sans jamais laisser possibilité à son adversaire de s’exprimer. Énième combat qui n’a fait que confirmer combien il est combattant MMA plus complet que Ngannou. Se montrant striker plus technique, lutteur ô combien plus aguerri, plus expérimenté au sol, plus endurant, meilleur en quasi tout domaine – punch excepté, bien sûr.
Le concernant, on peut se poser des questions sur d’autres niveaux, sachant qu’il a désormais trente-huit ans et ne rajeunit pas. Étant permis de se demander à quel point les guerres successives livrées depuis ces dernières années n’ont pas commencé à l’entamer. Si l’usure (aussi bien physique que mentale) du haut niveau ne l’affecte pas. Pendant combien de temps son menton (déjà maintes fois fort éprouvé) sera encore capable d’encaisser les charges de mammouth qui représentent le quotidien d’un Heavyweight à l’UFC. Lui assure se sentir dans la forme de sa vie et on s’inquiète peut-être pour rien. Mais il ne serait pas le premier à brusquement perdre son aura, sans que rien, ou presque, l’ait laissé présager (Tyron Woodley, présent sur la carte, pourrait en témoigner).
Au niveau des prévisions on s’avouera donc bien incapable d’émettre le moindre pronostic péremptoire, devant reconnaître que presque TOUT est susceptible de se produire. Se retrouvant, tel un profiler de série télé, à presque faire de la prescience sur ce qu’on sait ou croit savoir des forces en présence. Tout juste peut-on imaginer que Francis se montrera un peu plus prudent que lors du premier combat (durant lequel il avait cramé son cardio en moins d’un round) et qu’il ne se jettera pas de manière aussi inconsidérée qu’il l’a fait lors de son combat contre Rozenstruik, sans garde ou presque.
Pour le reste, on en est réduit aux spéculations. Si Miocic parvient à éviter la furie adverse (notamment en début de combat) et se montrer aussi fin tacticien qu’il y a trois ans, il paraît en mesure d’à nouveau faire déjouer et maîtriser son challenger pendant cinq reprises. N’imaginant guère ce dernier avoir réussi à améliorer son sol de façon à pouvoir rivaliser avec lui dans le domaine – et pouvant tout juste espérer qu’il ne s’y fera pas aussi facilement balader que lors de leur précédente rencontre.
Après entre en jeu l’irrationnel, ce qu’on ne peut quantifier, le fameux Facteur X. En l’occurrence, cette force de frappe de Francis digne d’un super-héros qui, en tout moment (et à l’instar de celles de Derrick Lewis, Jairzinho Rozenstruik ou Deontay Wilder), peut renverser les situations les plus compromises. Magie de cette catégories des Lourds au sein de laquelle, plus encore qu’ailleurs, rien n’est jamais écrit et tout peut basculer en une seconde d’inattention. On sait Stipe capable d’y échapper, serait-ce pendant vingt-cinq minutes. On sait également que Ngannou n’a, lui, besoin que d’UNE ouverture pour déclencher la foudre. Comme un constant danger qui planera sur les hostilités, sourde et létale menace qui jamais ne se dissipe vraiment. On en est déjà tendus.
La seule chose dont on peut être sûr est que les deux auront d’autant plus envie de l’emporter qu’on sait que, sauf surprise de dernière minute, est promis au vainqueur rien moins que Jon Jones – qui effectuera pour l’occasion de tonitruants débuts dans sa nouvelle catégorie. Gageant que chacun tient à lui réserver l’accueil qu’il mérite – ainsi que, bien entendu, palper les dollars qui vont avec. Au cas, fort improbable, où ils aient besoin d’un rab de motivation…