Souvent citée comme l’une des drafts les plus importantes du XXIe siècle, la classe de 2011 souffle ses dix premières bougies cette année. Et alors qu’une grande partie de ses vedettes a changé d’équipe au cours de la Free Agency 2021, à l’image de JJ Watt, AJ Green ou encore Andy Dalton, il est grand temps de jeter un coup d’œil dans le rétro pour comprendre à quel point certains choix ont modelé une décennie entière de NFL.
Après des jours et des nuits de tempête incessante au milieu d’un long voyage à travers l’océan, l’équipage d’un bateau abimé par la violence inédite des vagues s’accorde une petite partie de pêche sous un rare rayon de soleil. Les marins le savent, dans quelques jours la tempête reprendrait de plus belle et les empêcheraient de se concentrer sur quoi que ce soit d’autre que leur survie. Leurs prises ? Elles ne changeront certainement pas leur vie et seront même peut-être emportées par les vents. Mais là, le temps de quelques heures, rien n’a plus d’importance que ce semblant de normalité.
En avril 2011, c’est exactement dans la même situation que se réunissent les General managers de la NFL dans le Radio City Music-Hall de New York. Depuis un mois déjà, la ligue entière est immobilisée, prise en étau par un lock-out initié par les propriétaires suite à un échec dans leurs négociations avec le syndicat des joueurs. Les milliardaires demandent plus de revenus, une saison de 18 rencontres et une échelle de salaire limitée pour les rookies, la NFLPA veut imposer de nouvelles conditions d’entrainement, de meilleurs bénéfices pour les joueurs retraités et une plus grosse part du gâteau. Résultat ? Un CBA explosé, des menaces de grève pour la saison 2011 et une ligue mise complètement à l’arrêt. Dans les instances NFL comme dans les franchises, plus rien ne peut avoir lieu.

Plus rien ? Pas exactement. Selon la constitution de la ligue, même avec des entrainements, des salaires et une Free Agency gelée, la draft prévue pour le 28 avril devrait bel et bien se tenir. Une petite partie de pêche entre gentlemen au milieu d’une gigantesque tempête.
En dépit des 31 futurs Pro-Bowler qu’elle produira par la suite, la cuvée 2011 n’est pas particulièrement vue comme une classe importante à l’époque. Pour les analystes, la dizaine de talents qui trône en haut des big board contraste avec la pauvre profondeur qu’offre les postes de receveurs, Running back, Defensive back ou Linebackers. Seuls les Linemen défensifs sont vus comme une véritable force.
Le jour J, comme chaque année, les différentes équipes commencent ainsi la soirée avec d’innombrables interrogations. Qui seront les véritables stars de cette draft ? Quelle équipe se trompera le plus lourdement ? Qui trouvera la perle rare ? Quels choix dicteront le plus le futur de la grande ligue ?
Dix ans plus tard, il est grand temps de répondre à ces questions de manière définitive.
Les tops prospects qui ont confirmé les attentes :
Cam Newton (1st pick overall) :
« Tous les outils physiques, un talent immense évident, mais est-ce qu’il a “le truc” ? ». Pour Cam Newton, il n’aura pas fallu attendre la NFL pour voir ses capacités être remises en cause par des interrogations intangibles et souvent injustifiées. À l’époque, le passeur d’Auburn est vainqueur du Hesiman Winner en titre, champion national et doté d’un talent fou pour le poste de Quarterback. À 22 ans seulement, il a la silhouette parfaite pour le rôle, peut déjà compléter tous les lancers qu’on lui demande et possède une force de bras bien au-dessus de la moyenne. Et pourtant, il aura fallu attendre le tout dernier moment pour voir le choix de Carolina être scellé par Roger Goodell, la faute à une certaine gêne de voir un passeur noir être sélectionné 1 st overall.
N’en déplaise à ses détracteurs, Newton a largement su faire honneur à son statut de premier choix de draft. Derrière ses performances, la franchise de Carolina a connu un véritable renouveau avec trois titres de division consécutifs entre 2013 et 2015, dont une apparition au Super Bowl 50. Individuellement, l’ancien chef d’orchestre d’Auburn n’a pas à rougir non plus. Après une première saison exceptionnelle récompensée du titre de rookie de l’année, il a su imposer son style si atypique au point de devenir le MVP de la ligue en 2015 (35TD, 10 Rush TD pour seulement 10 INT). Touché par les blessures en deuxième partie de carrière, il a évolué à un niveau bien plus élevé que la plupart de ses collègues 1 st overall depuis le début du siècle.

Von Miller (2nd pick overall) :
Pendant le processus prédraft, le nouveau GM de Denver John Elway aurait affirmé qu’il ne saurait pas quoi faire du jeune Von Miller en situation de 1 st et 2d Down tant le DE de Texas A & M était vu comme un spécialiste du Pass-Rush. Heureusement pour les fans des Broncos, les scouts présents aux côtés d’Elway le soir du 28 avril auront su le convaincre au dernier moment.
En effet, depuis sa sélection en 2011, Miller n’a cessé d’être l’un des tout meilleurs joueurs sur les terrains NFL. Particulièrement efficace pour ce qui est de terroriser les passeurs adverses (il cumule déjà 106 sacks en 9 saisons), il s’est rapidement imposé comme un OLB complet dans le Front Seven orange et aura largement participé aux plus belles heures de sa franchise avec une performance historique lors du Super Bowl 50. MVP du grand match, il sera à jamais lié à son voisin de draft Cam Newton pour lui avoir arraché le ballon par deux fois dans le plus grand des moments.
Tyron Smith (9th overall):
À Dallas, la renaissance de la ligne offensive des Cowboys a commencé avec leur premier choix de 2011. Largement considéré comme le meilleur Tackle de sa cuvée avec un physique monstrueux (1m96 pour 145 kg) et des pieds de velours, Tyron Smith sera en effet la pierre angulaire de l’armée de garde du corps qui verra le jour dans le Texas. À l’époque, la seule question qui entourait l’ancien RT de USC était de savoir s’il pouvait également jouer à gauche. Dix ans, sept Pro-Bowl et quatre sélections comme All-Pro plus tard, la réponse sera sans équivoque.
Patrick Peterson (5th overall):
On le sait bien, les Cornerbacks ne sont jamais envisagés avec le premier choix total. Il n’empêche que, dans un bon nombre des Big Board d’avant draft, Patrick Peterson était considéré comme le meilleur prospect sortant du circuit universitaire. Avec ses aptitudes physiques excellentes et sa technique hors pair, certains scouts n’hésitaient pas à la qualifier de « meilleur CB à sortir de NCAA depuis de longues années.
Chez les pros, P2 n’aura aucun mal à confirmer ce statut : All-Pro dès sa première saison, il enchainera sur huit saisons consécutives en tant que Pro-Bowler et sera la tête d’affiche défensive des Cardinals pendant l’intégralité de la décennie.
AJ Green (4 th) & Julio Jones (6 th):
Depuis l’horrible draft 2017, la sélection de WR dans le top 9 de la draft fait grincer les dents de beaucoup de monde. Pourtant, seulement 6 ans plus tôt, AJ Green et Julio Jones montraient à quel point les cibles extérieures pouvaient être des game-changers dans des équipes en reconstruction.
Sélectionné en premier le 28 avril, AJ Green sortait de Georgia avec un profile quasiment parfait pour le poste Wide-Out : mains sûres, grande taille, vitesse, agilité, tout était fait pour séduire les équipes en manque de playmaker. Et qu’importe si les Bengals étaient sur le point de perdre Carson Palmer, leur leader offensif de longue date, pour Mike Brown, aucun autre QB ne valait le coup face à Green. Dix ans plus tard, on peut reconnaitre que ce fut l’un des rares bons choix sortis du front office tigré.
De son côté, Julio Jones aura été plus chanceux que jamais. Annoncé chez des Browns encore maudits au sixième choix, il atterrira finalement à Atlanta en compagnie d’un jeune Matt Ryan suite à l’échange le plus important de l’histoire impliquant un receveur (Deux 1 st round pick, un 2d et deux 4 th). Aujourd’hui, il est difficile de trouver cinq meilleurs duos QB-WR dans l’histoire tant les deux hommes se sont parfaitement accommodés l’un à l’autre. Dans quelques années, Jones lui-même pourra en parler mieux que personne pendant son inévitable discours d’intronisation au Hall of Fame.

Les bons coups du premier tour :
JJ Watt (11th):
Des huées de la part de ses propres nouveaux supporters et une surprise énorme chez les analystes, la carrière de JJ Watt en NFL n’aura pas commencé par les souvenirs les plus heureux.
Aujourd’hui, après dix saisons passées au plus haut des niveaux, l’ancien Badger pourrait bien être le meilleur joueur de toute la cuvée. L’un des trois seuls joueurs de l’histoire à avopir remporté trois titres de Defensive Player of the Year, JJ Watt aura sans doute été la meilleure prise du premier tour 2011.
Cameron Jordan (24th) :
S’il y a bien une chose sur lesquels les analystes ne s’étaient pas trompés, c’est bien sûr la profondeur de la cuvée en termes de Linemen défensifs. Avec le 24e choix général, les Saints trouvent la pierre angulaire de leur défense, qui finira sa décennie dans la All-Decade Team des années 2010.
Cameron Hayward (31th) :
Sept choix plus tard, c’est au tour des Steelers de trouver leur bonheur en fin de première soirée. Avec trois sélections comme All-Pro et quatre voyages au Pro-Bowl, on peut dire que l’ancien joueur d’Ohio State a performé bien au-delà des espérances.
Les bust :
Les Quarterbacks :
Il y a dix ans, plus que les futurs Hall of Famer qui arrivaient par paquet de dix, c’est la poste de Quarterback qui a retenu toute l’attention de la soirée du 28 avril. Si Cam Newton était vu comme le meilleur passeur de la cuvée, Blaine Gabbert, tête d’affiche de Missouri, n’était pas très loin dans la discussion. Considéré comme un QB à la mécanique de lancer parfaite et la taille idéale pour la position, beaucoup voyaient en lui un futur franchise Player qui allait changer la destiner de l’équipe qui oserait le prendre.
Raté. Après avoir vu sa côte descendre en flèche le jour J, il faudra finalement que les Jaguars reviennent dans le top via un trade pour que son nom soit prononcé par le commissaire Goodell. Mauvaise itinéraire ou simplement mauvaise évaluation de la part des scouts, Gabbert sera éjecté de sa place de titulaire dès sa deuxième année et ne la retrouvera jamais. 50 touchdowns lancés en 10 ans, dont la grande majorité en tant que remplaçant, ça la fout mal.
Mais que Gabbert se rassure, il est loin d’être le seul à avoir déçu après sa sélection au premier tour. Jake Locker (pris en 8e par les Titans) et Christian Ponder (en 12e par Minnesota) ne confirmeront jamais les attentes non plus. Au final, si le premier tour 2011 est marquant à bien des égards, c’est aussi par sa faiblesse au poste roi qu’il se démarque autant des autres années.
Le deuxième tier de DT
Nick Fairley, Phil Taylor, Jarvis Jenkins, Marvin Austin, Stephen Paea, autant de noms complètement oubliés aujourd’hui, mais qui étaient considérés à l’époque comme le noyau dur de la draft 2011. Tous choisis dans le top 60 de leur classe, ils nous serviront toujours à nous souvenir que, qu’importe la force de chaque draft, se tromper dans le choix de prospect est toujours à la portée des équipes un peu trop sûres d’elles.
Les pépites du jour 2 :
Andy Dalton (35th) :
Au premier tour, lorsque les Bengals avaient choisi de ne pas prendre de Quarterback malgré un trou certain dans leur effectif et la présence de Blaine Gabbert dans la green-room, la décision avait pris de court toute l’assemblée. Dix ans plus tard, non seulement Andy Dalton s’est révélé bien meilleur que Gabbert, mais en plus il aura contribué à certaines des meilleures années du XXIe siècle de Cincinnati avec trois Pro-Bowl en neuf saisons et deux titres de division.

Justin Houston (70th) :
Véritable pilier de la reconstruction de Kansas City au début des années 2010, Justin Houston aura attendu le 70e choix de la draft pour connaitre sa destination. Toujours solide à son poste aujourd’hui, ses 22 sacks de 2014 auront été l’une des performances les plus impressionnantes de la décennie passée.
Jurrell Casey (77th):
On parlait plus tôt du long passage à vide pour ce qui est de la sélection des Defensive Tackle dans la draft 2011. Quand on sait que Jurrell Casey, ancre emblématique de la défense Titans pendant les années 2010, a été choisi à la 77e position, on ne peut pas s’empêcher de penser que les scouts de l’époque avaient tout simplement oublié de commander ses tapes.
Les pépites du jour 3 :
Richard Sherman (154th) & KJ Wright (99th) :
Le premier est considéré comme l’un des meilleurs Cornerback de sa génération et le second est l’un des piliers de l’effectif des Seahawks depuis dix longues saisons. Ensemble, Sherman et Wright ont contribué à faire de la défense de Seattle un exemple historique d’efficacité malgré leurs sélections plus que tardives dans la draft. Des coups comme ça, c’est ce dont rêve chaque général manager avant de se coucher le soir.
Tyrod Taylor (180th) :
Peut-être que Tyrod Taylor n’est pas un Quarterback élite en NFL depuis sa sélection lors de la draft 2011. Mais pour un joueur sélectionné en 180e position, ses exploits sous le maillot des Bills lui valent bien une place d’honneur dans cette catégorie. Souvent relégué à un poste de remplaçant, il aura su s’imposer comme un backup de luxe et un mentor remarquable pendant la deuxième partie de sa carrière.
Jason Kelce (191th):
Trouver son Centre titulaire à la 191e position n’est pas donné à tout le monde. Mais alors quand ce dernier évolue à un niveau All-Pro pendant près d’une décennie et qu’il est capable de produire des discours aussi emblématiques que celui-ci, on a carrément touché le jackpot.
Bilan de la draft : 31 Pro Bowler, 15 All-Pro, un MVP, un MVP du Super Bowl et un triple couronné du titre de Defensive Player of the Year. Pas mal pour cuvée qui est arrivée en NFL au beau milieu d’une tempête sociale sans précédent au XXIe siècle. Mais comme pour toutes les classes, l’édition 2011 compte aussi son lot de ratés. Alors que la sélection des futures vedettes de la décennie 2020 arrive à grands pas, il est toujours bon de se rappeler que la draft est un exercice où le facteur aléatoire reste le plus important et où les destinations des prospects sont presque aussi décisives que leur talent.