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The Suga Show must go on

Si le retour à la compétition du prodige Sean O’Malley s’est soldé par une victoire avec la manière (en l’occurrence un k.o. au troisième round sur Thomas Almeida), son attitude – dans comme en dehors de la cage – peut laisser planer quelques doutes concernant sa capacité à tutoyer le très haut niveau et, ainsi, confirmer les espoirs placés en lui.

Puisque si les superlatifs à même de le désigner (le joyau brut, Kid Knockout, le nouveau McGregor et on passe) n’ont, certes, guère manqué depuis son arrivée à l’UFC, c’est que tous les observateurs aguerris se sont appliqués à faire de lui l’un des candidats les plus sérieux à la ceinture de cette, pourtant si fournie, catégorie des 135 lbs. Nous, comme les autres, ayant très tôt grimpé dans le train de sa hype. En cause : un talent pur et un style spectaculaire qui, alliés à un look atypique et une personnalité extravertie, en font un combattant aussi excitant à voir évoluer dans l’octogone qu’à suivre sur les réseaux sociaux.

Pas un hasard s’il est si bon client de l’organisation. Dana White, qui se trompe rarement en la matière, y voyant produit facilement marketable. Raison, notamment, pour laquelle il se retrouve si souvent a l’affiche des main cards d’event numérotés, alors qu’il n’est même pas encore classé dans le top 15 de sa division. Même sa suspension de deux ans (pour prise de produits interdits) n’ayant en rien entaché son image, tant la flamboyance de son retour montra qu’il n’avait rien perdu de sa superbe. Voire avait affiché progrès à même d’en faire un fort crédible prochain contender.

Le souci, c’est qu’il a, suite à sa victoire sur Eddie Wineland (au cours de l’UFC 250), semblé, aussi lentement que sûrement, commencer à croire à son personnage et aux fadaises qu’il racontait à longueur d’interviews. Comme si l’arrogance juvénile dont il faisait preuve à ses débuts se muait en désagréable suffisance. Qui, non contente de par instants lui faire frôler l’antipathie, se mit surtout à lui poser problème lors de ses approches de combat.

Témoin en est sa première défaite (par tko), face au dur au mal équatorien Marlon “Chito” Vera, qui sembla un peu plus lui faire perdre le sens des réalités. O’Malley refusant purement et simplement de reconnaître la victoire de son adversaire. Jusqu’à soutenir, en un déroutant mélange de troll assumé et de curieux déni, qu’il arborait palmarès toujours immaculé. Se sentant invaincu dans la mesure où sa défaite était due à une blessure et non pas une domination de l’adversaire…

Une curieuse logique qui rappelle un peu celle de Nate Diaz. Lequel, rappelons-le, s’estime non seulement lui aussi invaincu (en dépit de ses onze défaites), sous prétexte qu’il n’a jamais concédé le moindre ko. Mais se proclame également, entre autres, vainqueur de Dustin Poirier (car que ce dernier, blessé, avait du décliner leur combat annoncé pour l’UFC 230) et même Khabib Nurmagomedov – à cause d’une gifle censément mise au daghestanais, lors d’une bagarre générale entre leurs teams respectives (du pur Nate dans le texte, en somme).

Le tout ne serait après tout que navrant folklore si les résultats suivaient dans la cage. Or, il semble que son attitude commence à déborder dans celle-ci. Certains des errements qu’on avait cru percevoir avant puis après le combat contre Vera se voyant aujourd’hui confirmés.

On en veut pour preuve sa prestation contrastée de samedi, face à l’ancien prospect Thomas Almeida. Dans la mesure où on a, d’un côté, eu droit à une domination du Suga Show qui frisa par endroits la masterclass, tant il fut impressionnant de maîtrise. Kicks envoyés non-stop de tous les angles, vitesse stupéfiante, sécheresse de frappe, footwork aussi atypique qu’efficace : il a marché sur un Almeida valeureux mais clairement dépassé. Et qui, dès la moitié du round 1, s’appliqua à survivre plus qu’autre chose. Jusqu’à subir un knockdown (consécutif à un parfait crochet gauche de Sean) qui le laissa un bref instant hébété contre le grillage. On pensa que O’Malley allait se précipiter pour le finir. Sauf qu’il se détourna de l’action pour entamer ce qu’il pensait être un parfait walk-off, sans avoir compris que l’affrontement n’était en rien terminé . Et que, pour sonné qu’il était, le brésilien, loin d’avoir rendu les armes, sut bénéficier de cet inespéré sursis – survivant, de fait, jusqu’à la troisième et dernière reprise (et non sans avoir, dans l’intervalle, plusieurs fois reussi à connecter l’américain).

Au-delà de l’anecdote qui peut faire sourire, il est permis d’y voir l’un des écueils qui, depuis quelque temps, entache les prestations du natif du Montana. Comme si ce dernier pensait plus à faire le show qu’à combattre, plus préoccupé de l’image qu’il renvoie que de la performance qu’il est en train d’effectuer. Se rappelant bien d’effectuer son walk-off mais oubliant malencontreusement d’y adjoindre le k.o. qui va avec. Jusqu’à un peu faire n’importe quoi, perdre sa concentration et se retrouver brièvement désemparé lorsque l’adversaire (Almeida ce week-end comme Vera avant lui), non seulement refuse de tomber mais se met, en plus, à sérieusement répliquer.

La victoire fut belle, le final brutal. Mais on ne peut, néanmoins, s’empêcher de rester sur un sentiment mitigé. Ne pouvant que se demander ce qui aurait pu arriver face à quelqu’un d’un calibre plus relevé que celui de Almeida – qui, hélas pour lui (et sans lui faire injure), n’est désormais que l’ombre du féroce combattant qu’il était il y a quelques années. Et à quel point les priorités de O’Malley sont les bonnes. Ses déclarations post-fight (au cours desquelles il a confirmé rechercher le walk-off knockout parce que “c’est cool”) ne plaidant guère en sa faveur. Pouvant douter que ce genre d’attitude soit compatible avec le très haut niveau qu’il avoue ouvertement viser – surtout quand on connait les pointures qui rôdent au sein de sa catégorie.

La balle est désormais dans son camp. Il a tout (talent, physique, personnalité) pour grimper les échelons et effectuer la plus belle des carrières. Mais il ne tient qu’à lui de ne pas se tromper de combat et désormais faire le choix adéquat de l’être avant le paraître. Afin de simplement savoir s’il s’assumera bien en tant que fils prodigue par tout le monde annoncé ou se contentera du rôle d’énième espoir déçu. Sachant qu’à l’UFC peut-être plus encore qu’ailleurs, il y a tant d’appelés pour si peu d’élus...

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