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2011 et le chef-d’œuvre de Philippe Gilbert

Philippe Gilbert est l’un des rares cyclistes en activité appartenant à la race des seigneurs. Homme marquant de sa patte les courses d’un jour depuis la fin des années 2000, il a au fil du temps construit sa légende par ses raids solitaires, ses coups de forces et son incroyable punch qui a détruit bon nombre de ses adversaires. Une carrière faite de constance au plus haut niveau qu’il mène toujours aujourd’hui pour notre plus grand plaisir. Une année particulière reste néanmoins dans l’esprit des suiveurs de la planète cyclisme. L’an 2011, où s’est réveillé l’ouragan Gilbert qui a tout, ou presque, emporté sur son passage.

Un coureur qui monte en puissance

A l’aube de la saison 2011, le Belge Philippe Gilbert est dans la force de l’âge, allant sur ses 29 ans. Après des débuts en 2003 chez les professionnels de La Française des jeux, Phil court depuis deux saisons pour l’équipe Omega Pharma-Lotto (ex : Silence-Lotto). S’il s’est déjà fait remarquer au sein de la formation de Marc Madiot en montant sur la boîte de la Primavera 2008, son arrivée dans la formation Belge correspond au passage d’un cap. Philippe Gilbert a commencé a trusté les podiums de grandes classiques comme Gand Wevelgem, Tour des Flandres ou encore Liège-Bastogne-Liège tout en triomphant sur l’Amstel Gold Race et par deux fois sur le Tour de Lombardie, premier monument tombé dans son escarcelle. Ces résultats font de lui un fer de lance du plat pays pour les courses d’un jour en compagnie de Stijn Devolder et Tom Boonen.

De plus, Phil a connu ses premiers succès d’étapes sur les grands tours en triomphant sur le Giro et la Vuelta. On retrouve donc pour cette saison 2011 un Gilbert à l’appétit grandissant après avoir côtoyé les podiums des plus grandes courses du monde. 

Strade Bianche : à l’attaque de la Toscane !

Après avoir repris sa saison sur des routes ibériques et l’Omloop Het Nieuwsblad, Philippe Gilbert débarque pour le premier grand rendez vous de sa saison, les Strade Bianche. Cette jeune classique apparue quatre années plus tôt est vite devenue un incontournable du calendrier par son profil unique et ses nombreux chemins de graviers et de terres blanches. Une épreuve spectaculaire qui a tout pour correspondre au profil du Belge.

Très vite esseulé dans les 60 derniers kilomètres, Phil court de manière inhabituelle en restant au chaud dans le groupe de favoris. Patient et faisant preuve d’un grand sens tactique, il profite des derniers instants et de la côte finale dans les rues de Sienne pour s’imposer devant les italiens Ballan et Cunego. Sur les chemins de graviers, le sanglier des Ardennes pose la première pierre à l’édifice de son incroyable saison.

Gilbert triomphe en Toscane et devient le premier Belge à remporter Strade Bianche. (Photo : Official Strade Bianche Website)

Milan-San Remo : toujours trop juste

Après ses succès le Tour de Lombardie et les Strade Bianche, Gilbert s’attaque à une autre course italienne qu’il convoite tant : Milan-San Remo. Après lui avoir fait les yeux doux en 2008, le succès sur la Primavera semble possible. Le Belge est en forme, en témoigne sa victoire d’étape sur une autre course italienne… Tirreno-Adriatico. Mais Milan-San Remo est une course extrêmement difficile à aborder. La Classicissima se joue sur des détails et le nombre de sprinteurs/puncheurs capables de la gagner se compte en une dizaine.

Gilbert tente le coup de force dans le Poggio. (Photo : Sirotti).

Dans le Poggio, Phil attaque mais est vite suivi par de nombreux coureurs. Faisant beaucoup d’efforts pour distancer ses compagnons (certains plus rapides que lui au sprint) dans les rues de Sanremo, le Belge ne peut faire mieux qu’une troisième place, terminant derrière Matthew Goss et Fabian Cancellara.

Des flandriennes mitigées

Direction le nord pour Philippe Gilbert qui débute sa campagne de classique printanière. A Gand-Wevelgem, il termine à une anonyme trente-neuvième place. Sur le Tour des Flandres, il ne peut faire mieux qu’une neuvième place, lui qui avait fini sur le podium en 2009 et 2010. Le Belge choisit une nouvelle fois de ne pas participer à Paris-Roubaix (durant sa carrière, il n’a participé qu’à trois reprises à l’enfer du nord !) et termine sa campagne flandrienne en s’imposant sur La Flèche Brabançonne au terme d’un sprint tout en puissance devant son compatriote Björn Leukemans.

Une semaine ardennaise historique

C’est alors qu’arrive mi-avril et les classiques ardennaises. Vainqueur sortant de l’Amstel Gold Race, Gilbert est le grand favori de l’édition 2011. Alors que l’Omega Pharma Lotto prend la course à son compte, Jurgen Van den Broeck – coéquipier de Gilbert – attaque à 19 bornes de l’arrivée. Philippe Gilbert est alors dans une situation idéale dans les vingt derniers kilomètres. VDB est repris par le groupe. On voit alors l’attaque d’Andy Schleck, mais Phil peut compter sur sa garde rapprochée Van den Broeck et Vanendert pour faire le travail et effectuer le groupement au pied du Cauberg.

Dans la dernière ascension du Cauberg comprenant des passages à plus de 10%, le Belge est le seul coureur en mesure de suivre l’attaque tranchante de Purito Rodriguez. Dans sa lancée, Gilbert place un contre dévastateur qui laisse sur place l’Espagnol et réalise le doublé sur l’Amstel. Une course parfaite. Une démonstration. Un récital collectif et individuel qui place Philippe Gilbert comme le grand favori des prochaines échéances.

Trois jours plus tard, le peloton débarque sur le Flèche-Wallonne. Comme par tradition, l’explication se déroule sur le mur de Huy et ses terribles pourcentages pouvant atteindre jusqu’à 25%. Tout en contrôle face à des adversaires qui craignent autant l’ascension finale que le coureur Belge, Gilbert part de très loin avec une facilité déconcertante et dépose les Katusha Daniel Moreno et Joaquim Rodriguez. Une maîtrise implacable qui voit le Belge mettre trois secondes à Purito devant une foule en délire. Performance monumentale.

Tiens en parlant de monument, en voilà un qui arrive : Liège-Bastogne-Liège. Cette fois-ci, pas d’arrivée en pente et une course qui s’annonce bien différente. Dans la côte de la Roche-aux-faucons, la Trek et les frères Schleck font exploser la course. Seuls Gilbert et Van Avermaet peuvent suivre. Duel Belgo-Luxembourgeois en vue ! Phil est alors en infériorité numérique face aux deux loustics. Et la meilleure défense, c’est l’attaque. Dans Saint-Nicolas, Gilbert en met une de manière tranchante. Il se retrouve avec Fränk et Andy (limite dans la dernière côte) pour un sprint royal dans les rues de Ans. Avec une bien meilleure pointe de vitesse, le Belge ne fait qu’une bouchée de la fratrie Schleck.

Et c’est à ce moment là que les Schleck ont compris que c’était cuit pour eux ! (Photo : Bettini Photo)

Ce triomphe sur Liège-Bastogne-Liège marque la fin d’une semaine exceptionnelle, magistrale, historique. Les qualificatifs manquent. Gilbert réalise un exploit que même le grand Eddy Merckx n’a pas à son actif : faire le triplé Amstel-Flèche-LBL. Seul Davide Rebellin a accompli une telle performance lors de la saison 2004. Gilbert, roi des ardennaises. Gilbert, roi des classiques. Gilbert, roi de Belgique !

Conquête du Bénélux

Après quelques semaines de repos bien méritées, Gilbert reprend la compétition en vue du prochain Tour de France. Et le Belge va innover dans cette saison particulièrement riche en succès en se mettant à remporter des courses à étapes. Il triomphe sur le Tour de Belgique et le Ster ZLM Tour, une course néerlandaise. Gilbert, roi du Bénélux !

La parenthèse jaune attendue

Le Tour de France arrive alors. Comme par hasard (vous me voyez venir ?), la première étape fait la part belle aux puncheurs avec une arrivée inédite au Mont des Alouettes. “Alouette, je te plumerai la tête” dit la chanson pour enfants. Une musique qui résonne dans la tête du Belge ? Sûrement, tant l’appétit vient en mangeant.

Philippe Gilbert ne peut pas se cacher et est bien visible avec son maillot de champion de Belgique fraîchement acquis il y a quelques semaines. A l’approche de la montée finale, le train Omega-Pharma-Lotto est en place. La fusée Gilbert est sur orbite. Thierry Adam s’exclame “Philippe Gilbert, ultra, super favori” et ne s’y trompe pas. Vinokourov tente le coup de la flamme rouge, Cancellara en met une grosse. Mais rien n’y fait, Gilbert est serein, numéro 1 mondial, dans la forme de sa carrière, de sa vie. Il s’envole. Les commentateurs sont subjugués, “il est trop fort, il est trop trop fort” peut-on entendre ou encore ‘“c’est un monsieur, c’est un grand monsieur”. 

Le Belge a terrassé ses adversaires. Il porte pour la première (et unique) fois le maillot jaune du Tour de France, accomplissant le rêve de tout cycliste. Malheureusement pour lui, l’étape suivante offre aux coureurs du Tour un CLM par équipe où il cède son maillot à Thor Hushovd. Sur cette édition, il a frôlé à plusieurs reprises d’autres victoires d’étapes (quatre top 5) et terminé troisième du classement par points.

Viva San Sebastian !

La folie du Tour retombée, on se retrouve comme chaque année avec notre digestif espagnol préféré, la Clasica San Sebastian. Le Belge est évidemment le grand favori et compte reprendre son incroyable série victorieuse sur les courses d’un jour. Une nouvelle fois, la puissance et la science de Phil font la différence. Philippe Gilbert, c’est le corps et l’esprit, savoir se dévoiler au moment opportun. Phil attaque de manière dévastatrice à 3.5 kilomètres de l’arrivée, sur le plat, laissant sur place le reste des protagonistes. Ils ne le reverront plus. Une de plus dans la besace.

Quelques classiques pour finir en beauté

Pour finir une saison 2011 aussi bien fructueuse qu’éprouvante, le sanglier des Ardennes a réalisé une petite tournée sur quelques classiques de fin d’année. L’air canadien lui a été bénéfique puisqu’il a levé les bras sur le Grand Prix cycliste de Québec et terminé troisième du Grand Prix cycliste de Montréal. Comme pour boucler l’histoire d’une saison légendaire, Phil a obtenu son dernier succès chez lui, sur ses terres, dans le Grand Prix de Wallonie.

Cycliste de l’année

Les accomplissements de son année 2011 lui valent de crouler sous les récompenses. Vélo de cristal, Vélo d’or, Sportif Belge de l’année, Chevalier d’Ordre du Mérite de Wallonie, Flandrien de l’année…tous sont unanimes pour récompenser les exploits formidables réalisés par Philippe Gilbert. En plus de toutes ces distinctions, Phil va survoler le classement UCI et terminer l’année en incontestable numéro 1 mondial. Immense Monsieur Gilbert. Chapeau.

Cette saison 2011 de Philippe Gilbert a tout simplement marqué de son empreinte l’histoire du cyclisme. Le Belge a montré une forme exceptionnelle tout le long d’une année où il n’a que rarement déçu. Avec l’étiquette de favori, la tâche n’était pas mince mais Phil a préféré soulever les bouquets que de finir dans les choux. Philippe Gilbert, ce n’est pas simplement 2011, c’est une constance et un professionnalisme hors norme. Les années suivantes, le Belge a continué à engranger des victoires historiques comme les monuments Tour des Flandres et Paris-Roubaix. L’un de ses succès les plus marquants restent cette course en ligne des championnats du monde de 2012, où triomphant en solitaire à Valkenburg, il est allé rejoindre les Eddy Merckx, Freddy Mertens ou Tom Boonen dans le panthéon du cyclisme belge, et mondial. Chapeau Philou !

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