Priviet tovarishchi ! Derrière ce titre très inspiré par une aventure de James Bond, se trouve un coup de projecteur sur la seconde ligue de hockey au monde. Vivier à talents, expression de la version russe du hockey, des heures sombres mais toujours aussi palpitante à suivre. A celles et ceux qui ne connaissent pas encore cette liguen c’est l’heure de la séance rattrapage. Attrapez vos chapkas, partons à la découverte de la KHL !
La KHL, c’est quoi ?
Créée en 2008, sous l’impulsion de Gazprom, la Ligue Continentale de Hockey (KHL) est une ligue fermée (c’est à dire sans promotion ni relégation) cherchant avant tout à endiguer la fuite des talents russes vers l’eldorado de la LNH. Les desseins plus ou moins avoués de cette ligue sont, dans un monde idéal, de construire une concurrence pérenne au tout puissant championnat nord-américain de hockey.
À ce jour, la KHL est composée de 23 équipes, 18 équipes russes et 5 équipes étrangères : les Kazakh du Barys Noursoultan, les Lettons du Dinamo Riga et les Biélorusses du Dynamo Minsk, les Finlandais du Jokerit Helsinki et les chinois du Kunlun Red Star. Vous l’aurez compris, des airs d’Union Soviétique flottent sur ce championnat. Ces 23 organisations sont divisées en deux conférences, subdivisées en quatre poules portant les noms de grands patineurs soviétiques. Ainsi dans la conférence Ouest, se trouvent les divisions Bobrov et Tarasov, et à l’Est, les divisions Kharlamov et Chernyshev.
Ces équipes luttent durant 60 matchs de saison régulière. Les 16 meilleures (les 8 premières de chaque conférence) disputent les séries éliminatoires afin de conquérir le trophée suprême : la Coupe Gagarine, nommée ainsi à l’honneur du célèbre cosmonaute Soviétique, Youri Gagarine, premier homme dans l’espace et surtout symbole de la réussite russe.
En 11 saisons, il y a eu six champions différents. L’AK Bars Kazan est l’organisation la plus titrée avec trois Coupes Gagarine (2009, 2010, 2018). Le Metallurg Magnitogorsk, le SKA Saint-Pétersbourg et le Dynamo Moscou en ont remporté deux alors que le CSKA Moscou et le Salavat Yulaev Oufa ont remporté un titre chacun.
L’ambition démesurée de Medvedev
Dès sa création, l’ancien président de la ligue, Alexander Medvedev ne cache pas sa volonté d’expansion. Une entreprise qui s’illustre aussi bien sur le sol russe qu’à l’étranger, à tel point qu’il y a eu au total 35 équipes qui ont concouru en KHL. Les ambitions presque démesurées de Medvedev se traduisent par ce que certains peuvent qualifier de « folie des grandeurs ». Le vice-président du groupe Gazprom avait l’intention de créer des franchises à Paris, Londres, Milan, Genève, Salzbourg, en Suède, en Finlande voire même jusqu’au Japon, en Corée du Sud ou aux Emirats Arabes Unis !
Mais le désir d’expansion à outrance a un coût, financier d’abord. Certaines équipes de l’ex-bloc soviétique ont vu leurs billetteries s’effondrer car leurs partisans étaient peu enclins à perdre des rivalités historiques pour rejoindre la ligue créée par Medvedev. Les exemples du Slovan Bratislava, retourné dans l’Extraliga slovaque ou du Medvescak Zagreb parti en ICE League sont frappants et nous invitons à approfondir le sujet en consultant l’historique de la Ligue. C’est une réalité la KHL souffre de l’image politique de la Russie. Beaucoup de dirigeants de clubs voient cette ligue comme l’avant-garde d’une invasion idéologique et politique, faisant écho aux peurs et aux anciennes blessures de la Guerre Froide.
Un autre facteur, et non des moindres, plus rationnel cette fois-ci, vient expliciter le terme de « démesure » que l’on accole volontairement à la KHL : les distances de voyage. Elles sont hallucinantes. Imaginez faire le voyage de Zagreb jusqu’à Vladivostok, soit plus de 11000 km et 19 heures de vol ! Mais cette réalité n’est que le reflet de l’impossibilité de connecter tous les territoires sur lesquels Medvedev voulait construire son empire du hockey.
Par conséquence, la KHL a vu plusieurs de ses équipes disparaître, renoncer ou même, dans le cas des clubs d’Europe Centrale, retourner dans leurs championnats nationaux. À ce jour, les dirigeants se sont calmés sur leurs velléités expansionnistes mais la volonté d’implanter la KHL sur l’ensemble du continent terrestre eurasien est toujours dans un coin de leurs têtes.
Une jeune histoire jalonnée de tragédies
En 11 années d’existence, la KHL a malheureusement connu son lot de drames. Comme un avertissement signifiant que la route de ce championnat serait rude, la saison inaugurale de 2008 est entachée d’un incident tragique. Lors d’une rencontre entre l’Avangard Omsk et le Vityaz Chekov, le jeune attaquant d’Omsk et talent des New-York Rangers, Alexei Cherepanov s’effondre sur le banc. Malgré les efforts des médecins des deux clubs, il décède d’une crise cardiaque à l’âge de 19 ans. En hommage au jeune russe, le club d’Omsk décide de retirer son numéro et la KHL donne son nom au trophée du meilleur jeune de la ligue.
Le destin frappe de nouveau la KHL au début de la quatrième saison (2011-2012). L’avion YAK-42 qui transporte l’équipe du Lokomotiv Yaroslavl, qui doit débuter sa saison à Minsk, s’écrase peu de temps après le décollage. Sur les 45 personnes à bord, 44 sont tuées dont les 36 joueurs et membres de l’organisation de Yaroslavl. Une tragédie effroyable. Des gamins de 18 ans ont perdu la vie ce jour-là, tout comme certains champions du monde tchèques et slovaques. Dès l’annonce de l’accident, le président de la KHL, Alexander Medvedev, en tribune pour assister au match inaugural de la saison entre le champion en titre, le Salavat Yulaev Oufa et l’Atlant Mychtitchi, prend la parole et le match fut interrompu en hommage aux disparus. L’ouverture de la saison est repoussée au 12 septembre.
Les jeunes partent en LNH, les vétérans font sens inverse
Malgré ces tragédies, la KHL réussie à se développer régulièrement. Aujourd’hui, elle est largement reconnue comme le second meilleur championnat de hockey au monde, derrière l’incontournable LNH. L’une des preuves témoignant du niveau de cette ligue est sans aucun doute le nombre impressionnant de joueurs de LNH issus de la KHL. Par exemple, Andrei Vasilevskiy, l’un des meilleurs gardiens au monde, vainqueur de la Coupe Stanley la saison dernière, a joué à Oufa. Il en va de même pour Igor Shestyorkin, le jeune gardien des Rangers, qui a débuté à Saint-Pétersbourg. La liste est immense : Radulov, Kuznetsov, Panarin, Kucherov… et plus récemment, des garçons pleins de talent comme Romanov ou Kaprisov.
Certes les joueurs de LNH ont du mal à faire le voyage dans l’autre sens, surtout dans la fleur de l’âge. Mais de grands noms font partie actuellement de la KHL. On retrouve, par exemple, Pavel Datsyuk, qui a fait les beaux jours des Red Wings de Détroit, Sergei Mozyakin (auteur de plus de 1100 points en carrière en championnat de Russie), Vadim Shipachyov (passé brièvement par Vegas). Et puis il y a un Français qui brille là-bas depuis des années. Stéphane Da Costa, joueur des Sénateurs d’Ottawa (2011-201), qui s’est qualifié pour la Finale de la conférence Est avec Kazan. L’occasion pour nous de revenir prochainement sur le parcours de ce joueur hors-norme, 5ème meilleur pointeur de KHL en saison régulière.
Si on peut reprocher ou du moins suspecter que les intérêts politiques sont à la base de sa création, la KHL est une ligue qui mérite d’être regardée par tous les amateurs de hockey. Certes elle n’a pas encore atteint le niveau de la LNH, mais cette ligue offre un niveau de jeu très intéressant. Surtout, elle propose une vision, une culture, et un style de hockey différent de ce que nous propose la grande LNH. Malheureusement, l’une des entraves au développement médiatique de ce championnat reste son accessibilité. Il y a eu des progrès dans ce sens puisqu’aujourd’hui, les sites sont traduits en Anglais et les résumés des matchs sont disponibles sur YouTube. Au regard des talents qui chaque année, arrivent en LNH, le hockey russe a un bien bel avenir devant lui. Da Svidania tovarishchi !