La saison de biathlon s’est terminée le week-end dernier par les championnats de France. Une saison dans un contexte compliqué mais parfaitement gérée par l’IBU. Entre choix stratégiques et bulle sanitaire bien menée, retour sur la gestion de la saison par la fédération internationale. Mais les choix de la fédération ont-ils eu des impacts sur les résultats de course ?
Les doublons d’étape
L’organisation de la saison a été un véritable casse-tête du départ. Du côté de la Fédération Internationale de Ski (FIS) on choisissait de continuer sur les mêmes bases que les autres années. Ce choix a provoqué de vives réactions notamment du côté du ski nordique norvégien : non-participation de certaines nations, critiques… Du côté de la fédération de biathlon, pas question de se balader à travers le monde. Les étapes hors Europe ont rapidement été mises de côté, que ce soit pour des soucis de quarantaine (Chine), ou de simplicité (tournée américaine).
En parallèle, le choix a été fait de doubler les étapes afin de limiter au maximum les déplacements des athlètes. Ainsi, chaque étape à l’exception de la dernière et de celle d’Antholz, précédant les championnats du monde, se déroulait sur deux week-ends à la place d’un seul. Un choix plutôt salué par les athlètes, à quelques exceptions près. Ainsi, l’étape d’Oberhof s’est retrouvée dans le viseur des critiques. Cela était notamment la faute à l’état de la piste l’année précédente et au climat parfois peu clément de lieu. Mais le choix fut vite oublié quand les biathlètes ont découvert le site sous le soleil et la neige, leur faisant rapidement oublier leurs critiques datant de quelques semaines auparavant.
Entre les étapes, les avions étaient alloués par la fédération. Cela permettait d’éviter de briser la bulle sanitaire regroupant athlètes, staff et farteurs. Les athlètes se sont retrouvés dans les mêmes lieux et même les déplacements étaient gérés en caravane pour limiter tout contact extérieur. Là où les skieurs de fond pouvaient entrer en contact avec d’autres athlètes sur les lieux de compétition, la caravane de biathlète était une vraie bulle brisée uniquement par quelques rares bénévoles à chaque étape.
Le sectionnement des équipes et les quarantaines généralisées
Une fois arrivés dans le bulle et testées, les équipes sont divisées de façon à ne pas trop se mélanger au sein même de celles-ci. Il y a d’un côté les sportifs, d’un autre les farteurs et d’un troisième les entraineurs. Des binômes sont créés et fonctionnent la plupart du temps ensemble. Ainsi, lors des repas, les athlètes se retrouvent avec leur binôme de chambre pour éviter au maximum les dispersions sans masque.
Dans des hôtels partagés entre équipes, c’est certainement le protocole qui a permis d’éviter la propagation lorsque l’équipe de Bulgarie a eu 6 athlètes touchés par la Covid. Ceux-ci avaient alors rapidement été mis à l’isolement.
En effet, un athlète touché entraine souvent la mise en quarantaine d’une grande partie de l’équipe. Les Bulgares ont en fait les frais, tout comme les coachs suédois. Suite à un test positif, c’est l’ensemble des coachs qui n’a plus eu le droit d’accès au plateau et s’est mis en retrait. Ainsi lors des relais de Nove Mesto, ce sont les athlètes eux-mêmes qui ont géré la course de leurs coéquipiers.
L’idée est de ne prendre aucun risque pour le déroulement de la suite de la compétition. Ainsi, une pression mentale importante peut se trouver sur les athlètes lorsque l’un des membres de leur équipe se retrouve positif. C’est ce qui était arrivé à l’équipe de France, mais aussi celle de Russie, avant la première course de la saison. Ce sectionnement a également permis aux norvégiens de continuer de concourir alors que leur chef des farteurs est testé positif début janvier. Là déjà, seuls les farteurs ont été mis en quarantaine et pas les athlètes.
Grâce à cette technique, seuls 55 tests se sont avérés positifs sur les plus de 15 000 réalisés.
Les difficiles périodes entre week-ends de compétitions
Si aussi peu de tests sont revenus positifs, c’est notamment grâce aux sérieux des athlètes. Connaissant les risques en cas de tests positifs pour eux, comme leurs coéquipiers, ils ont été très vigilants. Fêtes en famille très restreinte, proches testés, confinement à domicile lors de leur 15 jours de pause… Il n’était pas question de même sa saison en danger. Ainsi, aux retours des fêtes de fin d’année, quelques tests se sont avérés positifs, tout comme en tout début de saison. Les tests en « cours de route » ont été relativement faibles.
« Rentrer à la maison deux semaines et ne voir personne mis à part sa femme et ses enfants, ce n’est pas facile… On a mis notre vie à côté en stand-by. »
Frédéric Jean, entraineur de l’équipe de France féminine à Nordic Magazine
La gestion des jours de coupures étaient également différents en fonction des pays, certains choisissant de rester s’entrainer sur le lieu précédant de compétition. C’était la solution choisie par les norvégiens qui ont continué pour certains de s’entrainer sur le site d’Antholz avant les mondiaux.
C’est au cours de ces périodes de préparation hors compétition qu’ont normalement lieu des contrôles anti-dopage. Cette année, plusieurs français se sont plaints de leur nombre extrêmement faibles, notamment avant les championnats du monde. Une ombre au tableau de cette saison bien gérée du point de vue de la bulle.
Les remises de médailles
Les cérémonies de remise de médailles sont souvent le lieu de grandes embrassades, photos avec un grand sourire, et poignées de main. Exit le cérémonial. Cette année, c’est l’athlète qui se mettait lui-même sa médaille. Il n’était pas question de retirer son masque (même une photo en embrassant son globe) et l’on a pu voir tous les moyens possibles et imaginables de féliciter son adversaire : serrage de gant, tcheck du coude, pied contre pied, trophée contre trophée. Les biathlètes ont pour la plupart plus que joué le jeu. Quant aux félicitations des officiels, une petite courbette au loin était bien suffisante.
Mais le sportif dans tout ça ?
Les 4 résultats supprimés ont-ils eu un impact sur le classement général ?
Dès le début de la saison, il avait été annoncé que non pas 2 comme d’ordinaire, mais les 4 moins bons résultats de la saison seraient supprimés. Un choix lié à la durée de quarantaine en cas de test positif. Celle-ci étant souvent d’environ 10 jours, cela permettait à un athlète de ne pas perdre son titre sur un test qui serait sorti positif.
Devant le très faible nombre de testés positifs, cette décision n’était pas forcément utile. Néanmoins, si le cas s’était passé, elle aurait permis de respecter un minimum d’équité sportive. Voir un athlète perdre un globe sur un test ne peut qu’être qualifié de fort dommageable. Et en prévenant en amont, tout le monde était au courant du comptage des points du départ.
Mais que se serait-il passé une saison ordinaire ? Nous avons recalculé le top 20 mondial en supprimant uniquement 2 résultats comme cela aurait été le cas. Et le moins que l’on puisse dire ce que cela ne bouleverse pas le classement du côté masculin. Il faut attendre les places 16 et 17 pour voir un changement dans le classement. Ainsi, Alexander Loginov 17ème serait passé devant Erik Lesser 16ème cette année. Cela est notamment dû au nombre de courses importants où Lesser n’a pas marqué le moindre point (6). Ainsi, que l’on lui supprime 2 ou 4 courses, il garde le même total de points.

Même Arnd Peiffer, qui a pourtant manqué les 3 dernières courses n’est pas impacté par ce changement. En effet, il avait déjà manqué 2 courses en début de saison et n’était pas rentré dans les points lors du sprint d’Oberhof. Ainsi, son nombre de points reste stable. Mais c’est également le cas de son poursuivant direct Velge Vetle Sjaastad Christiansen, absent des championnats du monde.
Néanmoins, cette règle n’a pas eu la même incidence chez les filles. Lors d’une saison ordinaire, c’est le top 5 qui se serait vu bousculé. Wierer serait repassée devant Hanna Oeberg pour 1 petit point. Dans la suite du classement, les changements réinterviennent tard, pour la 13ème et 14ème place.
S’il n’y avait pratiquement pas eu de changements lors du classement général hommes, ce n’est pas le cas du classement des différentes spécialités. Vainqueur du petit globe du sprint, Johannes Boe aurait également remporté le classement de la mass-start et de la poursuite. Sur celui de l’individuel, seul le podium aurait été modifié avec Quentin Fillon-Maillet qui aurait fini 2ème de celui-ci.
Chez les filles, les changements de vainqueurs sont moins marqués, à cause notamment de la domination de Tiril Eckhoff. Néanmoins, Preuss aurait remporté son premier gros globe en carrière, celui de l’épreuve reine de la mass-start. Et le classement du sprint aurait été fortement bouleversé, Anaïs Chevalier montant sur la 3ème place de celui-ci. Sur l’individuel, Dorothea Wierer n’aurait pas eu à partager son globe.

Les plans B
Autre chose à saluer, le plan B très rapidement trouvé suite à l’annulation de l’épreuve d’Oslo, suite aux restrictions du gouvernement norvégien. Pour chaque étape susceptible d’être annulée, l’IBU avait des sites de remplacement. En relocalisant l’étape à Oestersund (Suède), cela a permis une fin de compétition normale pour l’ensemble des athlètes.
En effet, si celle-ci avait été annulée, les classements s’en seraient vus plus fortement modifiés. Chez les hommes, pas de changement au niveau du top 5, mais Emilien Jacquelin aurait été l’un des gagnants de cette annulation en passant devant Samuelsson 6ème.
Mais le plus gros gagnant aurait été Arnd Peiffer (12ème au classement général), absent pour le dernier week-end après son départ en retraite et qui serait resté dans le top 10 (8ème). De son côté, Simon Desthieux auteur d’une très bonne fin de saison et d’une victoire sur cette étape aurait été le grand perdant en passant de la 9ème à la 12ème place et sortant ainsi du top 10.
Chez les filles, l’impact de cette suppression aurait été bien plus important pour le classement final. En effet, le top 6 étant très resserré entre la 3ème et la 6ème place, il aurait été complètement bouleversé. Hanna Oeberg aurait pris la 3ème place et Lisa Theresa Hauser la 4ème. Cela aurait relégué Franziska Preuss de la place 3 à la 5 et éjecté Dorothea Wierer du top 5. Cela est notamment dû aux courses moins bonnes réalisées par les biathlètes suédoises et autrichiennes lors du dernier week-end.
De la même façon que pour le retrait des 4 courses, le classement des petits globes auraient été bouleversés pour le plus grand bonheur des français, Emilien Jacquelin et Julia Simon étant respectivement leaders virtuels du classement de la poursuite et de la mass-start avant la dernière étape.
En voyant l’impact que cette annulation aurait pu avoir, on ne peut qu’être satisfait pour les athlètes qu’ils aient pu se battre jusqu’à la fin.
En mettant des protocoles clairs et bien suivis en place, l’IBU a permis à la saison de biathlon de se dérouler dans les meilleures conditions possibles. Et en ayant toujours un coup d’avance pour faire une saison complète, elle a permis d’avoir les classements les plus justes. Quant aux points retirés en plus grande quantité que les années précédentes, il est indéniable que cela a eu un effet sur la course aux petits globes, notamment sur les épreuves où l’on avait un faible nombre de course. Malgré tout, cela n’a eu qu’un impact infime sur le classement général final, les top 3 restant inchangés. Si tout a semblé fonctionner cet hiver, on ne pourra qu’espérer un retour du public la saison prochaine, pour faire que la coupe du monde redevienne cette belle fête qu’elle a toujours été.