Owen Power, Kent Johnson et Matt Beniers sont tous les trois annoncés au premier tour du prochain repêchage de la LNH. Tous les trois jouent sous les couleurs de l’Université de Michigan en NCAA. Cette année, les Wolverines ont présenté un alignement exceptionnel à l’image du recrutement élite opéré par le programme depuis des décennies.
Fondée en 1817 à Détroit, l’Université de Michigan a traversé les âges pour devenir une place forte des sports universitaires et de l’enseignement public aux États-Unis. Membres de la conférence Big Ten au sein de la Division I en NCAA, les Wolverines présentent une équipe compépitive dans les deux sports universitaires les plus populaires du pays : le football américain et le basketball. Moins médiatisé que ses cousins, le hockey sur glace reste une discipline synonyme d’excellence dans le Michigan puisque le programme a remporté 9 championnats, un record pour ce sport universitaire. Véritable vivier à talents pour la LNH, les Wolverines vont probablement battre un record avec leur alignement 2020-2021. Présentation d’un programme d’excellence dont la cuvée hockey 2021 illustre à merveille le talent formateur de “UM”.
Michigan, une Public Ivy historique
Avant d’évoquer la dimension sportive des Wolverines, attardons-nous sur la puissance culturelle et formatrice de l’Université de Michigan. L’école présidée depuis 2014 par Mark Schlissel est reconnue comme une “Public Ivy“. Mais que signifie ce titre non-officiel et pourtant si déterminant aux États-Unis ? Cette terminologie est inventée par Richard Moll, doyen de l’Université de Californie-Santa Cruz, dans son ouvrage Public Ivies : A Guide to America’s Best Public Undergraduate Colleges and Universities publié en 1985. Pour Moll, une Public Ivy correspond à une université publique réputée pour son excellence académique qui offre une expérience universitaire similaire à une école de l’Ivy League. L’Ivy League étant cette ensemble de 8 universités privées et prestigieuses, réputées dans le monde entier : Harvard, Yale, Princeton, l’Université de Pennsylvanie, Brown, Dartmouth, Cornell et Columbia. Des universités prisées, mais terriblement sélectives. Les Public Ivies proposent donc une formation similaire mais plus accessible. En 1985, Richard Moll établit une liste de 8 universités publiques où figure l’Université de Michigan. Depuis, les classements se sont multipliés, les critères diversifiés et les listes des membres n’ont cessé d’augmenter, mais Michigan figure toujours en bonne position.
Grâce à des enseignements de qualités sans cesse renouvelés, l’Université de Michigan a su maintenir son rang. Avec des domaines d’excellence, comme la sociologie, la pharmacologie ou la psychologie, UM a formé des grands noms de ce monde. En 2019, Michigan a compté dans son histoire : 53 médaillés du Prix MacArthur, 26 Prix Nobel, un médaillé Fields, un Prix Pulitzer et surtout, un Président des États-Unis : Gerald Ford (POTUS 1974-1977). Le campus d’Ann Arbor (situé à 45 minutes de Détroit) est régulièrement classé parmi les meilleurs du pays. En 2021, le média USNews classe Michigan au 3ème rang des établissements universitaires publics. Selon Niche, leader dans l’évaluation des universités, Michigan se classe en première position au général cette année, devant l’Université de Californie et Georgie. Surtout, le célèbre classement ARWU ou classement de Shangaï place l’Université de Michigan au 22ème rang mondial. Mais évidemment, pour ce qui nous intéresse, Michigan figure dans les meilleurs places pour les athlètes-étudiants. Sur 1 380 universités recensées en 2021, UM pointe au 8ème rang.
Une excellence universitaire qui rayonne dans les sports
Le décor est planté : Michigan fait figure de premier de la classe en matière de formation universitaire. L’excellence s’étend dans les disciplines sportives les plus suivies du pays. Les Wolverines de Michigan comportent pas moins de 29 équipes universitaires, toutes dans la Division I de leurs disciplines respectives au sein de la Big Ten en NCAA (exceptée l’équipe féminine de water-polo). Au cours des 20 dernières années, Michigan s’est classé 13 fois dans le top 5 de la Coupe des Directeurs NACDA, classement annuel des meilleurs universités sportives de NCAA. Pour le dernier classement en date, les Wolverines pointent à la 2ème place.
En tête de la réussite des sports universitaires à UM, l’équipe de football américain des Wolverines fait figure d’exemple. Sous les acclamations du Michigan Stadium, plus grand stade des États-Unis, 3ème plus grand du monde avec 107 601 places, les Wolverines détiennent le record de victoires en NCAA (964 en 2021), le 4ème meilleur pourcentage de victoire (72,7% sur 1350 matchs) et ont remporté pas moins de 11 titres nationaux. Michigan a fourni de grands noms aux franchises NFL a commencé par un certain Tom Brady, 7 SuperBowls, passé par UM de 1995 à 1999. Il faut aussi évoquer l’excellent “two-way player” des Wolverines, Charles Woodson, véritable star du campus qui a remporté presque tous les honneurs individuels lors de son passage à Michigan. Actuellement, des joueurs comme Winovich, Peppers, Gary, ou Uche évoluent tous en NFL. L’équipe de 2018 a même fait l’objet d’une mini-série “All or Nothing“. Demain, nous trouverons toujours des Wolverines en NFL à l’image de Kwity Payne, annoncé au premier tour de la prochaine draft.
Si le football fait légion à Michigan, les autres sports ont tous pris rendez-vous avec le succès. L’équipe masculine de basketball des Wolverines a participé à 4 Final Four et remporté le championnat national une seule fois, en 1989. Le programme est surtout reconnu pour avoir mis en lumière les Fab’ Five, ces cinq joueurs de première année dont l’image a été ternie par le scandale Ed Martin. Parmis les grands joueurs passés par Michigan, retenez notamment Glenn Rice, Jalen Rose, Jamal Crawford, Caris LeVert et bien évidemment, le 1st pick de 1993, Chris Webber. La puissance de Michigan résonne aussi à l’internationale avec de magnifiques performances lors des Jeux Olympiques. De ceux de Paris en 1900 à ceux de Pyongyang en 2018, les athlètes de Michigan ont remporté 173 médailles : 81 d’or, 43 d’argent et 49 de bronze. Le plus célèbre d’entre tous est bien évidemment The Baltimore Bullets, Michael Phelps, 23 médailles d’or au compteur. Bien qu’il n’ait pas obtenu de diplôme au sein de l’Université, Phelps a effectué son cursus complet, entre 2004 et 2008, dans le programme de natation de Michigan.
Le hockey à Michigan : fournisseur officiel de talents
Au rang des sports à succès du côté de Michigan, il est l’heure d’aborder la question du hockey sur glace. Là aussi, UM fait des merveilles. Les Wolverines faisaient partis de la CCHA jusqu’en 2013 avant de rejoindre la conférence Big Ten. L’histoire du programme hockey de Michigan est aussi chargé que les autres sports universitaires précédemment cités, si ce n’est plus. Les Wolverines ont remporté 9 titres nationaux, un record en NCAA hockey. Un succès qui date puisque l’équipe a réussi à soulever le trophée de la Division I à sept reprises en 17 ans, entre 1948 et 1964. Une période durant laquelle l’entraîneur-chef de l’équipe, Vic Heyliger, a remporté six trophées, un record là aussi. Les deux succès plus récents datent de 1996 et 1998. Si les Wolverines n’ont plus autant de succès, ils restent cependant toujours compétitifs avec un record de participations consécutives au tournoi final de la NCAA établi en 2011, avec 21 présences. Toujours en 2011, Michigan a participé à son 24ème Frozen Four (dernier carré du tournoi), un record absolu.
L’événement le plus marquant de l’histoire récente du programme reste assurément The Big Chill in the Big House, appelé aussi Cold War II. Le 11 décembre 2010, un match en plein air est organisé à l’intérieur du Michigan Stadium entre les rivaux de toujours : les Wolverines de Michigan et les Spartans de Michigan State. Aujourd’hui encore, cette rencontre reste la plus grosse affluence pour un match de hockey avec un décompte officiel de 104 173 spectateurs.
Dans cette démonstration 5-0 des Wolverines, deux joueurs de LNH se sont illustrés avec un doublé chacun : Jon Merill, qui a récemment signé avec les Canadiens de Montréal, et Carl Hagelin, double-vainqueur de la Coupe Stanley en 2016 et 2017 avec les Penguins de Pittsburgh. L’Université de Michigan est probablement la principale école américaine fournisseur de talent dans la grande ligue. Celui qui incarne au mieux le hockey de Michigan est assurément Red Berenson. L’attaquant a récolté 138 points en 84 matchs avec les Wolverines avant de rejoindre la LNH et remporter une Coupe Stanley avec le CH en 1965. Il a cumulé 658 points en 987 parties en LNH. Berenson a surtout entraîné avec succès Michigan puisqu’il a accumulé le quatrième plus grand nombre de victoires de tous les temps avec 848 et a guidé l’équipe à 23 tournois NCAA et deux championnats nationaux (1996, 1998) au cours de ses 33 années derrière le banc. Brendan Morrisson, vainqueur du Hobey Baker et buteur décisif lors du titre de 1996, Zach Werenski, Kyle Connor, Jacob Trouba, Kevin Porter ou plus récemment, le finaliste du Trophée Calder 2020, Quinn Hughes. La passion pour le hockey et la formation des talents font parties de l’histoire de l’Université de Michigan, et ce n’est pas terminé.
Les Wolverines 2020-2021 : l’équipe la plus talentueuse ?
Cette saison dans la patinoire Yost Ice Arena, une équipe exceptionnelle a été exposée aux yeux des recruteurs de la LNH. Entraînée par Mel Pearson, cette effectif n’a pas pu bénéficier du chant “The Victors” entonné habituellement par les partisans de Michigan. Pour l’exercice 2020-2021, les Wolverines ont tenu une fiche de 15-10-1 pour une 9ème place au classement NCAA. Depuis la 6ème journée, l’attaque de Michigan est dirigé par des étudiants de première année attirant l’attention et les attentes des médias. Mel Pearson a recruté 10 étudiants de première année, quatre ont déjà été sélectionnés au repêchage de la LNH et surtout, trois sont attendus dans le top 15 du repechâge 2021. L’entraîneur-chef déclare au sujet d’une potentielle pression sur l’effectif :
“Vous avez des personnes très spéciales, vous pouvez parcourir l’effectif. C’est un groupe amusant, ils sont agréables, ils apportent beaucoup d’énergie. Tout le monde s’inquiète de “ Oh, vous avez tous ces étudiants de première année.” Mais vous savez quoi ? Ils ne connaissent pas la différence. Ils ne font que jouer. Ils ont tellement d’énergie qu’ils vous enthousiasment parce qu’ils l’apportent tous les jours, et cela déteint sur notre équipe.”
– Mel Pearson
Passons en revue cet effectif exceptionnel. Commençons par les quatre joueurs déjà repêchés en LNH et notamment les deux vedettes de l’équipe : Brendan Brisson et Thomas Bordeleau. Le premier, sélectionné au premier tour à la 29ème place par les Golden Knights de Vegas lors du repêchage 2020, est une menace devant le but hautement talentueux qui a été nommée recrue de l’année de l’USHL la saison dernière. Armé d’un cardio élite, de compétences de rondelle haut niveau et d’un sens du hockey bien développé, le natif de Californie, âgé de 19 ans, termine la saison NCAA avec 21 points en 24 matchs dont 11 buts. Thomas Bordeleau, un centre astucieux qui peut jouer sur toute la glace, sélectionné au début du deuxième tour en 2020 (38ème au total) pour les Sharks de San José. Lui a terminé la saison 2021 de NCAA avec 30 points dont 22 assistances !
Ensuite, nous retrouvons des piliers de l’Université de Michigan. Les défenseurs Jacob Truscott (5ème tour 2020 / VAN) et l’imposant Stephen Holtz se mêlent parfaitement à Cam York, 14ème choix au repêchage de 2019. Le gardien de deuxième année Strauss Mann est naturellement titulaire devant un autre “freshman”, Erik Portillo, sélectionné au 3ème tour en 2019 par les Sabres de Buffalo. Le portier suédois a disputé 7 rencontres cette saison, affichant un taux de sauvetage de .935 et une moyenne de buts alloués de 1,67. Les attaquants de premières années, Josh Groll et Philippe Lapointe viennent compléter la jeune armada des Wolverines. Ensemble, ils devaient participer au tournoi NCAA 2021, mais au dernier moment, l’Université de Michigan a été évincée du tournoi en raison du protocole sanitaire… Les Wolverines faisaient partis des favoris cette année.
Si tous ces joueurs sont déjà connus par les observateurs de la LNH, trois joueurs ont été particulièrement scrutés cette saison : Matt Beniers, Owen Power et Kent Johnson. Les trois joueurs éligibles au repêchage 2021. Présentation de ces trois prospects élites :
- Matt Beniers, attaquant, 05/11/2002
Initialement engagé à Harvard, Beniers a choisi Michigan peu de temps après que les écoles de l’Ivy League aient annoncé qu’elles mettaient en pause tous les sports. Venant du fameux programme de développement de l’équipe nationale USA Hockey, Beniers fait presque tout à un niveau élite, avec une défense intelligente et efficace. Il est fondamentalement la menace bidirectionnelle ultime dans tous les sens du terme. Il fait des échecs avant, joue un jeu créatif dans les trois zones et a un QI de hockey qui rivalise avec les plus grands. Combinez cela avec sa mobilité exceptionnelle, sa façon de jouer, son éthique de travail et son instinct de but, et la LNH pourrait bien avoir le prochain Jonathan Toews entre les mains. Beniers termine sa saison avec 10 buts et 14 passes et est attendu dans le top 5 du prochain repêchage.
- Kent Johnson, attaquant, 18/10/2002
Élu le joueur le plus précieux du hockey junior A canadien la saison dernière après une performance de 101 points en 52 matchs avec les Trail Smoke Eaters en BCHL, Johnson s’est classé au 3ème rang du classement des recrues d’avant-saison par ESPN. C’est un magicien avec la rondelle sur son bâton et un passeur d’élite. C’est un très bon patineur et peut prendre de la vitesse dans la zone neutre et attaquer les voies ouvertes avec facilité. Il a une grande vision et a formé un duo dynamique avec son camarade Matt Beniers. Le Canadien termine la saison avec 27 points en 26 matchs dont 18 assistances. Il est attendu dans le top 10 du prochain repêchage.
- Owen Power, défenseur, 22/11/2002
Le n°1 du classement d’avant-saison d’ESPN pour le repêchage 2021 de la LNH. Owen Power est grand, large, mobile et peut être efficace aux deux extrémités de la glace. Power possède un physique impressionnant à 18 ans avec une taille d’1m95 pour 97kg de puissance. Arrivé en provenance de Mississauga, dans l’Ontario, il a été le défenseur de l’année de la USHL en 2019-2020 après avoir marqué 40 points en 45 matchs pour le Chicago Steel. Ses 0,89 points par match étaient la quatrième plus haute moyenne pour un défenseur de moins de 18 ans dans l’histoire de la USHL. Le potentiel de Power en avantage numérique semble encore plus haut que le niveau élite. Il a cumulé 16 points cette saison et est, lui aussi, attendu dans le top 10 du prochain repêchage.
En supposant que Power, Beniers et Johnson soient tous choisis au premier tour du repêchage de cette année, l’Université aurait dans ses rangs, quatre joueurs du premier tour. Un total qui égalerait le record pour une seule classe de recrutement avec l’Université de Boston en 2016, Minnesota en 2006 et North Dakota en 2005.
L’Université de Michigan rayonne en matière d’enseignement public et dans le monde des sports universitaires. Une “Public Ivy” reconnue, formatrice de talents intellectuels, mais aussi une place forte du sport américain comme en témoigne les résultats des élèves de l’université aux Jeux Olympiques. Tom Brady et Michael Phelps, deux noms, qui ont porté les couleurs maïs et bleu des Wolverines. Rien que pour cela, UM mérite un article. Si le football tient une place particulière dans le Michigan Stadium, le hockey sur glace s’est fait une place sur la scène universitaire. La génération dorée alignée par les Wolverines cette saison en est la dernière preuve. Avec Beniers, Power et Johnson, Michigan entretient sa réputation d’école formatrice d’excellence.