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Être intérieur est-il un handicap dans la course au MVP ?

Historiquement, le titre de MVP (Most Valuable Player) est majoritairement décerné à des intérieurs. Néanmoins, dans une NBA en perpétuelle évolution, la tendance semble s’inverser. Depuis l’an 2000, seuls cinq « grands » ont réussi à soulever le trophée Maurice Podoloff (Kevin Garnett, Dirk Nowitzki, et Tim Duncan et Giannis Antetokounmpo par deux fois). Cela semble bien peu quand on connaît la qualité des joueurs évoluant aux postes 4 et 5. Nous allons tenter de comprendre pourquoi. Décryptage !

Près de 50 ans de domination intérieure

De 1956 (date de création du trophée de MVP) à l’an 2000, ce n’est pas moins de 30 ailiers-fort ou pivots qui ont été récompensés, correspondant ainsi à deux tiers des trophées. Ceci peut s’expliquer par l’ultra domination de certains intérieurs qui ont régnés sur la ligue des années durant. Parmi eux, des noms ronflants tels que ceux de Bill Russell, Wilt Chamberlain, Karim Abdul-Jabbar ou plus récemment Hakeem Olajuwon et Karl Malone. Tous les systèmes étaient mis en place pour favoriser ces joueurs qui étaient capables de par leurs attributs physiques, leur QI basket ou leurs moves au poste de prendre le dessus sur leur adversaire direct. A cette époque, il était inhabituel de voir un intérieur s’écarter ou aller s’aventurer hors de la raquette. En effet, les coachs privilégiaient le jeu dos au panier, le talent des joueurs précédemment cités faisant la différence. Cela donnait d’ailleurs lieu à de féroces batailles poste bas. Les arbitres laissaient jouer et on assistait à des duels physiques de haut vol, voire à de belles échauffourées qui, soyons honnêtes, nous manquent particulièrement aujourd’hui. Ce style de jeu quasi exclusivement basé sur les intérieurs à forcer les adversaires à trouver des solutions. C’est ainsi que les mœurs ont évolués et que les coachs se sont adaptés.

Les années 2000 comme tournant

A l’aube du 21ème siècle, un pivot surperforme et écrase tout sur son passage. Un monstre physique capable de casser des paniers avec la vitesse d’un guard : Shaquille O’Neal. Lui emboîtent le pas Kevin Garnett et Tim Duncan. Les franchises doivent trouver une manière de répondre aux problématiques posées par ces joueurs. Et lorsque l’on parle d’innovation tactique, on retrouve souvent le nom de Mike D’Antoni. Emmenant les Phoenix Suns d’un certain Steve Nash, D’Antoni met en place le fameux « 7 seconds or less ». Un style de jeu ultra rapide où l’objectif est de remonter vite le terrain et de trouver le meilleur tir possible en moins de 7 secondes. Reprenant certains préceptes du Run & Gun précédemment utilisé par Red Auerbach, Don Nelson ou Pat Riley, le « 7 seconds or less » se montre immédiatement efficace. Les Suns marchent sur la ligue et trustent la première place de la conférence Ouest. Les adversaires ont du mal à s’adapter et les intérieurs éprouvent des difficultés à suivre la cadence infernale imposée par ce style de jeu. C’est ainsi que la NBA bascule vers une nouvelle ère.

Une transition spectaculaire

Cette expérience positive du « 7 seconds or less » révolutionne la ligue en un temps record. La majorité des équipes changent leur style de jeu et offrent un spacing bien plus important que par le passé. Les tirs mi-distance, jusqu’à lors très prisés deviennent des anomalies. Le jeu au large est omniprésent et les systèmes sont établis pour écarter les défenses au maximum. Partant du postulat que trois points valent mieux que deux, le tir longue distance est privilégié. Vont donc émerger des shooteurs élites comme nous les connaissons aujourd’hui. Oui oui Steph Curry, on parle de toi ! Les intérieurs sont contraints de changer leur jeu. Il leur faut développer leur tir que ce soit en catch & shoot (tir sans dribble lors de la réception d’une passe) ou en pick & pop (le poseur d’écran ne va pas au panier, il s’écarte de son défenseur pour obtenir un shoot ouvert). Enfin, le jeu devient ultra rapide. Le PACE étant en constante hausse, les intérieurs doivent multiplier les efforts des deux côtés du terrain au risque d’être parfois en surrégime.

Evolution du tir à 3pts en NBA
Source : https://www.basketball-reference.com

Manque de talent ou simple effet de mode ?

A la suite de cette évolution tactique, une pénurie d’intérieurs dominants va se produire. Peu de talent au poste 5 ou une formation qui s’épanche d’avantage sur les guards ? Il va falloir un temps d’adaptation aux intérieurs pour assimiler les nouvelles caractéristiques du jeu en NBA. Il est difficile pour ces derniers d’exister. Ils se contentent de miettes durant les rencontres. Les coachs préfèrent bien souvent les voir se concentrer sur la défense. Seul Dwight Howard parvient à tirer son épingle du jeu. Une bête physique à l’aise des deux côtés du terrain que personne ne peut arrêter. Il emmène d’ailleurs une équipe d’Orlando composée de Rashard Lewis et Jameer Nelson entre autres en finale NBA. C’est néanmoins l’arbre qui cache la forêt.. Les intérieurs deviennent d’excellents rôle players, indispensables pour gagner un titre mais ne sont plus que des deuxièmes voire des troisièmes options offensives à l’instar d’un Chris Bosh à Miami, d’un Draymond Green à Golden State ou d’un Pau Gasol chez les Lakers. Difficile donc de ne pas y voir un lien de cause à effet. Cela a cependant pu être accentuer par les générations ayant atteint la NBA durant cette période. Concernant la formation, il nous faudrait bien plus que cet article et probablement des heures d’échanges avec les acteurs de celle-ci pour développer notre propos.

La tendance peut-elle s’inverser ?

Aujourd’hui, tout est fait pour mettre les joueurs extérieurs dans les meilleures dispositions. Nous voyons éclore de nombreux meneurs scoreurs ou des meneurs de très grande taille. Ben Simmons en est le parfait exemple. Le small ball est monnaie courante et certains (Mike D’Antoni… encore lui) s’aventurent même à tenter l’ultra small ball. Les pivots shootent pour beaucoup à trois points et il n’est pas rare de les voir remonter la balle. La qualité de leur handle est d’ailleurs en constante amélioration. Le poste d’ailier-fort est lui bien différent que par le passé. Les ailiers sont très souvent utilisés poste 4 et les ailiers-forts poste 5. Cependant, deux pivots de formation permettent de remettre le débat sur la table. Le premier est serbe, a la qualité de passe d’un meneur, un QI basket incomparable et des moves d’un autre temps. Le second est camerounais, excelle des deux côtés du terrain avec un physique de déménageur. Nikola Jokic et Joël Embiid caracolent en tête de la course au MVP. Dans leurs équipes respectives, tout est mis en œuvre pour leur permettre de briller. Néanmoins, leurs caractéristiques en font des OVNI dans la NBA moderne. Cela ne peut faire occulter tous les arguments précédemment cités

Comparaison des statistiques de Nikola Jokic & Joël Embiid en 2020-2021
Source : https://www.nba.com

Vous l’aurez donc compris, la NBA est une ligue en perpétuelle révolution. Elle évolue, s’adapte, se développe au point de ne jamais s’essouffler. Le-s intérieurs ont eu, des années durant, la part belle. Aujourd’hui, ce sont les extérieurs qui ont le vent en poupe mais tout peut si vite changer ! Cette tendance peut s’avérer être un handicap comme le fait d’être un joueur extérieur l’est dans la course au DPOY (Defensive Player of the Year). Néanmoins, les statistiques sont faites pour être déjouées et le talent nous le rappelle bien souvent.

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