La draft, cet événement annuel qui permet aux franchises du sport américain de se renouveler. La NFL ne déroge pas à la règle. Le 29 avril prochain, une nouvelle classe de joueurs sortant de l’université sera repêchée et entrera dans la grande ligue. Entre, choix judicieux, coups du sort, déceptions, le tout saupoudré d’un soupçon de chance, cette année sera encore une fois l’apogée de l’intersaison. Le CCS se mobilise pour vous préparer au mieux à la prochaine draft avec la présentation de profils détaillés des plus gros espoirs, mais aussi des bons coups que l’on pourrait trouver plus tard dans l’événement. Sans hiérarchie particulière, vous trouverez ici toutes les informations nécessaires pour connaître les futurs rookies, voire les futures stars de la NFL.
Penei Sewell

Bilan :
Pandémie oblige, la conférence PAC-12 n’a repris ses droits que tard dans l’automne. Penei Sewell avait, lui, déjà décidé de faire l’impasse sur la saison 2020, et pour cause. Ses performances en 20 matches sous les couleurs d’Oregon font de lui l’un des linemen offensifs les plus dominants de l’histoire du football universitaire. Rien que cela. Nul besoin de courir le risque de contracter un virus mortel ou simplement se blesser lorsqu’on n’a plus rien à prouver.
Il n’avait pas encore 18 ans lors de son premier match officiel contre Bowling Green. Penei Sewell n’était pas encore adulte quand il s’est imposé au poste plus taxant physiquement d’un des programmes les plus renommés du football universitaire. L’un des neuf (!) linemen true freshmen à débuter la saison en tant que titulaire, parmi les 130 équipes de FBS. Rien ni personne n’a remis son hégémonie en cause la minute où il a posé pied sur le campus d’Eugene, sinon une vilaine entorse à la cheville qui lui a fait manquer les six derniers matches de la saison régulière 2018.
Sept matches joués, six victoires, aucune pénalité commise, un sack concédé. Malgré cette absence, Sewell est devenu le premier joueur de ligne offensive d’Oregon à être reconnu dans l’équipe PAC-12 de l’année en tant que true freshman.
Et que dire de la saison suivante ? Vous n’êtes pas contents ? Doublé. 10 kilos en moins sur la balance, un physique affûté et des attentes surpassées. Sewell a débuté 13 des 14 rencontres des Ducks et n’a pas concédé un seul sack. Une saison entière à jouer au football, dans l’une des meilleures conférences du pays, sans commettre la moindre erreur. Dans neuf de ces matches, il n’a même pas concédé une pression. Si Justin Herbert a été sélectionné en sixième position de la draft 2020, il le doit en partie au golgoth samoan. Sur le terrain, Oregon a remporté 12 matches, avec l’une des sept attaques ayant marqué au moins 35 touchdowns à la passe et 25 touchdowns à la course.
Son indiscutable domination lui a valu une sélection unanime dans la première équipe All-American et le trophée Outland, remis au meilleur joueur de ligne (offensive et défensive) de la saison. Le premier true sophomore à recevoir pareils éloges. Au total, cela fait 17 victoires en 20 titularisations, et un modique sack concédé sur 1376 snaps. Yep.
Ses forces :
- Ses qualités athlétiques
Au risque d’enfoncer une porte ouverte, pour être très fort au poste de tackle, être très grand et très costaud aide. 1,98 m pour 147 kilos, après la fonte de 10 kilos entre ses années freshman et sophomore… Même au royaume des colosses, Penei Sewell est titanesque. Mais ce qui le fait encore plus sortir du lot sont les attributs inouïs qu’il lie à sa stature. Sa force oui, son agilité et sa vitesse surtout. Combien d’hommes de cette taille avez-vous croisé dans votre vie ? Et combien d’entre eux avez-vous vu mettre au sol un adversaire lancé, puis se déplacer latéralement de 10 mètres pour renvoyer un autre dans les choux, le tout en l’espace de quatre secondes ? Thierry Dusautoir avec une tête et 50 kilos en plus.
- Son instinct
Un terme un peu abstrait pour englober deux éléments qui font de Sewell un joueur hors-norme : sa rapidité au snap et sa lecture du jeu. Des prospects de lignes offensive et défensive de ces dernières années, seuls Aaron Donald et Jadeveon Clowney avaient un temps de réaction et une explosivité comparables, à la sortie de l’université. Sewell combine cela avec une intelligence, le sacro-saint QI football, qui lui permet d’anticiper et agir en conséquence sur les appels de jeu adverses, en zone, en man. Il n’y a qu’à voir la facilité déconcertante avec laquelle il couvre le blitz ici, contre Auburn en 2019.
Et les rares fois où il se trompe, son premier atout, ses qualités athlétiques lui permettent de se rattraper, presque comme si de rien était. Le Deion Sanders des tackles en quelque sorte. Bonne chance aux malheureux qui tenteront de le déborder en speed rush.
- Sa polyvalence
Avant d’être repositionné en tackle et devenir la référence au niveau universitaire, Penei Sewell était classé deuxième guard des États-Unis à la sortie du lycée. Ayant fait ses gammes à l’intérieur de la ligne, il conserve ses qualités naturelles dans le jeu de course. Il parvient à garder le momentum de son explosivité au snap sur ses blocs et son équilibre après contact. Il possède un fabuleux contrôle directionnel de son corps lui permettant de faire usage de sa force sans perdre de puissance, quand il est en mouvement.
Ce n’était que contre Colorado… Facile de dominer contre des futurs comptables… Le voici face à Derrick Brown, septième choix de la dernière draft :
Il est fort aisé de l’imaginer dans quelques années, lorsqu’il sera moins rapide, revenir à son poste originel et continuer de terroriser les défenseurs adverses, depuis l’intérieur.
- Sa patience
Ok, Penei Sewell est injouable à la course, mais quid du jeu de passe ? Il est tackle gauche après tout. Et bien ses atouts sont totalement transposables. Il joue avec un levier extraordinaire, qui semble ne jamais s’atténuer. Il a la patience de laisser les défenseurs mordre à l’hameçon avant de délivrer ses coups. Avec ses mains rapides et puissantes, il neutralise les rushers sur l’extérieur, aussi techniques soient-ils, aussi nombreux soient-ils…
Ce qui est notable ici est sa faculté à ne jamais fuir ses responsabilités. Sewell prend l’information et utilise son excellente position de départ pour bloquer le deuxième rusher et donner la fraction de seconde qu’il faut à Justin Herbert pour délivrer sa passe. Voir l’aide arriver, être en place pour la bloquer, être capable de la bloquer. Élite.
- Sa finition dans l’espace
(Toute provocation de gémissement semblable à un acte coïtal à la vue des vidéos suivantes ne serait que fortuite.)
Boum.
Boum.
Et boum 🔞
Ses faiblesses :
Que l’on soit clair, Penei Sewell est un lineman générationnel, du même acabit que Quenton Nelson ou Zack Martin. Ses faiblesses sont absolument mineures et relèvent plus de la marge de progression.
- Son centre de gravité
Le bougre a les défauts de ses qualités. Spécimen physique, il se fait parfois (rarement) avoir à cause de sa posture. Cela résulte en un défaut d’équilibre qui l’amène trop souvent au sol. Il ne va pas rétrécir de si tôt, mais avec un staff et un conditionnement professionnel, il prendra davantage la mesure de son corps. Il aura encore un meilleur équilibre et sera plus difficile à prendre en défaut.
- Son placement de mains
Encore une fois, il faut sortir la loupe pour trouver ce défaut, qui ne l’empêche d’ailleurs pas d’être un des meilleurs tackles de l’histoire à se présenter à la draft. Ses mains sont parfois trop écartées au point de contact. Lui-même étant particulièrement large, il offre alors une trop grande zone à ses adversaires pour le déséquilibrer.
- Sa volonté de faire mal
Quand il veut, il peut et il fait. Seulement comme un super héros découvrant ses pouvoirs, il rechigne parfois à terminer ses blocs et faire mal (dans le bon sens du terme) à ses vis-à-vis. Exactement là où un Quenton Nelson, bien que jouant à un poste différent, excelle. Il doit jouer avec plus d’assurance et la résolution d’annihiler les défenseurs, comme il en est pleinement capable. La gentillesse, voilà ce qu’on peut reprocher à Sewell… Quand on vous dit qu’on pinaille.
Prédiction draft : Top 10
La course aux quarterbacks est la seule justification de cette très, très large prédiction. S’il ne s’agissait que de classer le talent des prospects, Trevor Lawrence est le seul qui pourrait lui tenir la dragée haute.
Une équipe intéressée : toute la NFL
Votre équipe a besoin d’un tackle ? Penei Sewell est fait pour vous. Votre équipe n’a pas besoin d’un tackle ? Penei Sewell est sûrement meilleur que votre titulaire et est fait pour vous. Ce n’est qu’une semi-plaisanterie.
Partant du principe que les trois premiers spots seront réservés aux quarterbacks, les Falcons pourraient le sélectionner dès le quatrième choix, malgré le pedigree déjà certain de leur ligne offensive. Ajouter une force à une force (supposée) ne serait pas dénué de sens, tant Sewell est un talent rare.
À l’inverse, la ligne des Bengals était leur plus criante faiblesse la saison passée et responsable de la blessure de Joe Burrow. Associer le quarterback phénomène à Sewell pour une décennie, voire plus… Oui, s’il vous plaît. Idem pour les Dolphins et Tua Tagovailoa en sixième position. Les Lions en opération reconstruction ne devraient pas cracher sur un tel prospect, même avec Taylor Decker dans l’effectif. Ou bien, pourrais-je vous intéresser par un Sewell en éclaireur de Christian McCaffrey ?
Et si, par miracle, il est encore disponible à ce moment-là, bien d’autres équipes feront sonner les téléphones pour monter et le récupérer. Vous l’aurez compris, Sewell serait un fit absolument partout.
La Note du CCS : Tier S
Tier S : All Pro, Tier A : Excellent titulaire, Tier B : Titulaire, Tier C : Joueur de rotation, Tier D : Practice Squad
Peu de joueurs font l’unanimité en tant que meilleur prospect à leur poste. Sewell est l’un d’entre eux. Le plus effrayant ? Il n’a que 20 ans. Il n’est pas un produit fini et peut encore s’améliorer. Titulaire dès le premier jour dans la ligue, sa polyvalence lui assurera une transition des plus douces vers le poste de guard en fin de carrière. Sans blessure, il sera dans le pire des cas, un multiple Pro Bowler. On parle là de son plancher. Son plafond se trouve dans l’Ohio, à Canton.