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EURO 2020 : Macédoine du Nord, entre mixité ethnique et rivalités historiques

Petit pays enclavé au plein coeur des Balkans. La Macédoine du Nord, malgré son jeune âge, possède une histoire singulière marquée par les guerres, les occupations et de fait, aujourd’hui, par la pluralité ethnique. Si le pays conserve toujours des us et coutumes riches que l’on pourrait qualifier de traditionnels voire ancestrales, datant de plusieurs siècles (musique, danse, gastronomie, etc), la Macédoine du Nord n’en reste pas moins un pays également imprégné par les différentes cultures de ses « minorités », qu’elles soient Albanaise, Bulgares, Turques, Grecques ou Roms, et tente petit à petit de s’ouvrir au monde (en voulant notamment intégrer l’Union Européenne). La sélection de football est en somme un beau reflet de l’histoire de son pays.

Un changement de nom qui a fait débat

Tout d’abord, commençons notre périple en Macédoine du Nord par un petit cours d’histoire-géo, car après tout ça ne fait pas de mal.

Comme évoqué dans l’introduction, la Macédoine du Nord a été, durant plus de deux millénaires, une terre d’occupation. D’abord annexé par l’empire Romain puis Byzantin entre 168 av. J.-C et le début du Moyen-Âge, le pays des Balkans a ensuite fait partie de l’empire Ottoman de 1371 jusqu’à la veille de la première guerre mondiale ; moment où les peuples Serbes, Grecs et Bulgares décidèrent de se soulever face à l’envahisseur Turc. Ces derniers ont rapidement été défait et la Macédoine du Nord fut partagée entre les vainqueurs. Les Bulgares, trouvant que leur « part » était moins grosse que celle des autres pays, décidèrent de déclarer la guerre à ses anciens alliés (Grèce et Serbie) ce qui donna lieu aux guerres Balkaniques (1912-1913). Le début de la première guerre mondiale n’apaisera pas les tensions, bien au contraire puisque l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie s’allieront avec la Bulgarie tandis que la France, l’Empire britannique et l’Italie viendront en aide à la Serbie et à la Grèce. Après la victoire de la Grèce et de la Serbie, bien aidés par leurs alliés, le partage de la Macédoine du Nord sera à nouveau le même qu’en 1914.

En 1918, la partie serbe de la Macédoine rejoint le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes qui deviendra en 1929 le Royaume de Yougoslavie. Durant la seconde guerre mondiale, la Macédoine serbe est une nouvelle fois partagée, cette fois entre Bulgares et Albanais. Après la victoire des résistants communistes en 1944 dans la région yougoslave, la République Socialiste de Macédoine est alors proclamée et intègre l’une des six républiques fédérée de Yougoslavie. Le peuple macédonien est enfin reconnue et sa langue devient l’année suivante l’une des langues officielles yougoslave. Pendant près de 40 ans toutes la région connaît un réel boom économique et sociale, mais les tensions entre Macédoniens et Albanais de Macédoine rejaillissent durant les années 80′ et après une décennie plus difficile socio-économiquement parlant, la Slovénie, la Croatie et la Macédoine décident de voter leur indépendance en 1991. Si l’indépendance de cette dernière fait la quasi unanimité au sein de son pays (95 % pour), elle n’est pas vraiment au goût de tout le monde et surtout pas des Grecs qui s’oppose fermement à sa reconnaissance internationale. Les hellènes considèrent alors que le nouvel État, par son nom et ses symboles, s’approprie l’héritage culturel grec. En effet, il faut savoir que la grande région Macédonienne englobe le pays macédonien, mais aussi une bonne partie de la Grèce ainsi qu’une partie de la Bulgarie et de l’Albanie.

Entouré en gris la région actuelle de la Macédoine, entouré en rouge le Royaume de Macédoine antique et en vert la partie grecque de la Macédoine. Source : Pinterest

En 1994 la Grèce engage un blocus économique contre la Macédoine qui sera finalement de courte durée puisqu’en 1995, cette dernière décide de changer de drapeau permettant ainsi la réouverture des frontières entre les deux pays. Pour autant, la Grèce continue son « combat » contre son voisin en l’empêchant d’intégrer l’OTAN la même année. Au fil des années les tensions s’adoucissent et le 12 juin 2018, un accord est trouvé entre Zoran Zaev (chef du gouvernement macédonien) et ses homologues grecs. La République de Macédoine s’appellera désormais « République de Macédoine du Nord ». Lors d’un référendum en septembre de la même année, le peuple macédonien vote favorablement à ce changement de nom (environ 91 %). Cela étant, le taux d’abstention est extrêmement élevé (74 %) alors que le taux de participation devait être au minimum de 50 %. En février 2019, les parlements nord-macédonien et grecs mettent fin au débat et ratifient le nouveau nom de la République de Macédoine avec l’accord de Prespa.

Depuis, la Macédoine du Nord a pu intégrer l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en mars 2020 et les tensions avec ses pays voisins semblent se tasser, bien qu’il y ait encore quelques soucis dans certaines régions…

Et le football dans tous ça ?

Au milieu de toutes ces guerres et autres vives tensions le football macédonien a tout de même réussi à exister notamment à travers la sélection yougoslave. Deux joueurs symbolisent cette existence au sein de la sélection yougoslave ; le gardien Blagoje Vidinić, dernier rempart de la sélection des Balkans lors du premier EURO, organisé en 1960, et ayant permis à son équipe d’atteindre la finale de la compétition (battue par l’URSS de Lev Yachine), ainsi que l’attaquant Darko Pančev, attaquant emblématique du Vardar Skopje et surtout de l’Étoile Rouge de Belgrade, avec qui il remporte la C1, face à l’Olympique de Marseille, en 1991. Ce dernier a également fait partie de l’équipe yougoslave quart de finaliste du Mondial 1990 en Italie.

Darko Pančev lors de son passage à l’Inter Milan. Source : goal.com

Hormis cela, on ne va pas se mentir le football nord macédonien n’a pas une grande histoire et c’est tout à fait normal pour une sélection qui a joué son premier match officiel le 13 octobre 1993 (victoire 4-1 face à la Slovénie). Dans le pays, la pression populaire n’est pas des plus vives vis-à-vis de son équipe de football, d’autant plus que les sélections de basket et de handball ont quant à elles déjà participé à plusieurs reprises à des phases finales de grandes compétitions. À noter la très belle cinquième place des handballeurs nord macédoniens lors du championnat d’Europe de 2012.

« Macédoniens, Albanais, Turcs… sous le même maillot, sous le même drapeau, pour la patrie commune. »

Zoran Zaev, premier ministre macédonien

Pourtant, la qualification en novembre dernier des « Lions Rouges » pour leur première grande compétition (l’EURO 2021) a entraîné des scènes de liesses sans précédent dans le petit pays des Balkans, des scènes extrêmement importantes pour un pays et un peuple toujours marqués par un passé récent très conflictuel (notamment avec le Kosovo et l’Albanie au début du siècle). Le chef du gouvernement, Zoran Zaev, déclara même : « Macédoniens, Albanais, Turcs… sous le même maillot, sous le même drapeau, pour la patrie commune. »

Goran Pandev, un morceau d’histoire à lui seul

Évidemment, comment parler de la Macédoine du Nord sans évoquer le nom de son capitaine emblématique, Goran Pandev ? Unique buteur du match qui qualifia les nord macédoniens pour le prochain EURO, ce dernier a un peu plus écrit sa légende au sein de son pays avec ce but. S’il est aujourd’hui une véritable icône du sport macédonien, c’est aussi bien pour ses exploits sur les terrains qu’en dehors…

Voici le but de la qualif nord macédonienne.

En effet, on ne présente plus la carrière du natif de Strumica ; vainqueur de la Ligue des Champions avec l’Inter de Mourinho en 2010, meilleur buteur de l’histoire de sa sélection et désormais coulant de jours heureux avec le Genoa en Série A. L’attaquant des « Lions Rouges » a permis à de nombreux jeunes macédoniens de rêver en leur donnant accès au football gratuitement via « l’Akademija Pandev ». Fondé en 2010, peu après le sacre en C1 de Pandev, ce dernier eut un déclic et désira partager sa passion à des centaines d’enfants macédoniens. L’académie fut rapidement un succès, puisque 70 enfants l’intégrèrent rapidement, tous venant de la région de Strumica.

Par la suite, la fédération imposa à l’académie une équipe sénior pour pouvoir évoluer en première division junior. Qu’à cela ne tienne ! La petite équipe de Pandev débuta donc son périple en D4 macédonienne et en quelques années le club se hissa en première division.

Cette saison, l’Akademija Pandev est en lisse pour remporter un deuxième trophée (après une première coupe en 2019) puisque le club de Strumica s’est qualifié pour la deuxième fois en trois ans en finale de Coupe de Macédoine du Nord. En plus de la réussite sportive du club, qui n’était pas prévu à la base, l’Akademija a réussi son pari : développer le potentiel des jeunes footballeur macédoniens puisqu’en 2017, 300 enfants avaient intégré le centre de formation, tandis qu’en parallèle, les infrastructures s’étaient largement étoffées. Pour en savoir plus, nous vous conseillons l’excellent papier de Footballski sur le sujet : https://footballski.fr/footballski-trip-a-la-decouverte-de-lakademija-pandev.

Voici à quoi ressemblait le centre de formation de l’Akademija Pandev, en 2017. Crédit : Footballski

En ayant fait bouger les lignes au sein de sa propre fédération et en ayant permis à de nombreux enfants de rêver, l’attaquant du Genoa est aujourd’hui une figure emblématique de son pays et est entré, à sa façon, dans l’histoire de son pays. Certains espèrent même voir un jour, une statue de Goran Pandev s’ériger près du stade Tose Proeski.

Dans un groupe assez relevé comprenant l’Ukraine, les Pays-Bas et l’Autriche, la Macédoine du Nord devra batailler ferme pour espérer se qualifier pour les 1/8e de finale. Mais avec un Goran Pandev de gala (comme on l’a vu dernièrement lors de la victoire macédonienne face à l’Allemagne) et une génération très talentueuse (Bardhi, Elmas, Ademi, Alioski…) nous ne sommes peut être pas au bout de nos surprises avec cette sélection étonnante.

Les épisodes précédents :

EURO 2020 : Italie, la Squadra pour retrouver son azur

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