Les Knicks sont actuellement 6ème de la Conférence Est avec 31 victoires pour 27 défaites. New-York gagne, New-York étonne et New-York entrevoit les Playoffs pour la première fois depuis 2013. Dans le sillage d’un Julius Randle en mode All-Star, un joueur se distingue par sa progression édifiante sous les ordres de Tom Thibodeau : RJ Barrett.
Très attendu pour sa première saison en NBA, le 3ème choix de la Draft 2019 n’a pas réussi à faire franchir un palier à la franchise de New-York. Seulement 21 victoires, une fade 12ème place et une gueule de bois qui dure depuis 7 ans. RJ Barrett, loin d’être désastreux, n’a pas convaincu. Maladroit, individualiste, forceur… Le Canadien semblait bloqué dans les schémas universitaires de Duke où il détenait une certaine « carte blanche offensive ». Utilisé de manière très discutable par David Fizdale l’année dernière, RJ Barrett semble avoir passé un cap cette saison. Une progression nécessaire et contributive à la bonne saison des Knicks de New-York. Alors quels sont les tenants et les aboutissants de ce progrès chez le sophomore ? Décryptage.
Un jump-shot corrigé, une efficacité en progression
Lors de sa saison rookie, RJ Barrett a quelque peu frustré les fans des Knicks en raison d’une certaine maladresse au tir. En 56 matchs, le Canadien a inscrit une moyenne de 14,3 points à 40,2% au tir dont un convenable 32% à 3pts sur 3,5 tentatives et un inquiétant 61,4% aux lancers francs. La problématique a été clairement identifiée au fil de la saison. Le jump-shot de RJ Barrett est loin d’être assez efficace pour lui permettre d’accéder au cercle et faire parler ses qualités de finisseur (53,4% dans la restricted area). Sur 193 tirs en jump-shot la saison dernière, il n’en a rentré que 54 pour un pourcentage de réussite de 28% dont un 6,8% à mi-distance… Découle de ce constat une sensation de mauvaise sélection des tirs chez le joueur de 20 ans. Profitant d’une saison raccourcie, RJ Barrett s’est focalisé sur ce tir hasardeux avec le préparateur reconnu Drew Hanlen qui a notamment travaillé avec Jayson Tatum, Joel Embiid ou Bradley Beal.
Dans un entretien accordé à SNY, spécialisé dans la couverture des sports à New-York, le coach a dévoilé les coulisses de l’entraînement de RJ Barrett durant la saison morte :
« Nous avons tout fait. Nous avons reconstruit son jump-shot. Nous avons légèrement déplacé son coude. Nous avons travaillé sur l’amélioration de sa posture. Nous avons travaillé à le rendre plus fluide. J’avais l’impression qu’il avait un tir en deux parties au lieu d’une seule, lisse et fluide, nous avons donc travaillé là-dessus. Nous avons également travaillé sur l’équilibre – l’amélioration de l’équilibre pour que chaque saut soit cohérent. »
– Drew Hanlen, SNY, 20 décembre 2020
Ce travail intensif porte ses fruits cette saison : RJ Barrett a tenté 238 tirs en jump-shot pour un taux de réussite de 35,3%. Avec un tir en suspension plus fiable, le Canadien a repris confiance comme l’atteste son adresse globale. En 2020-2021, il affiche 17,3 points par match à 44,8% dont un sérieux 38,3% à 3pts et un bien meilleur 73,6% aux lancers.
Quand on regarde de près l’évolution de la shot area de RJ Barrett entre 2019-20 et 2020-21, le constat est encore plus édifiant : +6% dans la peinture, +11% à mi-distance. Et la progression est semblable à 3pts avec un magnifique +10% dans le corner gauche entre les deux saisons. Le travail sur la mécanique de tir et de saut en compagnie de Drew Hanlen a grandement porté ses fruits. RJ Barrett est devenu une menace offensive plus régulière et plus adroite, pour le plus grand bonheur de Knicks. Un travail qui facilite toutes les autres facettes de son jeu.
« Point Barrett » éclos avec ces Knicks
Avec un tir plus fiable, RJ Barrett est désormais plus libre dans l’exécution des schémas offensifs dessinés par Tom Thibodeau. La saison dernière, nous avons vu David Fizdale confier régulièrement la mène au Canadien et malgré quelques flashes, les résultats étaient approximatifs. En 2019-20, RJ était utilisé à 27,7% en tant que porteur de balle sur pick and roll, soit la deuxième plus haute utilisation dans cette situation chez les Knicks derrière Elfrid Payton, pour une efficacité de 36,6%. Cette saison, Barrett joue plus de 30% de ses possessions en pick and roll, soit 5,8 par match, pour une efficacité de 43%.

Désormais, lorsque RJ Barrett conduit l’attaque des Knicks, il cherche à marquer mais il essaie aussi de créer des tirs pour ses coéquipiers. La hausse de 2,6 passes en 2019-20 à 2,9 passes en 2020-2021 n’est pas significative, mais elle est signifiante. En regardant de plus près on s’aperçoit que sur ses 171 passes décisives, 85,5% sont pour mettre en place un tir près du cercle ou un 3pts. La saison dernière, ce nombre était de 79,7%. L’explication vient en grande partie du fait que RJ Barrett cherche ses coéquipiers à 3pts qui, sont plus adroits dans cet exercice de que la saison dernière. Les arrivées de Reggie Bullock et Alec Burks ont bien aidé, eux qui tournent à plus de 40% de réussite de loin sur 10,2 tentatives combinées. La saison dernière, le Canadien a distribué 36 de ses passes décisives pour des 3pts, cette année, il en est déjà à 66 !

RJ Barrett ne se contente pas de fournir les snipers des Knicks. Il entretient une relation tout à fait particulière avec la star de l’équipe, Julius Randle. Sur ses 171 passes décisives, 47 sont à destination de l’intérieur All-Star. Profitant de sa capacité à changer de rythme pour fixer la défense, RJ parvient à libérer Randle dans les corners. Le Canadien offre en moyenne 1,1 tir à longue distance pour Randle qui tourne à 43,1% de réussite sur une passe de RJ. L’inverse est juste aussi : 43% des 3pts pris par Barrett viennent d’une passe de Randle et dans ces conditions, le Canadien a une réussite de 45% ! Ils attirent chacun la défense et grâce à leurs mouvement sans ballon, les deux coéquipiers trouvent des spots ouverts pour faire feu derrière l’arc.
La création de Barrett ne s’arrête pas là. De plus en plus à l’aise sur les écrans avec la balle entre les mains, RJ utilise à merveille les finisseurs verticaux des Knicks. Randle évidemment, mais aussi Mitchell Robinson avant sa blessure et c’est désormais Nerlens Noel qui profite de la gestion du numéro 3 de la Draft 2019. Sur une passe de Barrett, les deux pivots affichent des taux de réussite supérieurs à leurs moyennes en saison. Devenu adroit, RJ Barrett peut laisser parler sa puissance créatrice et délaisser un secteur loin d’être à son avantage : la ligne des lancers. Moins agressif, il obtient moins de faute mais se concentre sur le playmaking pour assurer un peu plus de diversité offensive aux Knicks.
Un défenseur en puissance sous l’égide de Thibodeau
Lorsque Tom Thibodeau est arrivé, tout le monde s’attendait à retrouver l’emprunte défensive qui a fait sa réputation. Mais à ce point ? Probablement pas. Aujourd’hui, les Knicks sont la meilleure défense de NBA. New-York encaisse 104,6 points par match, tient ses adversaires à 33,4% à 3pts, le plus bas taux de ligue. Dans cette version « blindée » des Knicks, RJ Barrett s’épanoui. Pourtant, la défense était le secteur qui a suscité le plus de critique de la part de ses détracteurs lors de sa saison rookie.
Tom Thibodeau a réussi à donner des schémas, un cadre et une motivation supplémentaire pour ses joueurs. En essayant de réduire le nombre de possession, les Knicks réussissent à imposer leur rythme à leurs adversaires. Ils se classent au dernier rang de la ligue en termes de PACE (96,56). New-York compte sur sa défense. Si des joueurs comme Mitchell Robinson puis Nerlens Noel remplissent la feuille de stats défensives, ce n’est pas suffisant pour instaurer une véritable identité à une équipe.

RJ Barrett ne brille pas d’un point de vue statistique. Seulement 0,8 interceptions et 0,3 contres qui le classent respectivement dans le 34ème et 19ème percentile de la ligue pour les ailiers. Mais lorsque le Canadien est sur le terrain, les adversaires des Knicks ont une efficacité au FG% de 51,3%, ce qui le place dans le 93ème percentile des ailiers en NBA. La capacité de New-York à défendre les lignes extérieures est cruciale cette saison : les Knicks pointent au 12ème rang des équipes qui accordent le plus de tentatives à 3pts avec 35,4 par match, mais ils sont la meilleure défense puisqu’ils ne concèdent que 33,6% de 3pts.

Et c’est ici que la présence de RJ Barrett est précieuse pour les Knicks de Thibodeau. Lorsque le Canadien n’est pas sur le terrain, les adversaires de New-York prennent 39,8% de tirs à longue distance. Lorsque Barrett est sur le terrain, ce taux descend à 31,6% ! Avec un physique de plus en plus mature, une concentration de muscle en développement, RJ Barrett est taillé pour défendre sur plusieurs postes en NBA. Le sophomore a débarqué dans la ligue avec une certaine force physique. La différence cette saison, c’est qu’il a appris à utiliser son corps en défense. En gardant les joueurs du périmètre, il a appris à rester en arrière et à laisser sa longue portée perturber le gestionnaire de balle. Surtout cette saison, Thibs n’a pas ménagé RJ et lui a confié des tâches difficiles. Il s’est chargé de défendre sur les Kawhi Leonard, Jimmy Butler ou encore Donovan Mitchell. Il apprend constamment. Actuellement, parmi tous les joueurs répertoriés comme ailier ou arrière, Barrett se classe 11ème au DRPM (Defensive real +/-) devant des joueurs reconnus comme Thybulle, Wes Matthews ou KCP. L’intensité prônée par Thibs lui permet de rester concentrer pendant l’entièreté de son temps de jeu. Une implication plus que nécessaire pour canaliser son énergie, notamment en attaque.
Et si le principal facteur de progression de RJ Barrett était finalement un gain de maturité ? Son éthique de travail a toujours été reconnue, mais réussir à identifier les secteurs problématiques et à les corriger aussi rapidement : c’est impressionnant. Il faut dire que l’amélioration de son jump-shot a grandement libérer son jeu. Créer pour les autres, RJ Barrett sait le faire. Il devra en revanche réussir à créer au minimum pour lui-même. Plus de 98% de ses 3pts réussis sont effectués sur une passe décisive. L’auto-création constitue ainsi la prochaine étape de progression pour le joyau canadien. En attendant, sous les ordres de Thibs, RJ a trouvé un motif d’implication et de concentration supplémentaire qui font désormais de lui, un véritable 2way player.