La draft, cet événement annuel qui permet aux franchises du sport américain de se renouveler. La NFL ne déroge pas à la règle. Le 29 avril prochain, une nouvelle classe de joueurs sortant de l’université sera repêchée et entrera dans la grande ligue. Entre, choix judicieux, coups du sort, déceptions, le tout saupoudré d’un soupçon de chance, cette année sera encore une fois l’apogée de l’intersaison. Le CCS se mobilise pour vous préparer au mieux à la prochaine draft avec la présentation de profils détaillés des plus gros espoirs, mais aussi des bons coups que l’on pourrait trouver plus tard dans l’événement. Sans hiérarchie particulière, vous trouverez ici toutes les informations nécessaires pour connaître les futurs rookies, voire les futures stars de la NFL.
Rashawn Slater

Bilan :
De tous les joueurs qui ont fait l‘impasse sur la saison universitaire 2020, aucun n’a vu sa côte grimper comme Rashawn Slater. Une conjoncture étonnante au regard du reste de sa vie de joueur de football. Au lycée Clements, dans la banlieue de Houston, il n’a remporté que trois matches sous les couleurs des Rangers. Pour les moins connaisseurs du système scolaire américain, cela veut dire qu’il a passé plus d’années au lycée, qu’il n’a connu de victoires sur un terrain de football.
Bien que largement au-dessus du lot, bien que venant du Texas, l’État du football roi, c’est sans grande surprise qu’il n’a reçu des offres de bourse que de cinq universités : Wyoming (dont son père est l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du programme de basket), Rice, Kansas, Illinois et donc Northwestern.
Initialement recruté comme guard, Slater a pourtant commencé sa carrière universitaire au poste de tackle droit, titulaire 12 matches sur 13 dans la quatrième meilleure attaque de la Big Ten. Rebelote la saison suivante avec cette fois 14 titularisations, permettant au quaterback Clayton Thorson de lancer pour 3 183 yards (troisième total de la conférence) et d’être drafté par les Eagles.
En 2019, Slater fait la transition au poste de tackle gauche. La saison de la confirmation de son talent et de la révélation aux yeux des scouts NFL : aucun sack et un seul quaterback hit concédé en 787 snaps. Fait rare pour un joueur de ligne, il a même été nommé deux fois joueur offensif de la semaine de son équipe. L’une d’entre elles, contre le futur deuxième choix de la draft 2020 et rookie défensif de l’année, Chase Young. Masterclass allégorie :
Difficile de faire mieux et c’est tout logiquement qu’il a décidé de ne pas jouer en 2020, lorsque la Big Ten a annulé la première partie de la saison.
Ses forces :
- Sa progression
D’un lycée plus réputé pour la qualité de son enseignement que pour son équipe de football à la meilleure conférence universitaire des États-Unis (don’t @ me), la transition aurait pu être beaucoup, beaucoup plus rude pour Rashawn Slater. Au lieu de cela, il s’est imposé comme titulaire dès sa saison freshman et a connu une progression linéaire, année après année. Prenez un match de Northwestern de 2017, puis un autre de 2019, vous verrez deux Slater différents. Un tel développement ne peut signifier qu’une grande faculté à écouter, à assimiler et à exécuter. Le fantasme de tous les coaches de ligne offensive.
- Sa posture
Qui dit développement, dit fondamentaux au point. D’un point de vue technique, il n’y a pas grand-chose à redire du jeu de Rashan Slater. Ses mains toujours à l’intérieur des épaules de ses vis-à-vis, la force dégagée par le bas de son corps, la légèreté de son jeu de jambes… Il a la posture idéale et maîtrise tous les détails qui rendent la vie d’un joueur de ligne offensive plus facile.
Slater a beau faire un 1,98 m pour 143 kg, je vous garantie que Chase Young est un meilleur athlète que lui. Peu d’être humains sont de meilleurs athlètes que Chase Young. Pourtant rien ne le suggère sur les deux actions ci-dessus.
Slater prend l’avantage sur Young grâce à sa technique : la flexion de ses genoux, le niveaux de ses épaules et son jeu de jambes. Toujours en bonne position. Il n’a pas besoin de s’étendre et risquer perdre son équilibre parce que ses pieds sont toujours actifs et qu’il fait montre d’une flexibilité surprenante pour son poids.
- Ses mains
Arrêtons-nous encore sur ces mains. La vitesse avec laquelle il les met en position est vraiment remarquable. À en devenir fétichiste. Vite les mettre en place est une chose. Bien les mettre en place en est une autre. Rashawn Slater excelle dans les deux. Des mains bien placées résultent en des opportunités moindre pour les adversaires de le déséquilibrer. Aussi, je vous mets au défi de trouver un exemple de Slater mis sur les fesses par un défenseur. Spoiler : vous n’en trouverez pas.
- Sa vitesse
Rashawn Slater se déplace vite et bien. Que ce soit la fréquence de ses pas ou ses déplacements latéraux, il bouge beaucoup plus vite qu’un humain de cette taille ne devrait être capable. Dans ce registre particulier, il est totalement comparable à Penei Sewell. Le déborder en speed rush relève d’une mission impossible.
- Le second rideau
Sa plus grande qualité, qui justifierait à elle seule une sélection dans le top 10. Rashawn Slater est rapide latéralement, il l’est encore plus verticalement. Sur la ligne de scrimmage, son temps de réaction est phénoménal et quand il s’agit d’accompagner le coureur… Jésus, Marie, Joseph.
Dans le football moderne, les linemen qui parviennent à atteindre le second rideau sont nombreux. Ceux qui atteignent le second rideau, arrivent à garder les joueurs plus rapides en face d’eux et à les bloquer, sont beaucoup plus rares. Slater est l’un d’entre eux. Il est une arme de destruction massive dans le jeu au sol.
Ses faiblesses :
- Sa force
Bonne nouvelle : Rashawn Slater est dans le 99e centile des êtres humains les plus costauds de la planète :
Mauvaise nouvelle : tous les joueurs de ligne défensive titulaires en NFL sont dans le 99e centile des êtres humains les plus costauds de la planète.
Dans le monde de brutes que sont les tranchées du football, Slater est plus un technicien, un esthète. Il utilise ses fondamentaux, sa position et les angles de son corps pour battre des adversaires. Ce n’est pas un train de fret qui démolit tout sur son passage. S’il ne rencontrera aucun problèmes face aux rushers les plus rapides de la ligues, il pourrait avoir plus de mal contre les plus puissants.
- Son poste
Ce qui a été sa force au lycée – où il a joué aux cinq postes de la ligne – et à l’université est une zone d’ombre pour la NFL. Sa force, un chouia déficiente, sera trop débilitante au poste de guard dans un système power run. Sa taille, son poids, la longueur de ses bras et son envergure sont peut-être un peu trop justes pour être tackle à plein temps chez les professionnels.

David Bakhtiari et Terron Armstead sont deux des cinq meilleurs tackles de la ligue avec des caractéristiques physiques similaires, mais ils sont des exceptions plutôt que la règle. Les défenseurs les plus longs ont déjà posé problème à Slater à l’université. Ils utilisent leurs bras pour le garder à distance et utiliser l’espace pour s’échapper.
Au vu des limites intrinsèques à son physique et à ses qualités hors du commun, son poste le plus naturel serait guard dans un système de zone-blocking ou bien centre. Sur le papier en tout cas. La vérité du terrain et du camp d’entraînement pourrait être tout autre. À l’heure actuelle c’est une interrogation.
Prédiction draft : Top 15
Rashawn Slater est, aux côtés de Christian Darrisaw, le deuxième meilleur lineman offensif de cette classe, qui s’avère être la meilleure depuis bien longtemps. Certaines équipes, comme les Bengals ou les Dolphins pourraient ainsi préférer un skill player avec leur premier choix et récupérer un joueur qu’ils estiment à 80-90% du talent de Slater plus tard dans la draft. Autrement, la prédiction aurait été encore plus haute.
Une équipe intéressée : New York Giants
Avant leur trade up en 3e position, l’idée de Rashawn Slater aux Niners, dans le système de Kyle Shanahan, m’était source de plusieurs rêves érotiques. Idem pour les Dolphins, avant qu’ils ne remontent au 6e choix. Même si le fit est évident, il serait difficile pour les Falcons de justifier la sélection de Slater comme premier non-quarterback de la draft. Les seuls besoins potentiels sur la ligne des Lions et des Panthers seraient aux postes de tackle, où il n’est pas certain que Slater soit à son avantage. La ligne des Broncos est solide, les Cowboys ont besoin de défenseurs.
Ce qui nous amène au choix numéro 11, possession des New York Giants. Nate Solder va faire son retour après avoir fait l’impasse sur la saison 2020 et Andrew Thomas a confirmé certaines des attentes placées en lui sur la deuxième partie de saison. En dehors de cela, la ligne des G-Men est catastrophique. Au point d’espérer que la Covid soit la seule responsable de la baisse du niveau de Will Hernandez… Saquon Barkley est le meilleur joueur de l’équipe et revient d’une rupture des ligaments croisés. Il faut le protéger, autant que faire se peut.
Il faut surtout savoir quel est le vrai niveau de Daniel Jones. La saison à venir sera déjà cruciale pour son évaluation. Une tâche impossible s’il n’est pas mis dans les meilleures conditions. Il n’y a qu’à voir à l’équipe qui partage leur stade et qui vient de se séparer de Sam Darnold, sans être convaincue qu’il soit un bust ou une star en devenir, simplement parce qu’il était mal entouré.
La Note du CCS : Tier S
Tier S : All Pro, Tier A : Excellent titulaire, Tier B : Titulaire, Tier C : Joueur de rotation, Tier D : Practice Squad
Il n’est pas impossible que Rashawn Slater soit un excellent tackle en NFL, mais son potentiel le plus fort semble être à l’intérieur de la ligne. Malgré tout son talent et ses qualités athlétiques, son avenir dans la grande ligue va beaucoup dépendre de son alignement et du système de l’équipe qui l’acquiert. Un bon fit et on parlera de lui comme l’un des meilleurs linemen offensifs de la ligue, un steal en dehors du Top 10. Un mauvais et il sera un bon, voire très bon titulaire, sans toutefois tutoyer les sommets.