Un vent de Bretagne a soufflé sur les bonnes performances françaises durant les classiques printanières. David Gaudu nous a confirmé ses qualités de puncheur en terminant sur le podium de Liège-Bastogne-Liège. Mais un autre coureur à la trajectoire étonnante fait partie des belles satisfactions de ce début de saison. Warren Barguil.
La Wawa-mania
Nous sommes le soir du 20 juillet 2017. Au termes d’étapes de montagne haletantes d’un Tour de France qui a vu plusieurs favoris (Chris Froome, Romain Bardet, Rigoberto Uran, Fabio Aru) se livrer une féroce bataille, le peloton en a terminé avec la bagarre en haute altitude après une arrivée au sommet du col d’Izoard.
Dans cette Grande boucle qui a été – contrairement aux années précédentes – pleine de suspens, c’est un petit breton d’encore 25 ans qui va conclure, en s’imposant au sommet de ce dernier col de l’édition 2017, un Tour de France qu’il aura illuminé par sa fraîcheur et son tempérament offensif. Warren Barguil, coureur français de l’équipe Sunweb.
Le natif d’Hennebont n’est pas à son coup d’essai dans le fait de braquer les feux des projecteurs. En 2013, lors de sa première année professionnelle, il avait remporté à seulement 21 ans deux victoires d’étapes sur la Vuelta. Mais pour son histoire avec la plus grande course du monde, il a fallu se montrer patient. Après deux premières participations correctes (14e en 2015 et 23e en 2016), le Breton éclabousse la Grand Boucle 2017.

Double vainqueur d’étapes, dixième du classement général et un maillot à pois solidement accroché sur les épaules. Et quelles victoires ! A la pédale, comme un taulier, face aux plus grands grimpeurs de la planète cyclisme. Il n’en fallait pas moins pour faire naître l’espoir d’un nouveau champion français venant s’ajouter à Romain Bardet et Thibaut Pinot dans l’objectif de la quête des grands tours.
La suite est plus compliquée. Barguil rejoint sa Bretagne natale en s’engageant pour l’équipe Fortuneo-Samsic. Il ne confirme pas les espoirs placés en lui en terminant dix-septième du Tour de France 2018. L’année suivante, Wawa – vêtu de son beau maillot de champion de France – accroche un top 10 au général, avec quelques performances notables lors de grandes étapes de montagne (9e au Tourmalet, 11e à Val Thorens).
Des arrivées importantes et moins de pression
Pour la saison 2020, la formation Arkea-Samsic souhaite passer un cap. Dans cet objectif, deux arrivées notables vont venir bouleverser la hiérarchie des statuts de l’équipe d’Emmanuel Hubert. La première ? Nairo Quintana. Le Colombien, vainqueur du Giro et de la Vuelta débarque en Bretagne. Un immense coup pour la formation bretonne avec le recrutement d’un grimpeur référencé à l’international. Dans un autre registre, Nacer Bouhanni arrive de la Cofidis. Un sprinteur français qui compte de nombreuses victoires en World Tour.
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Ces arrivées bouleversent l’environnement Arkea-Samsic. Barguil n’est plus l’unique star de l’équipe et l’option numéro 1 pour le classement général d’une course à étapes. L’an dernier, on l’a notamment vu travailler pour Nairoman sur le Tour de la Provence, remporté par ce dernier.
Sur le Tour, Warren Barguil a fini à une belle quatorzième place, devant son leader Nairo Quintana. Cela s’explique par un Colombien diminué par les chutes, qui a complètement lâché en troisième semaines. Cette performance du Breton montre qu’il a encore de belles jambes pour aller chercher des succès de prestige.
La fin de la Barguil dépendance
Dans le cyclisme français, un mal nous ronge depuis bien trop longtemps : tout voir par le prisme du Tour de France. Cela peut être le cas aussi bien chez les suiveurs que pour les acteurs du monde du vélo (coureurs, directeurs sportifs, sponsors).
Dans une formation invitée comme Arkéa-Samsic, le Tour de France est souvent l’énorme objectif de la saison afin de montrer aux sponsors qu’ils ne mettent pas des sous pour rien, que la Grande Boucle va leur apporter de la visibilité, et prouver aux organisateurs de l’épreuve que ça vaut le coup de donner une Wild Card à cette équipe.
Lors de ses premières années, Warren a toujours été la tête d’affiche de l’équipe Arkéa-Samsic pour le Tour. On compte sur le Breton pour briller, montrer le maillot, faire le meilleur classement général et si possible, ramener une victoire d’étape qui permettrait au sponsor de faire le tour de la planète.
L’arrivée de Quintana rabat les cartes. Peu importe son niveau, il paraît impossible de ne pas inviter une équipe où est présent un coureur qui a fait trois podiums sur la Grande Boucle, remporté deux grands tours, et qui a encore de belles années devant lui. Un Barguil le plus haut possible n’est plus indispensable. Le Breton peut alors courir différemment, se fixer d’autres objectifs, aussi bien sur le Tour que tout le reste de la saison.
La tentation des courses d’un jour
Depuis les arrivées de Quintana et Bouhanni, Barguil retrouve ses premiers flirts : les classiques. Avant son explosion sur le Tour de France 2017, le Breton avait montré de très belles choses sur ce type de course. En 2014, il finit huitième des Strade Bianche. En 2015, il termine neuvième de la Clasica San Sebastian. L’année suivante, sa constance l’amène sur plusieurs tops 10 (Flèche Wallonne, Liège-Bastogne-Liège, Tour de Lombardie, Milan-Turin).
Sa progression dans ce registre va être stoppée par son transfert. Barguil va traverser les ardennaises 2018 comme un fantôme et ne pas les courir en 2019 (forfait pour la Doyenne suite à une blessure). Le prix à payer pour tout miser sur un pic de forme juilletiste ?
Tiens, 2020 arrive ! Nairo Quintana vise la Grande Boucle, Barguil vient en lieutenant de luxe. Le Breton choisit de ne pas axer uniquement sa saison sur un grand tour. Les classiques lui font de l’œil, lui titillent l’esprit. Après le Tour de France, Wawa part à l’abordage. Quatrième de la Flèche Wallonne, neuvième de Liège-Bastogne-Liège, cinquième de la Flèche Brabançonne et de Paris-Tours. Des résultats plus que satisfaisants qui confirment que Warren n’a rien perdu de son punch.

Pour 2021, Wawa continue dans cette trajectoire. Il découvre Milan-San Remo, part sur les Flandres se tester sur les classiques pavés. Au final, il se place cinquième de Flèche Wallonne, la classique qui lui va définitivement le mieux. On note dans son début de saison une vraie volonté de rouler et de prendre du plaisir sur ce type d’épreuve. Barguil a couru en 2021 un total de huit courses d’un jour et a pris part à seulement deux courses à étapes (Tour de la Provence et Paris-Nice).
Plus surprenant, le coureur de 29 ans n’a encore jamais cette année enfilé un dossard sur la même épreuve que Nairo Quintana. Là où l’on aurait pu s’attendre à ce que les qualités montagnardes de Barguil soient constamment utilisées pour accompagner le Colombien, Arkéa-Samsic choisit d’exploiter à fond le talent du Breton sur les courses d’un jour. Le choix de la liberté pour Barguil, pour son plus grand plaisir, et le nôtre bien sûr !
Le Bretagne, ça vous gagne, dit le célèbre slogan. En Breizh, la formation d’Emmanuel Hubert souffle sur les braises des talents enfouis de Warren Barguil. Comme pour beaucoup de coureurs, la classique lui va bien, en tant qu’homme qui aime l’attaque et faire la course plutôt que de la subir. Avec comme idole un certain Alberto Contador, nul n’est surpris. Warren Barguil a de grandes qualités et de belles années pour continuer à progresser dans ces courses d’un jour tout en tentant d’aller de chercher de nouvelles étapes des grands tours, avec panache et classe, comme toujours.