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Pépé, l’Europa League pour exister

Depuis que Nicolas Pépé a posé ses valises à Londres il y a maintenant 2 ans, l’Ivoirien peine à convaincre. Buteur sur penalty en demi-finale aller d’Europa League contre Villarreal et laissé sur le banc le week end suivant face à Newcastle, voilà tout le paradoxe Nicolas Pépé. Entre le manque de confiance du gaucher et l’atmosphère pesante qui règne à Arsenal, l’Europa League semble être un rayon de soleil pour les deux parties.

Pas encore arrivé et déjà questionné

Le virage qu’a pris la carrière de Nicolas Pépé depuis maintenant deux ans à de quoi en frustrer plus d’un. Transféré pour 80 millions d’euros en à l’été 2019 après avoir ébloui la Ligue 1 avec ses dribbles virevoltant et sa superbe qualité de passe, l’ex joueur du SCO déçoit sous la tunique des Gunners. Il faut dire que l’Ivoirien n’est pas arrivé dans les meilleures conditions sur les bords de la Tamise. 

À l’époque, Arsenal cherche à se renforcer après la finale d’Europa League perdue face aux Blues d’Hazard. Avec ses 22 buts et 12 passes décisives sous le maillot des Dogues, Pépé semble être le choix idéal pour dynamiser l’attaque londonienne. Cependant, Unai Emery, entraîneur de l’époque, n’est pas convaincu par l’arrivée du gaucher. Le coach espagnol lui préférant Wilfried Zaha, déjà habitué à la Premier League. « Nous avons signé Pepe. C’est un bon joueur mais nous ne connaissions pas son caractère et il a besoin de temps, de patience. […] Je préférais quelqu’un qui connaissait le championnat et qui n’aurait pas besoin de s’adapter. Zaha a gagné des matchs à lui tout seul : Tottenham, Manchester City, nous. Des performances incroyables. J’ai dit : ‘C’est le joueur que je connais et que je veux.’ […] J’ai rencontré Zaha et il a voulu venir. Le club a décidé que Pepe en était un joueur pour l’avenir. J’ai dit : ‘Oui, mais nous devons gagner maintenant et ce garçon gagne des matchs. Il nous a battus tout seul.’” a confié Unai Emery au Guardian en mai 2020.

Pour sa première saison Pépé joue mais ne parvient pas à être aussi décisif qu’il le souhaite. Il porte 37 fois le maillot des Gunners pour un total de 8 buts et 10 passes décisives. Un rendement trop faible pour un investissement de 80 millions d’euros. Malgré quelques éclairs de génie qui ravivent les souvenirs de son aventure lilloise, l’Ivoirien ne parvient pas à gagner la confiance ni de Emery ni de Arteta, qui prend sa succession en novembre 2019. Une saison frustrante pour les supporters et les observateurs, qui comprennent malgré tout le temps d’adaptation dont peut avoir besoin un joueur qui arrive en Angleterre. D’autant plus avec l’atmosphère morose qui règne autour du club.

“Les deux saisons de Pépé sont assez frustrantes pour être honnête. Elles le sont pour des raisons qui ne sont pas nécessairement de sa faute. Son inconstance est liée à celle d’Arsenal. Il n’a jamais jamais eu l’occasion de se montrer régulièrement sur une longue durée. Entre le début de saison catastrophique d’Arsenal en 2019 qui a mené au licenciement d’Emery, qui ne voulait pas de lui d’ailleurs, le covid et à nouveau une saison horrible d’Arsenal, c’est compliqué d’être constant dans cette situation.”

Matthieu, supporter d’Arsenal

Déception et lueur d’espoir

Cette saison 2020-21 n’a épargné personne chez les Gunners et surtout pas Nicolas Pépé. Pourtant décisif après le restart dans la FA Cup remportée par Arsenal ( buteur en quart, passeur en demi et en finale), l’ancien pensionnaire de Ligue 1 n’a jamais vraiment réussi à lancer sa saison. Pire, il a fini par perdre la confiance d’Arteta et semble désormais avoir un rôle de joker au sein de l’effectif d’Arsenal. Sur 26 matchs de Premier League joués, il n’en a démarré que 13. Un bilan qui a fini par affecter le joueur au fil des matchs. “Un joueur n’est pas content quand il ne joue pas, mais c’est aussi à moi de démontrer mes qualités. Quand le coach fait appel à moi, il faut aussi que je réponde présent, que je sois plus efficace dans les deux surfaces, que je donne des ballons de but, que je marque, que je défende. Cela viendra tout seul. […] Le coach a toujours été exigeant avec moi. Il veut que je sois concentré à 100 %, pendant 90 minutes. On le voit aux entraînements, je sais que je vais débuter sur le banc. Le coach et ses adjoints me parlent. C’est frustrant pour n’importe quel joueur d’être sur le banc.” a déclaré Pépé à Canal + en novembre dernier.

Une situation qui s’est empirée quelques jours seulement après cette interview, puisque face à Leeds, pour sa deuxième titularisation de la saison, l’ex-Lillois a disjoncté en assénant un coup de tête à Ayling. Un geste qui lui a valu une exclusion en tout début de seconde mi-temps mais aussi de s’attirer les foudres de Mikel Arteta qui a qualifié ce geste “d’inadmissible”. Ce coup de tête va opérer un changement de statut pour Nicolas Pépé. L’Ivoirien joue désormais principalement les matchs des coupes et doit se contenter de titularisations ponctuelles en Premier League.

Un bouleversement frustrant pour le gaucher, mais qui est peut-être en train de s’avérer bénéfique. En effet, au travers de l’Europa League, l’Ivoirien semble s’être relancé. Avec 6 buts et 4 passes, Nicolas Pépé est tout simplement le joueur le plus décisif de la compétition. Dans une saison morne où la qualification en Europe par le championnat est fortement compromise, le salut passe par la victoire en C3. En étant décisif contre le Slavia Praha et en maintenant Arsenal en vie face à Villarreal, Pépé est-il en train de devenir un des hommes forts de la saison des Gunners ? Mikel Arteta semble en tout cas fier des progrès affichés par son joueur ces dernières semaines.

“Son éthique de travail a été phénoménale et il décide de nombreux autres matchs et fait ce qu’il peut faire dans le dernier tiers d’une manière beaucoup plus cohérente. Je suis donc vraiment content de ses performances et maintenant il doit continuer comme ça »

Mikel Arteta avant le match face à Newcastle le week-end dernier

Seul responsable de ses performances ?

Avant toute chose, il n’y a pas de mauvais joueurs, seulement des contextes. Jesse Lingard est un des exemples les plus flagrants de ces dernières années. En déroute totale à Manchester United, l’Anglais renaît à West Ham et est désormais l’un des joueurs les plus décisif de PL en 2021. Lorsqu’on se penche sur le cas de Nicolas Pépé, tout laisse à penser que sa méforme n’est pas entièrement due à une baisse de niveau de sa part.

Pour comprendre les raisons des difficultés à Pépé à Arsenal, penchons nous d’abord sur ce qui a fait son succès à Lille. Chez les Dogues, l’Ivoirien évolue sous les ordres de Christophe Galtier qui prône un jeu de transition rapide avec une très bonne assise défensive. Ainsi il peut totalement exploiter les qualités de vitesse mais aussi d’élimination de son joueur. De plus, si le gaucher est quasiment exclusivement aligné dans le couloir droit, Galtier s’en sert comme un faux ailier qui évolue dans le half-space droit pour trouver une position de tir ou de dernière passe. Un placement qui correspond presque à celui d’un meneur de jeu, ce qui octroie énormément de liberté à Pépé. Sa capacité d’élimination alliée à sa grande qualité de passe a fait de lui un poison pour les défenses de Ligue 1. Un poison d’autant plus létal grâce aux conditions dans lesquelles il reçoit le ballon, soit lancé, soit bas sur le terrain avec de l’espace à attaquer. Tout a été fait pour qu’il puisse exprimer son talent à son maximum. Un constat qu’on ne peut pas faire avec Arteta qui prône un jeu de possession plus rigide.

La heat-map des touches de balles de Nicolas Pépé lors de la saison 2018/19 à Lille (gauche) contre celle à Arsenal en 2019/20 (droite). Source illustration : tribuna.com et @jonollington sur Twitter

Cette saison, afin de relancer ses Gunners depuis trop longtemps endormi, Mikel Arteta a tenté plusieurs systèmes. Du 3-4-3 au 4-3-3 en passant par le 4-2-3-1, autant d’essais qui n’ont jamais semblé coller avec le profil du Lillois. Plus qu’une question de système, c’est avant tout une question d’animation, puisque c’est dans ce même 4-2-3-1 que Pépé s’est révélé sous les ordres de Christophe Galtier. Dans l’organisation d’Arteta, l’ex lillois est utilisé comme un ailier droit qui mange la ligne de touche afin de recevoir le ballon à l’arrêt dans les 30 derniers mètres adverses. Un choix qui pose question puisque même s’il a une capacité à trouver ses coéquipiers dans les petits périmètres, Pépé à besoin d’espace pour laisser libre cours à sa créativité. Cette même créativité qui est bridée par un positionnement le long de la ligne, qui l’écarte du rôle de meneur de jeu vers celui de pur ailier exilé sur le côté. De plus, pendant son séjour à Lille, il a pu profiter des appels extérieurs tranchants de Celik pour combiner ou libérer l’espace. À Arsenal, Arteta préfère voir Bellerin réaliser des courses intérieures, ce qui crée un embouteillage au moment de repiquer dans l’axe et incite bien souvent le latéral espagnol à jouer en retrait. Le manque de verticalité dans le jeu d’Arsenal est donc préjudiciable à un profil comme celui de Pépé. Bien évidemment, le joueur a aussi sa part de responsabilité dans son incapacité à s’incorporer dans un système, mais toutes ses données alliées à un manque de confiance et à un temps de jeu disparate, laissent donc inévitablement place à des performances non abouties.

Positions moyenne et circuits de passes lors de PSG – Lille en 2018/19 contre Manchester City – Arsenal en 2020/21. Source illustration : Arseblog.news et @jonollington sur Twitter

Pourtant, sur quelques matchs, on a pu voir Arteta tenter des choses différentes en alignant Pépé sur le côté gauche. Un choix judicieux qui a permis à l’Ivoirien d’être moins prévisible balle au pied et ainsi d’être plus en vue. De meilleures performances qui s’illustrent par les statistiques puisque c’est tout simplement le poste où il possède son meilleur bilan cette saison. Sur 8 matchs joués dans le couloir gauche, le gaucher a scoré 5 fois et inscrit 2 passes décisives. Sa récente performance à ce poste contre le Slavia Praha vient d’ailleurs confirmer son potentiel renouvellement. Pour Arteta il peut donc être judicieux de creuser cette piste afin de relancer Nicolas Pépé.

Ce jeudi face à Villarreal, Nicolas Pépé aura sans doute la lourde responsabilité d’emmener l’attaque des Gunners. S’il parvient à s’acquitter de cette tâche et à emmener son club vers une deuxième finale de C3 en trois ans, nul doute que le poids des critiques se fera moins lourd . Pour l’heure, son aventure londonienne reste bien en deçà des espérances placé en lui à son arrivée, mais à seulement 25 ans, le gaucher à encore le temps de corriger sa trajectoire et de gagner le cœur des fans.

Source illustration : Africa Top Sports

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