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Œil de coach : Josua Tuisova, fer de lance n°1 du LOU

Décidément, le LOU aime transformer ses arrières percutants en numéro 8. Avant de développer ce raccourci un peu alambiqué, il faut rappeler que c’est Lyon qui a réussi la transition de Mathieu Bastareaud dans le rôle de 3ème ligne centre. Et que sur la fin de saison, alors que le LOU est dans la course pour accéder aux phases finales, Pierre Mignoni et son staff n’ont pas hésité à s’essayer à une expérience qui a pris de plus en plus d’ampleur jusqu’à devenir la norme, à devenir l’axe principal d’absolument tous leurs lancements. Josua Tuisova est le premier attaquant.

Tuisova, boule de démolition

Sans plonger hâtivement dans une analyse tactique, il est important de peindre le portrait du plus ou moins atypique Josua Tuisova. Au milieu de cette mer d’ailier qui joue en Top 14, Tuisova surnage. Il est capable de faire la même chose que tous ses compères, mais en mieux. Ce sont ses qualités physiques qui marquent, Tuisova va plus vite, plus haut, plus loin, il est plus puissant, plus musclé, plus rapide, plus endurant… Son passé de septiste n’est pas innocent à cela. Le rugby à VII est extrêmement demandant sur le plan physique, mais ce n’est pas la seule chose que la discipline lui a apporté. Ses attitudes après contact et sa technique individuelle ont aussi été bien étoffées durant la période, même si le tout reste peu académique, cela a le mérite d’être efficace.

Le tableau est complet. La toile rendue n’est peut-être pas parfaite sur le plan défensif et sur la discipline, mais ce ne sont pas ces défauts qui empêcheront à Tuisova d’être un des joueurs les plus en vue sur le terrain. Dans le même style, on retrouve son demi-frère Filipo Nakosi, ailier de Castres, même s’il est encore loin d’être un joueur aussi abouti que son frangin.

Dans les chiffres, l’impact de Tuisova sur la réussite de son équipe est relativement pondérable. Il est en tête du classement des marqueurs d’essais à égalité avec Matthis Lebel (13). Il a en outre réussi 1,27 franchissements par match et casse en moyenne 6,8 (!) plaquages par match. Si l’on met cela en relation avec son nombre de courses (142) on peut aussi dire qu’il faut 7,5 courses pour réaliser un franchissement à Tuisova ou encore qu’il casse un plaquage toutes les 1,4 courses. Des statistiques « avancées » monstrueuses. En guise de comparaison, Nakosi réalise un franchissement toutes les 5 courses et il casse un plaquage toutes les 2,5 courses.

Lancements classiques

C’est devenu presque une norme dans le monde du rugby professionnel aujourd’hui, les équipes utilisent leurs ailiers du « type » de Tuisova en premier attaquant. Chaque club a d’ailleurs fait en sorte d’avoir ce style de joueur dans l’effectif (Bituniyata, Raka, Nakosi, etc.). Ainsi sur touches, mais surtout sur mêlées, après une ou deux passes de la charnière, l’ailier est envoyé en percussion sur l’épaule intérieure du premier défenseur (le 10 la plupart du temps) c’est ainsi un moyen d’attaquer la zone présumée la plus faible de la ligne défensive adverse. Si la tactique est simple, elle n’est pas simpliste, et surtout, elle est diablement efficace. Pour aller marquer, autant prendre le chemin le plus court possible.

Tuisova, évidemment, excelle dans ce registre. En vitesse et en puissance il fait des ravages. Il permet de mettre facilement son équipe dans le sens de la marche. La tactique est simple et efficace. À la suite d’un coup de pied, Josua Tuisova est aussi le premier joueur cherché par ses coéquipiers pour aller affronter la défense adverse. Encore une fois, vitesse, puissance, il a toutes les qualités requises pour occuper cette fonction. Il est ce fer de lance dans beaucoup de secteur de jeu au LOU.

Lancements en 8

« L’innovation » du LOU est là, dans l’utilisation de Josua Tuisova en numéro 8 lors des phases de mêlées fermées dans les 22 derniers mètres. Cette tactique a été développée pour lessiver les lancements premières mains de leurs défauts, mais aussi pour pallier à la recrudescence de blessés avec un profil quasi similaire à Tuisova sur le poste (Bastareaud, Taufua…).

Les défauts des lancements classiques

En effet, lorsqu’une équipe cherche à utiliser son ailier comme premier attaquant le lancement s’articule autour de plusieurs phases. Premièrement, la conquête, cela semble logique, mais l’équipe doit gagner le ballon avant de le jouer. Cela implique d’avoir des touches propres et une mêlée conquérante. Deuxièmement, la charnière. Pour caricaturer un peu ce style de lancement première main avec l’ailier en chef de meute, il est possible de faire une dichotomie simple : le 9 après conquête du ballon sert son 10 qui fait jouer son ailier à son intérieur, ce schéma a le mérite de fixer un joueur par le biais de l’ouvreur. Ou bien le 9 sert directement l’ailier en première intention. Dans les deux cas, des transmissions sont à prévoir. En toute logique, plus il y a de passes plus les fautes de main peuvent arriver. Avec la simplicité de ces lancements, les changements de mains du ballon sont réduits au maximum.

Cependant, tant qu’il reste des passes, des erreurs peuvent persister. Dernier point important de ces lancements, le rythme, offensif d’abord, avec les passes, mais aussi les courses qui doivent suivre une partition unique. Et défensif ensuite, avec le style de défense proposée et son agressivité. Si l’un peut se régler à l’entraînement avec des exercices et la répétition des combinaisons, l’autre demande une adaptation en cours de match pour pallier aux problèmes qu’elle engendre. Exemple : une équipe avec une montée rapide sur le 10 et resserrée autour de cette zone contrera tout simplement la tactique développée autour de l’ailier, un type de défense que l’on retrouve naturellement près des zones de marque.

La réponse du LOU

Pour pallier à tous ces petits problèmes, le LOU a pris une solution radicale, positionner Josua Tuisova à l’arrière de la mêlée sur certains lancements. Ainsi les passes sont court-circuitées, exit les fautes de main. Tuisova, par son profil, ne fait pas non plus perdre trop de puissance à son paquet d’avants, qui reste dominateur en mêlée fermée avec lui en 8. Et enfin la vitesse et surtout l’explosivité du Fidjien font des ravages lors de ses départs. Les 3ème lignes adverses n’ont tout simplement pas le temps de le plaquer dès sa sortie du regroupement.

Les défenses sont encore à 10 m avant qu’il ne sorte le ballon, Tuisova a donc ici un avantage considérable pour aller percuter ou prendre de vitesse le premier défenseur. Et si l’équipe adverse tente d’enrayer la « machine Tuisova » en positionnant le demi-de-mêlée dans sa course, il peut alors gagner en puissance. Ce n’est pas tout, puisque de par ses qualités techniques de joueur sur les lignes arrières, Tuisova a la capacité de faire jouer facilement après ou avant contact ses partenaires. En 8, il concentre, focalise, fixe ses adversaires pour donner plus d’espaces à ses coéquipiers. Et s’il doit jouer le ballon seul, alors, dans tous les cas, le LOU aura avancé et gagné la ligne d’avantage tout en étant proche des soutiens et permettant la continuité du jeu (s’il n’a pas marqué avant).

Avec Josua Tuisova en 8, Pierre Mignoni et son staff ont trouvé un moyen encore plus simple d’avancer, de marquer, qu’avec les lancements premières mains classiques autour de l’ailier. Rien n’est laissé au hasard et les phases avec les plus gros risques d’erreurs sont court-circuitées. Une tactique qui sans une petite anicroche en mêlée ou sans indiscipline de la part de la première ligne semble indéfendable. Préparez-vous à voir la boule de démolition du LOU faire des ravages en cette fin de saison que ce soit à l’aile, à la relance ou en 8.

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