La Hongrie fait figure d’outsider pour l’Euro, dans un groupe de la mort composée de la France, du Portugal et de l’Allemagne. Elle pourrait cependant créer la surprise en s’appuyant sur des joueurs talentueux, des fans transcendés et une histoire légendaire. Retour sur le passé d’un pays au palmarès remarquable, entre communisme et guerres mondiales.
Budapest, là où tout commence
Le 19 janvier 1901 est créée la première édition de la ligue hongroise de football, appelée alors Nemzeti Bajnokság I. Ce championnat réunit tout d’abord seulement cinq clubs, tous issus de Budapest. Au fil des années de nouveaux clubs participèrent à cette compétition, mais il fallut attendre plus de 40 ans et la saison 1943/1944 pour voir un club basé hors de Budapest gagner le titre.
Entre 1901 et 2000, il y eut en tout seulement 6 années où une équipe non-budapestoise a remporté le championnat. On peut aussi noter la participation du Ferencváros TC à la toute première compétition internationale de football. C’est d’ailleurs l’unique club à avoir remporté cette compétition tout en jouant encore au haut niveau national.
L’ âge d’or du football hongrois
A la suite de la seconde guerre mondiale, le championnat fut dominé par le Budapest Honvéd mené par le légendaire Ferenc Puskás. Le Major galopant permit à son club de remporter la ligue à cinq occasions. La domination de Honvéd fut suivie par celle d’un autre club, le Budapesti Vasas SC et ensuite celle du Ferencváros de Flórián Albert, attaquant qui remporta le Ballon d’Or en 1967. Ce club ouvrit une période dorée pour le football hongrois au niveau européen, avec de nombreuses performances remarquables.
Tout d’abord le Ferencváros remporta la Coupe d’Europe des villes de foire face à la Juventus en 1965, puis plusieurs clubs atteignirent les demi-finales de Coupe des clubs champions. Cette épopée hongroise se terminera avec une finale de Coupe de l’UEFA perdue par Videoton face au Real Madrid en 1985. Depuis ce match, plus aucune équipe hongroise n’a réussi à performer en Europe.

La crise post-communisme
Cependant, la chute du communisme en Europe de l’Est à la fin des années 80 couplée à l’arrêt Bosman fit chuter les finances des clubs hongrois. En découleront des années de galères sur le plan européen, les différents équipes n’arrivant que rarement à sortir des phases de poules, ainsi qu’une décentralisation du football au niveau national. Ainsi, plusieurs équipes n’étant pas issues de la capitale purent s’imposer en championnat, notamment Videoton qui s’est aussi offert le scalpel de Bordeaux en phases préliminaires d’Europa League. L’intérêt des hongrois pour leur championnat reste tout de même limité, d’après @A11Aron, journaliste hongrois à Budapest : « Les hongrois pensent que notre ligue est mauvaise, et préfèrent regarder les matchs des cinq plus grandes ligues. Ainsi, hormis pour les très grands matchs, il y a environ seulement 3 000 spectateurs pour chaque match. »

L’ équipe nationale comme étendard du peuple
L’histoire de l’équipe nationale hongroise peut être calquée sur celle de sa ligue principale. En effet, même si la Hongrie est l’un des premiers pays à former une équipe pour représenter le pays, elle sera interdite d’affronter les pays d’Europe de l’Ouest. Cette interdiction fut une conséquence de la première guerre mondiale, les nations défaites étant considérées comme des traîtres. Il fallut attendre 1924 et l’intégration de la Hongrie à la Société des Nations pour revoir la sélection jouer à nouveau contre des nations de l’Europe de l’Ouest. L’équipe hongroise obtint des résultats respectables, mais refusa de participer à la première Coupe du Monde ouverte aux professionnels. En effet, la Hongrie voulait organiser le tournoi mais fut recalée pour des raisons économiques au profit de l’Uruguay. Elle décida donc de ne pas participer à la compétition.
Le premier coup d’éclat du pays à l’échelle internationale fut lors de la Coupe du Monde 1938 en France. La Hongrie réussit alors à se hisser jusqu’en finale face à l’Italie, mais s’inclina face à la Squadra Azzurra, tenante du titre. Cette finale fut marquée par la légende du coup de pression mit par Benito Mussolini. Celui-ci aurait ordonné à ses joueurs de gagner la compétition, avec la mort comme sanction en cas d’échec. Cela fit réagir le gardien hongrois qui déclara : “On a pris quatre buts, mais au moins on leur a sauvé la vie.” Par la suite vint la seconde guerre mondiale qui mit fin à toutes rencontres internationales.

A l’instar de la ligue hongroise, la période post-guerre fut faste, avec comme maître du jeu le légendaire Puskás, qui décida de non seulement régner sur la Hongrie, mais aussi sur l’Europe entière. Il permit ainsi à son équipe plus connu sous le nom de “onze d’or hongrois” de remporter les Jeux Olympiques de 1952 ainsi que d’aller jusqu’en finale de la Coupe du Monde 1954. Ce groupe de légende ouvrit la voie à la sélection pour plusieurs années de succès avec notamment l’année 1964 où l’équipe hongroise a fini 3ème en coupe d’Europe et a gagné les Jeux Olympiques. Elle fut même double championne en titre des J.O en remettant le couvert en 1968, et en ratant le triplé de peu en 1972, l’équipe étant battue en finale. Cette période faste se clôtura en 1972 avec cet échec en finale ainsi qu’un beau parcours jusqu’en demi-finale de coupe d’Europe. Suite à cela, la sélection hongroise n’a plus réussi à s’imposer au niveau mondial, ni même au niveau européen suivant la même trajectoire que ses clubs.
Depuis 1986, la Hongrie ne s’est qualifiée qu’une seule fois pour une compétition internationale, lors de l’Euro 2016. La sélection avait alors réussi à sortir des poules mais avait été éliminée par la Belgique lors d’une cinglante défaite 4–0. Malgré ce résultat correcte, la phase de groupe pour la qualification à l’Euro 2020 fut une catastrophe avec une quatrième place du groupe E. L’équipe a eu l’occasion d’affronter l’Islande en barrage, l’Islande inscrivit le premier but et il fallut un exploit avec 2 buts en quelques minutes en fin de match pour permettre à la Hongrie de se qualifier pour l’Euro. Ainsi, la qualification est déjà une joie pour le peuple hongrois, qui cherchera à faire belle figure dans le groupe de la mort. D’après @ A11Aron, « Les supporters optimistes espèrent récupérer 1 ou 2 points en se rappelant notamment le match nul face au Portugal en 2016, mais la plupart des fans seraient déjà heureux de voir une équipe guerrière, qui donne tout sur le terrain. »
“Les fans étaient tellement excités, nous étions habitués à supporter une autre nation. Les pessimistes disaient que nous serions largement battus en 2016, et nous avons fini premier du groupe. Les gens chantaient dans la rue. Nous nous attendons à cette même atmosphère cette année.”
@A11Aron, journaliste hongrois
Une équipe taillée pour jouer le contre
Sur le plan tactique, la France, l’Allemagne et le Portugal pourront s’attendre à un bloc bas jouant la contre-attaque. Le sélectionneur Marco Rossi organisera probablement son équipe en 3-5-2 avec les immuables Orbán et Gulácsi pour garder la maison hongroise. Pour exploiter les espaces derrière la défense, la Hongrie pourra compter sur les talentueux Nagy et Sallai. On n’oublie évidemment pas la star de cette équipe, la pépite Dominik Szoboszlai. C’est le tireur de coup-franc attitré de l’équipe, et il pourrait créer la surprise que ce soit sur coup de pied arrêté ou dans le jeu. Ce beau groupe sera dirigé par leur capitaine emblématique, le buteur charismatique Ádám Szalai. Il est décrit par @A11Aron comme « un leader naturel, capable de donner des discours motivants notamment avant le match de barrage contre l’Islande ».

Ainsi, malgré le fait qu’elle est tombée dans le groupe de la mort, la Hongrie a les capacités pour montrer qu’elle est plus qu’un faire-valoir. D’autant plus qu’elle jouera tous ses matchs de groupe à domicile, elle sera donc portée par les espoirs et les encouragements de son peuple résonnant dans la Puskás Arena. Cette sélection pourrait ainsi être le grain de sel de ce groupe de la mort, car elle pourrait être capable d’être le bourreau d’une équipe trop sûre d’elle. La vigilance sera donc de mise face aux hommes de Marco Rossi.
Pour retrouver les articles de @A11Aron où il nous raconte les anecdotes du football hongrois en anglais, rendez-vous sur son twitter @A11Aron ou sur son site internet https://www.patreon.com/hungarianfootballwitharon.
La Hongrie n’a pas remporté la CdM 54 seulement finaliste : https://fr.wikipedia.org/wiki/Coupe_du_monde_de_football_1954