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Herman Moore, l’autre talent gâché

En NFL, les plus grandes légendes finissent au Hall of Fame, ce n’est un secret pour personne. Mais qu’en est-il des presque légendes ? Des monstres pas assez chanceux pour avoir évité les blessures ou les équipes mal construites ? Des excellents joueurs trop peu réguliers qui ont tout de même marqué des générations entières de fans ? Aujourd’hui, il est temps de leur rendre hommage : bienvenue dans le Hall of Very Good.

Si Lions sont connus pour avoir gâché la carrière de Barry Sanders, le Runningback aux jambes de feu n’est pas le seul à avoir subi l’incompétence de la franchise dans les années 1990. Herman Moore, receveur au physique de colosse et mains de velours est lui aussi passé à côté du destin qui lui était promis. Élu trois fois dans la 1st Team All-Pro de la ligue, il aurait dû côtoyer Jerry Rice ou Cris Carter en tête de la hiérarchie du XXe siècle chez les joueurs extérieurs.

Une performance de mi-temps normale dans le monde d’Herman Moore.

Herman qui ?

Après un passage on ne peut plus réussi à l’université de Virginie, qu’il quittera avec tous les records de l’école pour un receveur, Herman Moore est parachuté en NFL avec l’envie d’en découdre. À 1m93 pour 95kg, il est bien plus imposant que la majorité des joueurs extérieurs qui composent la grande ligue à cette époque et avec une saison séniore à 1 190 yards, c’est sans hésitation que les Lions le sélectionnent avec le 10e choix total de la draft 1991.

Seulement voilà, entre les terrains universitaires et les grands stades professionnels, il y a un monde, et le nouveau numéro 84 de Detroit va le comprendre très vite. Malgré une aisance déjà bien marquée dans la redzone, Moore peine à se faire respecter lors de sa saison rookie. En tout, seulement 11 ballons trouvent le chemin de ses mimines pour un grand total de 125 yards. (Mon Dieu, si Devonta Smith faisait ça aujourd’hui, Howie Roseman serait catapulté hors de la Pennsylvanie en moins de temps qu’il lui aura fallu pour vendre la peau de Carson Wentz.)

Heureusement, Herman Moore est un battant. Et pour le premier voyage en postsaison des Lions depuis 9 saisons, il surpasse ses statistiques de saison régulière en attrapant 10 ballons pour 156 yards et un touchdown, faisant ravaler leurs salives à tous ses détracteurs.

Detroit fête alors sa première (et dernière) victoire en playoffs depuis la fusion, les fans font le plein d’espoir, la carrière de Moore est lancée. 

Les chiffres

Le problème en NFL, c’est que sans Quarterback performant dans leur équipe, le plafond des receveurs reste assez limité. Alors pendant que Barry Sanders continue de construire son C.V. de Hall of Famer au début des années 1990s, Moore peine à se montrer sous son meilleur jour avec Rodney Peete comme chef d’orchestre de l’attaque. Ses deux saisons à plus de 900 yards ne sont pas à minimiser certes, mais dans une ligue où Cris Carter et Jerry Rice enchaînent les performances à quatre unités année après année, il lui en fallait forcément un peu plus à l’époque pour se démarquer.

Il faudra attendre sa quatrième saison chez les pros, en 1994, pour voir un coéquipier correct arriver aux côtés d’Herman Moore. Et quand on parle de « correct », on est encore loin des Brett Favre ou autre John Elway.  On parle de Scott Michel, un jeune joueur passé par les Dolphins qui revenait d’un an chez le Thunder d’Orlando, une équipe de la ligue mineure de la World American Football League et qui ne sera jamais considéré comme un grand professionnel.

Il n’empêche que pour Moore, même la plus petite des améliorations est accueillie comme le plus beau des cadeaux. Dès 1994, le Golgoth se replace dans la discussion des meilleurs receveurs du pays. Résultat : une série de quatre saisons consécutives à plus de 1 100 yards, dont l’incroyable campagne 1995 où Moore battra tous les records des Lions :

123 réceptions (record NFL à l’époque), 1 686 yards (record des Lions) et 14 touchdowns.

Trois sélections dans la 1st Team All-Pro, quatre voyages au Pro Bowl et un rêve de futur Hall of Famer dans l’esprit de ses fans. À l’époque, aucun autre WR que Jerry Rice n’avait été capable d’une telle dominance sur le terrain. Et pour être honnête, même le grand Jerry ne dégageait une telle impression de puissance.

Le style de jeu

  • Physique

Parce que oui, c’était ça le style d’Herman Moore. De la puissance, de la puissance, et encore de la puissance, mais avec un contrôle de son corps presque inégalé dans l’histoire. Si bien qu’en situation de Goal Line, il était quasiment impossible de l’arrêter en un contre un.

Vous détestez les Goal-Line Fade ? Moi aussi. Mais avec Herman Moore dans son équipe c’était toujours 6 points assurés.

  • Contested Catch

Avec une silhouette pareille, et sans l’agilité nécessaire pour créer de la séparation de manière régulière, Moore a vite appris à attraper le ballon avec des défenseurs tout autour de lui. Que ce soit au plus haut point ou dans le trafic, personne ne pouvait se vanter de le dominer sur les ballons contestés.

Le couvrir avec un seul joueur ? Ça ne sert à rien.

Contre les Doubles Teams ? Ça ne change pas grand chose.

  • Redzone Monster

On a pu constater le super pouvoir du numéro 84 sur la Goal-Line. Mais il faut savoir que le royaume du Lion s’étendait encore sur quelques dizaines de yards en arrière. C’est simple, avec sa taille, sa vitesse et sa maitrise corporelle, il était tout bonnement impossible de défendre correctement sur lui.

Vous voulez défendre devant ? Backshoulder

Vous voulez défendre derrière ? Il l’attrape devant

Vous voulez défendre parfaitement ? Peu importe. Moore est plus grand, plus fort et saute plus haut que vous.

  • Deep Threat

Pas le meilleur des route-runner, Herman Moore avait tout de même de solides arguments dans la partie basse de son corps. Sa vitesse de pointe était comparable avec les meilleurs DB de la ligue et il n’était pas rare de le voir se démarquer dans la profondeur. Dans le Post ou lors de simple go-routes, il était tout aussi dangereux que dans la redzone.

  • La puissance après réception :

Si son physique serait tout juste au-dessus de la moyenne dans la NFL actuelle, le receveur des Lions paraitrait gigantesque face aux défenseurs de l’époque. Si bien que même avec toute la bonne volonté du monde, ces derniers s’écrasaient souvent sur son passage comme des animaux apeurés.

Collectivement

La bonne nouvelle, c’est que la carrière de Moore coïncide parfaitement avec la meilleure période collective de sa franchise depuis les années 1950s. La mauvaise, c’est que cette franchise, c’est les Detroit Lions. Alors, quand on parle de meilleure période, on parle d’une seule victoire en playoffs, de trois petites saisons au-dessus des 10 victoires et d’un paquet de désillusions.

Herman Moore pourra tout de même se vanter d’avoir partagé le terrain avec Barry Sanders pendant la quasi-intégralité de sa carrière et d’avoir tiré la franchise de Detroit en haut du classement offensif à plusieurs reprises. Avec Brett Perriman et Johnnie Morton à ses côtés sur les ailes, il aura participé à rendre les Lions agréables à voir jouer le temps de quelques années. Et rien que pour ça, on peut lui dire merci.

La fin de carrière

En 1999, la carrière d’Herman Moore changera finalement radicalement après une blessure contractée au genou. De star inégalable, il passera rapidement au statut de role player, puis de joueur dispensable. En 2002, après un seul petit match sous les couleurs des Giants, il raccrochera les crampons pour de bon, emmenant avec lui les records de réceptions (670) yards (9 174) et touchdown (62) de la franchise du Michigan.

Trop limité par l’équipe qui l’entourait, par ses coachs, par son explosion tardive et par sa blessure de fin de carrière, Moore ne verra jamais le doré des vestes du Hall of Fame. Pourtant, peu de joueurs peuvent se targuer d’avoir été aussi dominant que lui au poste de receveur et, à jamais, il restera le parfait représentant du Hall of Very Good : pas assez bon pour entrer à Canton, mais assez singulier pour rester ancré dans nos mémoires.

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