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EURO 2020 : Paris, la difficile quête d’un second club dans l’élite

Qu’est-ce qui différencie Paris de Londres, Madrid, Rome, Athènes ou Moscou ? La capitale française ne compte qu’un club en première division. Ce club, le Paris Saint-Germain, a bien failli ne jamais voir le jour. Alors qu’il est passé dans une autre dimension depuis 2011 et son passage sous pavillon qatarien, peut-on imaginer qu’il soit rejoint dans l’élite par un autre club parisien ?

Une brève histoire du Paris Saint-Germain

En 1970 naît le Paris Saint-Germain, issu de la fusion entre le Stade saint-germanois et le Paris Football Club, club créé ex nihilo dix-huit mois plus tôt pour redonner à Paris une équipe professionnelle après la chute du Racing Club de France et du Stade français. En 1972, le club est scindé en deux. Le Paris FC conserve le statut professionnel et obtient le Parc des Princes tandis que le Paris SG poursuit son activité en troisième division et élit domicile au stade Georges-Lefèvre. 1974 voit la relégation du PFC en deuxième division et l’accession à la première division du PSG, qui retrouve le Parc des Princes. Un club parisien dans l’élite, c’est pour beaucoup une nécessité. L’image du football français en dépend.

En 1970/71, le Red Star est le seul représentant francilien et son identité est celle d’un club de banlieue. Auparavant, et notamment dans l’entre-deux-guerres, plusieurs clubs de Paris peuplaient la première division. C’est dans les années 1960 que le modèle économique du football français subit un grand bouleversement. Les premiers financeurs des clubs deviennent les collectivités territoriales, en particulier les municipalités. La recette adoptée par bon nombre d’entre elles ? La fusion. Un club phare par ville. Les conséquences ? Le football hexagonal se décentralise. Paris, en dépit de son statut de capitale administrative et économique, ne peut continuer à supporter la croissance de plusieurs clubs du même sport sur son territoire quand ses concurrentes concentrent leurs efforts sur un seul. Le Paris Saint-Germain est né de cette observation.

En 1969, la télévision demandait aux Parisiens s’ils souhaitaient un grand club de football dans leur ville.

Aujourd’hui, le PSG fait partie des grands d’Europe. Par ses résultats sportifs mais surtout par le rayonnement de sa marque. Son potentiel était, il est vrai, largement sous-exploité jusqu’à l’arrivée de QSI. S’il ne faut pas oublier que les Rouge & Bleu ont connu une décennie 1990 faste et couronnée de succès nationaux et continentaux, le propriétaire Canal+ n’a jamais passé la vitesse supérieure. Étant également le diffuseur de la D1, la chaîne cryptée n’entendait pas froisser ses abonnés et, pour préserver l’équité du championnat, avait par exemple renoncé au recrutement de Ronaldo. L’anecdote est à découvrir ici : Denisot revient sur l’épisode Ronaldo | CulturePSG

Les possibilités sportives et commerciales offertes par une métropole comme Paris sont donc enfin exploitées. À condition de placer des personnes compétentes dans les bureaux – c’est le cas des équipes du directeur général Jean-Claude Blanc – il était évident qu’attirer des joueurs et entraîneurs prestigieux et générer des revenus importants via les produits dérivés, la billetterie et les hospitalités serait réalisable. La question est : y’a-t-il de la place pour un autre club à Paris ?

L’exception culturelle française

Comme expliqué précédemment, le financement des clubs de football par les collectivités locales a entraîné une répartition géographique équitable des forces en présence à l’échelle nationale, jusqu’aux années 1990 et la baisse progressive de l’investissement public dans le football. Aujourd’hui, ce système a laissé place à un système capitaliste où le développement d’un club est étroitement lié au marché et au bassin économique de sa localité. La question du financement des clubs professionnels se pose toujours au sein des administrations publiques mais il est davantage question de la gestion des infrastructures (stade, centre d’entraînement et/ou de formation, etc.).

On entend souvent dire que la France n’est pas un “pays de football”. La question, ici, n’est pas de vérifier cette hypothèse mais d’expliquer en quoi les affinités de la population pour un club de football diffèrent de ce que l’on voit dans les autres capitales européennes. Imagine-t-on un Londonien supporter le Real Madrid ? Un Romain supporter le PSG ? Les affinités d’un individu pour un club, dans un pays de football, dépendent généralement de son contexte familial, géographique et sociopolitique. À São Paulo, Palmeiras est le club des immigrés italiens. Le Corinthians est le club du peuple. Naître à São Paulo implique de supporter un club paulista, celui que sa famille soutient depuis des générations. À Séville, historiquement, le Betis est populaire dans le quartier de Triana et son rival de l’autre côté du fleuve Guadalquivir.

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En 2014, ecofoot.fr avait réalisé une étude consacrée à la popularité des clubs de L1 en fonction de critères sociodémographiques.

C’est nullement comparable à ce que l’on observe en France, où les affinités dépendent davantage du contexte générationnel. Les enfants des années 70/80 auront tendance à supporter les Verts ou l’OM, leurs enfants à préférer le PSG ou l’OL, les clubs les plus en vue sur la scène sportive et médiatique ces vingt dernières années. Difficile pour un deuxième club parisien d’émerger dans ces conditions, alors que les jeunes ne supportent pas forcément le club de leur ville. Pire, ils supportent parfois un club étranger comme le Barça, le Real, le Bayern ou bien un club anglais.

Il apparaît donc difficile pour un club situé à Paris, Lyon, Marseille ou une autre métropole française de gagner l’adhésion du public s’il ne s’appelle pas le PSG, l’OL ou l’OM. La concurrence est trop forte par rapport au rapport qu’entretien la population avec les équipes locales. On se souvient de l’expérience Matra Racing dans les années 1980. Porté par le puissant industriel Jean-Luc Lagardère, qui ne manquait pourtant ni de moyens financiers ni de réseau dans le monde du football, le projet s’est rapidement essoufflé faute de dynamique collective et d’enthousiasme populaire. L’histoire est à découvrir ici : Le Matra Racing, le pari raté du mécène – Le Corner

Une seule place sur le trône ?

« Un roi, j’ai jamais vu une fève coupée en deux. » Ces paroles de Booba, issues de son dernier album, s’appliquent parfaitement à la situation du football parisien. À l’heure où nous écrivons ces lignes, il semble que le Paris Saint-Germain prenne trop de place pour qu’un concurrent puisse espérer prospérer dans la capitale. Il y eut des tentatives par le passé. Le serpent de mer d’un club résident du Stade de France en est l’illustration. Maintes fois le projet est ressorti, il en est toujours ressorti la même conclusion : seul le PSG peut remplir régulièrement l’arène dans l’agglomération parisienne. Au XXIe siècle, le Paris FC, le Red Star et l’US Créteil-Lusitanos sont régulièrement apparus au second échelon du football français. Aujourd’hui, seul le PFC semble s’y être stabilisé.

Pourquoi les clubs franciliens ont tant de difficultés à se maintenir au niveau professionnel alors que l’Île-de-France est considéré comme le plus grand vivier du football mondial ? L’un des problèmes évoqués est le déficit d’infrastructures. Après des années voire des décennies de débats, le Red Star vient enfin de trouver une solution pour son stade Bauer. La ville de Saint-Ouen l’a vendu en ce mois de mai 2021 au groupe Réalités, qui sera chargé de sa rénovation. Les travaux, prévus pour s’achever en 2024, doivent permettre au club audonien d’enfin disposer d’un outil conforme à ses ambitions sportives. Créteil, aujourd’hui en National 1, reçoit toujours dans son vétuste stade Duvauchelle dont les affluences sont loin de battre des records.

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Le mythique stade Bauer doit être rénové à l’horizon 2024. (image : redstar.fr)

Le Paris FC, récent barragiste de Ligue 2, présente des arguments sportifs pour espérer accéder à l’élite. Il peut même s’enorgueillir d’une certaine attractivité économique depuis que le royaume du Bahreïn est entré dans son capital à hauteur de 20 % en juillet dernier. En février 2018, son président Pierre Ferracci avait accordé une interview à ecofoot.fr. Il y déclarait : « Le potentiel de la région parisienne est assez remarquable. Le nom de Paris fait rêver, le Paris FC est une belle marque et tout le monde s’accorde à dire qu’il y a la place pour un deuxième club à Paris, voire pour un troisième. Mais pour des clubs comme le Red Star, Créteil ou le Paris FC, il est déjà difficile de s’installer en Ligue 2 faute d’infrastructures solides. Étant donné son potentiel, le bassin parisien mérite plusieurs clubs dans l’élite ! »

Manchester n’est pas la capitale de son pays, pas plus que ne le sont Barcelone ou Milan. Et pourtant, United et City cohabitent aux sommets de la Premier League et du football européen. Alors à défaut de Paris, peut-on imaginer un deuxième club professionnel à Lyon ou à Marseille ? C’est plus compliqué qu’il n’y paraît. D’un point de vue démographique, le potentiel de ces villes de moins d’un million d’habitants est loin d’égaler celui de Barcelone (1,6 millions) et Milan (1,4 millions). Manchester a une population comparable mais ne vit que pour le football, quand Marseille et Lyon vibrent pour d’autres sports collectifs. Avant de penser à favoriser l’émergence d’un second club dans ces villes, il faudrait déjà que le Groupama Stadium et le stade Orange Vélodrome fassent le plein plus régulièrement, les matchs à guichets fermés se comptant chaque saison sur les doigts de la main.

Comme le prouve le changement de dimension du PSG, Paris est riche d’un potentiel démographique, économique et sportif conséquent. Suffisant pour supporter les ambitions de deux clubs en première division ? Rien n’est moins sûr. Alors que le club pensionnaire du Parc des Princes monopolise l’attention, ses voisins peinent à franchir un cap faute d’infrastructures et/ou de soutien populaire suffisant(s). Les prochaines années nous dirons si le plafond de verre peut être brisé ou si le Paris Saint-Germain est destiné à la solitude et une souveraineté indisputée.

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