Ligue 1

La Ligue 1 à un tournant idéologique ?

Pochettino, Bosz, Sampaoli, Haise, Dall’Oglio, Kovac, Galtier mais aussi Gastien et Battles, il y a longtemps que la Ligue 1 n’a pas eu autant de coach avec une identité de jeu aussi marquée. Au-delà de cette identité, la philosophie de jeu tournée vers l’offensive de ces entraîneurs nous laisse envisager une Ligue 1 plus spectaculaire que les saisons passées. De quoi remettre en question la formation des coachs en France une bonne fois pour toute ?

On ne va pas se mentir, malgré la course au titre haletante qui nous a été offerte, le spectacle n’a pas été nécessairement au rendez-vous cette saison. Il y a bien sûr des circonstances extérieures à prendre en compte, comme la Covid-19 qui est venu perturber le championnat tout au long de la saison, le calendrier surchargé, mais aussi les crises institutionnelles de certains clubs qui ont inévitablement affecté le terrain. Cependant, toutes ses perturbations ne doivent pas occulter la pauvreté du spectacle proposé dans un bon nombre d’affiches. En témoignent les 16 petits points d’écart entre Rennes, européen, et Lorient, concerné par le maintien jusqu’à la dernière journée.

Se remettre en question

En pleine crise des droits TV, où l’on ne sait pas de quoi sera fait le futur des clubs de Ligue 1, redonner de l’intérêt au championnat grâce à des coachs prônant un jeu ouvert et axé sur l’émotion semble être la solution la plus viable pour la Ligue 1. De plus, à quelques semaines d’un probable retour du public dans les stades, rapprocher fans et clubs autour de cette notion de spectacle est une idée fort enthousiasmante. Pour l’instant tout ceci n’est que promesse, mais avoir des acteurs qui mettent le romantisme au centre de leur projet peut permettre de réconcilier les spectateurs avec un monde du foot qui n’a cessé de nous décevoir cette saison.

« Premièrement, j’aime le jeu. Le football reste un spectacle et il faut donner du plaisir autant aux joueurs qu’aux spectateurs. Ma philosophie est de développer du jeu au maximum. »

Olivier Dall’Oglio pour Onze Mondial

La Ligue 1 a cruellement besoin de renouvellement, d’autant plus après une saison marquée par la joute verbale entre Pablo Longoria et une large partie des coachs français. Une passe d’arme qui a mis en lumière les soucis du modèle français. Pour rappel, le président de l’OM a tenu ces propos à El Pais en avril dernier “La France, en termes de football, c’est la NBA d’Europe. On forme des joueurs très individualistes, sans concept réellement concret de jeu, précisément parce que l’on cherche encore cette identité. En France, il n’y a pas un modèle de jeu établi. Objectivement, si on analyse le marché global, c’est l’un des pays qui exporte le moins d’entraîneurs. Ils ne vendent pas d’idées collectives. Mais, au niveau individuel, c’est le pays qui exporte le plus de joueurs parce que le joueur français continue à jouer dans la rue, spécialement dans les banlieues de Paris, Marseille et Lyon. Là-bas, les enfants continuent à jouer dans la rue et cela contribue à ce que leur formation individualiste les aide à marquer des différences, mais ils ne sont pas formés pour répondre à un modèle de jeu précis.” Ainsi, il n’a pas attaqué l’entraîneur français en tant que tel, mais le problème de la formation des coachs français et des joueurs dans son ensemble. Antoine Kombouaré ou encore Raymond Domenech se sont offusqués en prenant les propos de Longoria comme une attaque contre leur management, pourtant le manque de renouvellement des idées du football français est criant. 

En réponse aux propos de Longoria, les palmarès de Didier Deschamps et de Zinedine Zidane ont été brandi par Domenech et consort. Une réponse qui est un non-sens puisque là où Longoria pointe un manque d’identité, on lui répond en parlant de résultats. Résultats acquis par un coach qui n’a jamais coaché en France et un autre qui a construit son bagage tactique par des expériences à l’étranger. D’autant plus que Didier Deschamps et Zinédine Zidane ont tous deux comme modèle le même homme, à savoir Marcelo Lippi.

En dehors de Zinédine Zidane, il n’y a eu aucun entraîneur français sur le banc d’un club du Top 4 européen cette saison. Ce qui traduit bien d’un manque d’attractivité de la méthode et de la philosophie de jeu française. C’est pour cela qu’il est important de valoriser l’arrivée sur le devant de la scène nationale de figures comme Dall’Oglio ou Haise. Trop concentrés sur le résultat, le football français en a oublié de se remettre en question et a laissé disparaître le spectacle qui a fait le charme de ce sport. Dans une période si compliquée, avoir des coachs capables d’offrir un jeu attractif malgré les limites de leur effectif est vital pour la Ligue 1.

La formation au service du collectif

La Ligue 1 ou la Ligue des Talents, c’est bien plus qu’un laboratoire à jeunes pousses qui iront faire le bonheur de grands clubs anglais, allemands ou espagnols. Si la France veut garder ses jeunes et à fortiori en attirer d’autres, ce sera avant tout par la qualité du jeu proposé. D’autant plus que le championnat de France ne possède pas les armes économiques pour rivaliser avec les autres ligues du Top 5 européen. Une thèse soutenu par Olivier Dall’Oglio, au moment de l’arrivée de Jean Lucas à Brest cet hiver,Quand on se penche sur le projet de jeu Brestois, on s’aperçoit qu’ il y a du jeu, qu’ il y a un allant offensif et ça peu plaire à certains joueurs.

À titre d’exemple, si l’Ajax Amsterdam en 2018-19 à pu valoriser ses joueurs c’est grâce à la qualité du football proposé et non pas seulement sur les éclairs ponctuels d’un talent brut. C’est le fruit d’un travail, d’une philosophie développée à tous les échelons d’un club. Si bien qu’aujourd’hui, lorsqu’un jeune signe à l’Ajax, il a la certitude qu’il en sortira grandi dans sa compréhension du jeu mais qu’il prendra aussi du plaisir. Un constat que l’on peut élargir à des clubs comme Mayence ou Leipzig qui ont su se construire une réelle identité de jeu en ouvrant la porte à de jeunes coachs novateurs comme Tuchel et Nagelsmann.

Ce souci de la formation collective des talents français s’illustre par les échecs à répétitions des espoirs, à l’image de l’élimination ce mardi de la France contre les Pays-Bas lors de l’Euro U21. Si les observateurs s’accordent à dire que cette génération fait partie des plus prometteuses qu’on ait-connu, comment se fait-il que jamais elle n’ai réussi à proposer un fond de jeu cohérent depuis des années ? Certains s’en prennent à Sylvain Ripoll, mais il est en réalité le produit d’une ligne directrice instaurée par la formation française qui ne laisse que très peu de place aux nouveaux arrivants. Ce processus qui favorise les anciens joueurs pro est expliqué dans cet article du Temps. Faciliter le processus d’accès aux anciens joueurs professionnels, c’est se priver de potentiels Jardim (champion de France pour la vanne), Mourinho, Nagelsmann ou Villas-Boas.

“Le milieu s’est protégé en se refermant sur lui-même avec, il faut le reconnaître, une certaine facilité à décrédibiliser tous ceux qui n’étaient pas du sérail. Le fossé s’est creusé lorsque le football français a délivré son propre diplôme d’entraîneur. Au Portugal, par exemple, les entraîneurs doivent passer par l’université. Nous, on s’est coupés de ce monde-là, on est devenus très consanguins. Moi, j’en souffrais déjà quand j’étais joueur, avec les collègues c’étaient toujours les mêmes discussions, les mêmes idées.”

Jean-Marc Furlan pour Le Temps

S’ouvrir à l’étranger n’est pas se renier

La saison prochaine, 4 clubs du Top 5 de Ligue 1 auront un entraîneur étranger sur leur banc (Lille n’ayant toujours pas trouvé le remplaçant de Christophe Galtier). Une perspective qui a beaucoup fait couler d’encre notamment au moment du choix de l’entraîneur Lyonnais. Ce dernier devant absolument parler le français selon les acteurs majeurs du football français comme Raymond Domenech ou Jean-Michel Aulas. Pourtant, s’ouvrir à une autre culture ne veut pas forcément dire diluer celle déjà présente. À titre d’exemple, le dernier coach Britannique à avoir gagné la Premier League n’est autre que Sir Alex Ferguson en 2012-2013 et l’on ne parle pas pour autant de disparition du modèle de jeu anglais.

Cette barrière de la langue est d’autant plus une fausse excuse, lorsqu’on sait que Marcelo Bielsa, qui ne parle pas un mot d’anglais, a été élu meilleur coach de Premier League. Les techniciens étrangers viennent bien souvent nourrir et renforcer une identité déjà bien marquée. Un constat dressé par Jean-Marc Furlan en 2019 pour Le Temps “J’ai connu l’époque où l’on croyait que le football espagnol allait mourir, et puis ce pays, l’un des plus pauvres sur le plan des idées, s’est complètement transformé en absorbant celles de Johan Cruyff. Aux Pays-Bas, en Allemagne, gagner ne suffit pas. […] D’une manière générale, le mélange, les échanges et la diversité sont autant de choses qui permettent de s’enrichir. Moi, je défends la pluralité des styles et des méthodes.

Au-delà de laisser s’asseoir des coachs étranger sur les bancs de Ligue 1, la nécessité pour nos entraîneurs de se confronter à des idées différentes et d’aller voir ce qu’il se fait ailleurs va inévitablement enrichir le football français. Christophe Galtier par exemple, ne serait sans doute pas devenu le coach qu’il est aujourd’hui sans ses expériences avec des personnes de différents horizons. “ J’ai évolué sur le plan professionnel grâce à l’échange des cultures surtout. J’ai travaillé avec mon fidèle adjoint, Thierry Oleksiak, mais aussi avec un staff international, avec des méthodologies différentes les unes des autres. Je suis convaincu aujourd’hui qu’il n’y a pas une meilleure méthodologie qu’une autre, on ne peut pas être radical. J’ai eu cette capacité à prendre le meilleur de tout le monde. Je me suis appuyé sur les uns et les autres, portugais, espagnols, français. Luis Campos m’a appris à aller prendre chez les autres le meilleur, pour fédérer derrière un projet et créer une grande dynamique.”a-t-il confié à l’Équipe.

À l’heure où l’Équipe de France espoir vient d’essuyer un nouvel échec cuisant lors de l’Euro U21, il est donc primordiale de se questionner sur le modèle de la formation dans le football français. Cependant, la nomination de coach comme Bosze, Sampaoli, Kovac, Dall’Oglio ou Haise laisse envisager un futur où les clubs français ont compris que, pour sortir de la crise, il faut valoriser le jeu. Reste à espérer que la FFF et l’UNECATEF suivent.

Source Illustration : OM, AFP, OL, L’équipe, ASM

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