Il y a presque 33 ans jour pour jour, les Pays-Bas remportaient le premier Championnat d’Europe de leur histoire, un mois après la victoire du PSV Eindhoven de Guus Hiddink, en finale de la Coupe des clubs champions européens face au Benfica. Un succès total, pour un pays qui avait essuyé deux échecs très difficiles à la Coupe du monde 1974 et 1978. C’est la seule fois de l’histoire du football qu’une nation a réussi un tel doublé. Néanmoins, il ne faut pas oublier l’Allemagne de l’Ouest en 1974, qui parvient à réaliser le doublé avec la Coupe du monde à domicile ainsi que la C1 avec le Bayern Munich et son premier sacre dans la compétition. C’est donc une performance historique que nous allons tenter de vous raconter…

Essayons de respecter la chronologie en narrant, en premier, le succès du PSV Eindhoven en Coupe des clubs champions européens. C’est arrivé le 25 mai 1988 au Neckarstadion, l’ancien nom de la Mercedes-Benz Arena, le stade du VfB Stuttgart. Mais avant cela, un rapide coup d’œil dans le rétroviseur s’impose.
Un succès paradoxal
Nous sommes à la fin des années 80 et le club rival de l’Ajax est en pleine domination domestique. En effet, le PSV vient de remporter les deux championnats précédents devant son ennemi juré. La réussite est permise par deux entraîneurs successifs : Jan Reker et Johannes Kraay. Tous deux sont assistés par un certain Guus Hiddink. Récemment retraité des terrains (depuis 1982), ce dernier devient entraîneur adjoint en juillet 1984, puis promu en tant que numéro un en mars 1987. Son équipe est deuxième à trois points derrière l’Ajax Amsterdam, avec deux matchs en retard. À la fin de la saison, il parvient à inverser la tendance en remportant l’Eredivisie avec six points d’avance sur son éternel rival.
C’est donc sur une superbe dynamique que débute la saison suivante, celle de tous les succès. En championnat, l’équipe de Guus Hiddink démarre sur les chapeaux de roue, puisque sur les 18 premières journées, l’équipe gagne… 18 fois ! Seule une défaite face à Galatasaray, au match retour des 1/16e de finale de la C1, à Istanbul 2 à 0 vient ternir le bilan de la première phase. La reprise au mois de janvier est plus difficile, mais le club d’Eindhoven ne perd son premier match domestique qu’au mois de mars, après un déplacement sur la pelouse du Feyenoord. Dans le même temps, les coéquipiers de Ronald Koeman se qualifient en demi-finale de C1 après avoir éliminé les Girondins de Bordeaux lors du match aller, à l’aide du but à l’extérieur. Effectivement, les Néerlandais font match nul 1-1 au Parc Lescure grâce au but égalisateur de Wim Kieft – qui partira d’ailleurs à Bordeaux trois saisons plus tard -, le numéro 9 flamboyant aux 29 buts en Eredivisie cette saison-là.

À la fin du mois de mars, le PSV Eindhoven se qualifie pour les quarts de la KNVB Beker (la Coupe des Pays-Bas de football). En championnat, Hiddink et ses hommes possèdent 8 points d’avance sur l’Ajax Amsterdam à cinq journées de la fin. Le matelas est confortable, mais la priorité est ailleurs. Au début du mois d’avril, le PSV doit affronter le Real Madrid de Léo Beenhakker, l’entraîneur néerlandais du moment. C’est alors que le scénario se répète puisque le PSV se qualifie de la même façon qu’au tour précédent : 1-1 à l’extérieur, 0-0 à la maison. Guus Hiddink et son club atteignent alors pour la première fois, la finale de Coupe des clubs champions européens !
Le 25 mai, le PSV Eindhoven a déjà accompli une magnifique saison et remporter la C1 constituerait l’apothéose. Au début du mois, le club remporte le championnat puis quelques jours plus tard, la coupe domestique. En réalisant le triplé, le club d’Eindhoven égale la performance de l’Ajax lors de la saison 1971-1972. Depuis, Manchester United l’a fait en 1998-1999, l’Inter Milan en 2009-2010, le Barça en 2008-2009 et 2014-2015 et le Bayern Munich en 2012-2013 et 2019-2020. Nous avons oublié un club : le Celtic Glasgow. Ce dernier est parvenu à faire le triplé avant tous les autres, c’était en 1966-1967, lorsque les Bhoys avaient triomphé du grand Inter Milan d’Helenio Herrera…

Voici donc ci-dessus les compositions des deux équipes, offrant deux 4-4-2 à plat. Parmi les joueurs du Benfica, on reconnaît notamment Carlos Mozer, António Veloso (le père de Miguel Veloso), Rui Águas (le fils de José Águas, très grand numéro 9 du Benfica du début des années 50 au début des années 60) et Silvino Louro (l’entraîneur des gardiens qui a suivi José Mourinho de Porto à Manchester United). Du côté du PSV, on retrouve notamment le gardien Hans van Breukelen (gardien néerlandais titulaire lors de l’Euro 88), Jan Heintze (célèbre arrière-gauche danois des années 80 et 90), Wim Kieft, Eric Gerets, Søren Lerby (fantastique milieu offensif danois des années 70 et 80) et évidemment Ronald Koeman.
Il n’y a pas beaucoup de choses à raconter sur cette finale. Le score final est de 0-0 et le spectacle a été très pauvre. Il faut attendre la séance de tirs aux buts pour voir les Néerlandais remporter le match. C’est António Veloso qui loupe sa tentative (la 6e de son équipe), face à van Breukelen qui avait écouté son ancien entraîneur Jan Reker et avait plongé du bon côté. Les deux avaient développé une relation particulière, puisque le second conseillait régulièrement le premier à propos des séances de tirs aux buts.
Mais pourquoi utiliser l’expression “succès paradoxal” ? Premièrement, le PSV Eindhoven a tout remporté sur le plan national, ne concédant que cinq matchs nuls et deux défaites. Lorsqu’on regarde la physionomie de la rencontre, il s’avère qu’elle a été très ennuyante et cela contraste avec la magnifique saison du PSV. De plus, le football néerlandais constitue la référence tactique et philosophique du football. Avec Rinus Michels et Johan Cruyff notamment, le football est révolutionné, car le “beau” devient le centre névralgique de la réflexion. Cependant, le PSV de Guus Hiddink s’inscrit en faux et offre une vision contradictoire de la tendance nationale. D’autant qu’au même moment, Johan Cruyff vient d’achever sa dernière saison en tant qu’entraîneur de l’Ajax Amsterdam, après avoir remporté la C2 (Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe) la saison précédente.
Un mois plus tard, la sélection nationale parachève le succès néerlandais
Les Pays-Bas débutent mal l’Euro puisque la sélection entraînée par Rinus Michels perd son premier match 1 à 0 face à l’URSS le 12 juin à Cologne. Les Néerlandais abordent cette compétition dans la peau d’un outsider puisque les grands favoris sont les Allemands. Statut logique au vu de leurs dernières performances (champion d’Europe en 1980, puis finalistes à la Coupe du monde 82 et 86), en plus du fait qu’ils disputent la compétition à domicile. C’est une terre qui ravive des souvenirs douloureux aux Oranjes puisque c’est ici qu’ils perdent la finale de la Coupe du monde 1974, un traumatisme pour tout un peuple. Quatre ans plus tard, c’est une nouvelle défaite en finale face à l’Argentine de Mario Kempes qui entretient la malédiction. Les Néerlandais sont, en effet, vus comme des loosers.
Mais lors du Championnat d’Europe 1988, les hommes de Michels tiennent leur revanche. Il faut savoir que le groupe est alors composé de très grands joueurs, au nombre de 20. Il y a donc notamment, Hans van Breukelen, Ronald Koeman, Ruud Gullit, Marco van Basten, Erwin Koeman et Frank Rijkaard. La moyenne d’âge est de 26 ans et offre un mélange de jeunesse et d’expérience très intéressant. Dans le groupe, 5 joueurs proviennent du PSV Eindhoven, 5 de l’Ajax Amsterdam, 2 de l’AC Milan, 2 de la D1 belge, 1 du Real Saragosse et les joueurs restants jouent dans le championnat néerlandais.

Les qualifications préalables se sont bien déroulées, avec la première place, offrant l’unique ticket qualificatif, devant la Grèce, la Hongrie, la Pologne et Chypre. Lors de la phase finale, seules 8 sélections nationales participent et sont réparties au sein de deux groupes de 4. Les Pays-Bas tombent dans le second avec l’URSS donc, l’Irlande et l’Angleterre. Après la défaite inaugurale, les coéquipiers du capitaine Ruud Gullit se rachètent en disposant des Anglais sur le score de 3-1, avec un triplé de van Basten. Lors du troisième et dernier match de poule, les Oranjes se qualifient pour les demi-finales en battant les Irlandais 1 à 0 et cette fois-ci, c’est Wim Kieft, l’attaquant du PSV, qui inscrit le but.
En demi-finale, à Hambourg, les Pays-Bas sont opposés à l’Allemagne de l’Ouest pour un match qui fait office de revanche. Elle a bien lieu, puisque l’hôte ne parvient pas à rallier la finale. En cause, un but de van Basten à la 88e qui qualifie les siens. Les voilà en finale d’un Championnat d’Europe pour la première fois de leur histoire !

La finale se déroule à Munich dans le Stade olympique et constitue une nouvelle revanche pour la sélection de Rinus Michels. En effet, quelques jours auparavant, l’URSS avait gagné 1 à 0 lors du premier match de poule. Nous connaissons les joueurs néerlandais, mais pas tous ceux évoluant dans le camp adverse. On peut alors notamment citer Rinat Dasaev (gardien de but légendaire des années 80), Igor Belanov (Ballon d’Or 1986) et Aleksandr Zavarov (très grand milieu de terrain du Dynamo Kiev).
Ruud Gullit marque le premier but du match à la 33e, de la tête après une remise de Marco van Basten. C’est à ce moment-là que tout bascule et les joueurs soviétiques font davantage d’erreurs individuelles permettant au bloc néerlandais d’évoluer un cran plus haut. En effet, la première demi-heure était à l’avantage de l’URSS entraînée par le légendaire Valeri Lobanovski, avec un pressing haut et constant. Malheureusement, la possession était trop stérile et ses joueurs n’ont pas su en profiter.
La seconde mi-temps repart fort et les Soviétiques tentent de marquer très tôt, mais Marco van Basten va marquer l’histoire du football en inscrivant une volée extraordinaire, sans contrôle, sur le côté droit de la surface, malgré un angle très difficile pour être en position de marquer. Le score est porté à 2-0 et on pense que le sort du match est scellé. Igor Belanov voit l’une de ses tentatives échouer sur le poteau quelques minutes plus tard, puis loupe un penalty à la 59e. Le score ne changera pas, les Pays-Bas sont champions d’Europe… la malédiction est brisée !

Ce triomphe est entré dans la postérité. Grâce au but historique de van Basten, décrochant son premier ballon d’or à l’issue de l’année écoulée, les Oranjes vengent ceux de Cruyff dans les années 70. Malheureusement, la suite n’a pas été glorieuse et la sélection néerlandaise n’a pas remporté la Coupe du monde, la faute à un Iker Casillas un soir de juillet 2010…