30 Juin 1996 au Stade Wemblay à Londres, finale de l’Euro 96. L’un des grands favoris, l’Allemagne, affronte l’équipe surprise de la compétition : la République Tchèque. Surprise par son nom, très récent puisque le pays appartenait jusqu’en 1993 à la Tchécoslovaquie. Surprise par son parcours également, qualifié in-extremis après la phase de groupes et vainqueur du tenant du titre, la France. Si nous connaissons tous le résultat, le troisième sacre des allemands, le parcours de la Tchéquie vaut bien un hommage, 25 ans après.
Premier Euro après le chaos
L’Euro 1996 constitue bien le premier Euro de la Tchéquie (autre nom de la République Tchèque) mais pour bon nombre des joueurs du pays, ce n’est pas le premier Euro, étonnant non ? En effet, beaucoup ont représenté la Tchécoslovaquie jusqu’en 1993, qui connaissait alors un certain déclin malheureusement. Mais revenons aux prémices.
Le football tchèque naît entre 1890 et 1900 en Bohême ou Bohême-Moravie, nom du territoire tchèque qui appartenait alors à l’Empire austro-hongrois. Sa fédération naît en 1901, son équipe en 1903 et jouera jusqu’en à la fin de Première Guerre Mondiale, où la Bohême est annexée à la Tchécoslovaquie. C’est alors le début de près de 60 ans de nombreux hauts et quelques bas.
Finaliste des JO 1920, abandonnant face à la Belgique en fin de première mi-temps suite à une bagarre, la Tchécoslovaquie atteint également la finale de la Coupe du Monde en 1934. Suite à une période de creux, la marche en avant reprend dans les années 60s, avec une autre finale de coupe du monde en 1962 et surtout une victoire à l’Euro 1976 et aux JO en 1980.
La suite est bien connue : la Tchécoslovaquie est éclatée au début des années 1990 et la République Tchèque devient indépendante en 1993. La première compétition sera donc les qualifications à l’Euro 1996.
Un parcours XXL
Le premier exploit des tchèques réside dans leur qualification directe pour l’Euro 96. Dans un groupe comptant notamment les Pays-Bas, ils ne perdent qu’un seul match (contre le Luxembourg !) et finissent en tête avec 21 pts. Première tentative et déjà première qualification pour la jeune Tchéquie.
Le tirage au sort de l’Euro ne leur est pas favorable. Si la Russie peut faire office d’adversaire abordable, l’Italie, championne du monde 2 ans plus tôt, et l’Allemagne, finaliste de l’Euro 92, semblent être des montagnes bien trop hautes à franchir. Le premier match contre les Allemands confirme d’ailleurs cette impression : sur des buts de Ziege et Möller, la Mannschaft s’impose logiquement 2-0. Mais l’improbable se produit ensuite.
Grâce à des buts de Nedved et Bejbl, la République Tchèque s’impose à Anflied contre les champions du monde italiens 2 buts à 1, le but italien étant inscrit par Chiesa (Enrico et non pas son fils Federico).
S’en suit un scénario fou pour dernier match : les tchèques mènent 2-0 après vingt minutes de jeu, puis voient la Russie revenir en seconde mi-temps et même passer devant à la 85ème minute. La Tchéquie est alors éliminée. Mais trois minutes plus tard, Smicer égalise et envoie ses coéquipiers en quarts de finale, terminant devant l’Italie à la confrontation directe !
La suite, les français plus âgés la connaissent. Après une qualification dans un match étriqué contre le Portugal (1-0), les tchèques emmènent les bleus jusqu’à la séance de tirs au but, malgré un penalty de Reynald Pedros arrêté par le gardien Petr Kouba. Ironie du sort, ce dernier arrête à nouveau le penalty de Pedros, envoyant la Tchéquie en finale, pour son premier euro !
L’occasion est magnifique pour les tchèques, en pleine de confiance et qui affrontent une Allemagne amoindrie par les blessures mais qui les a battu en poules. Deux joueurs sont nouvellement appelés pour la finale et Jürgen Klinsmann doit même jouer malgré un mollet blessé. Après une première mi-temps tendue, les tchèques entrevoient la gloire par l’intermédiaire d’un penalty transformé par Berger à la 59ème minute.
Le reste appartient à l’histoire, avec l’entrée légendaire d’Oliver Bierhoff, qui égalise à la 73ème minute. Instaurée pour la première fois dans une grande compétition en 1996, la règle du but en Or permet à ce même Bierhoff d’offrir un incroyable titre à l’Allemagne, le troisième à l’Euro.
Une génération dorée
La première compétition de l’histoire du football tchèque indépendant est finalement son point culminant. Depuis, si la République Tchèque a atteint les demi-finales de l’Euro 2004, elle n’a jamais réédité son exploit de 1996. Si son statut de surprise a pu l’aider à déjouer les pronostics, la Tchéquie doit en grande partie sa réussite à ses joueurs et son système.
Même si elle apparaît parfois en 5-4-1 (notamment contre le Portugal), son système privilégié était le 3-4-3 dans une défense à 3 gouvernée par le capitaine de la sélection et héros national : Miroslav Kadlec. De 1990 à 1998, il participe à l’une des époques dorées du FC Kaiserslautern, qui remporte le titre en Allemagne en 1991 et 1998. Son Euro 96 est impressionnant avec en point d’orgue son titre d’homme du match face à la France en demi-finale. Il inscrit notamment le penalty de la victoire.
Néanmoins, le meilleur joueur tchèque de la compétition est à retrouver au milieu de terrain, en la personne de Karel Poborský. Alors âgé de 24 ans, il aborde l’Euro après une très belle saison au Slavia Prague. Il réalise une compétition extraordinaire, élu homme du match du quart de finale et de la finale perdue face à l’Allemagne, où il est à l’origine du penalty tchèque. Après l’Euro, il signera à Manchester United pendant 2 ans et il totalisera 118 sélections avec la Tchéquie, recordman pour un joueur de champ, seulement battu par Petr Cech (124).
Chez le meilleur ennemi du Slavia, le Sparta Prague, on retrouve un autre joueur qui éclot à l’Euro et deviendra une légende en son pays : Pavel Nedved. Également âgé de 24 ans, Pavel réalise une très belle saison avec le Sparta, il se révèle aux yeux du monde et de l’Italie à l’Euro, inscrivant un but face à la Squadra Azzurra. Suite à cet Euro, il est recruté par la Lazio qui polit son talent jusqu’en 2001, où il rejoint la Juventus pour écrire sa légende, avec en point d’orgue le Ballon d’Or 2003.
Si la République tchèque était pleine de jeunes talents, elle avait également besoin de tauliers pour les encadrer, et Vaclav Nĕmeček a parfaitement rempli ce rôle. Âgé de 29 ans en 1996, celui qui est notamment passé par Toulouse évoluait alors en Suisse, au Servette Genève. Capitaine lorsqu’il était titulaire, Nĕmeček apportait également toute son expérience lors de ses entrées. Nul doute que sa suspension pour la finale a porté préjudice à son équipe, qui a craqué en prolongations.
Parmi les belles histoires de l’Euro, l’épopée tchèque de 1996 figure parmi les plus marquantes. Aussi bien pour le parcours des tchèques, éliminant les cadors un par un, que par son final si tragique, seulement battus par ce but en or. Cette génération dorée a laissé un héritage dur à porter pour les générations suivantes, qui n’ont jamais pu également cette performance. 25 ans après, il reste des bribes de souvenirs, des images, des joueurs, et un petit sourire à chaque fois qu’on y pense.