En 28 années d’existence, l’UFC s’est installée sur la plus haute marche du podium des plus grandes promotions d’arts martiaux mixtes. Même si le Bellator ou le ONE ne sont pas très très loin et gagnent du terrain, les combattants ne rêvent que d’une fédération et c’est celle de Dana White. Sur ces presque trois décennies de combats, on en a eu pour tous les goûts : hommes comme femmes, lourds comme légers… nous ne comptons même plus le nombre de combats qui s’y sont déroulés. Et pour les cinq semaines à venir, nous allons vous parler des combats à l’issue inattendue, des combattants qui se sont démenés et qui ont remporté leur combat, contre toute attente. Et pour ce premier volet, retour en 2007.
Mise en place du combat
Pour cet UFC 69, qui se déroula donc le 7 avril 2007, Dana White a déployé les grands moyens. De jolis noms furent à l’affiche, comme par exemple dans le combat qui opposa les deux welter à suivre à l’époque, Josh Koscheck et Diego Sanchez, placé en co-main-event. Tout ça pour mettre en place la première défense de titre du québécois Georges Saint-Pierre face à son challenger, Matt Serra.
Revenons un peu en arrière. Matt Serra est à l’UFC depuis 6 ans, et alterne entre victoires et défaites. A bientôt 32 ans, il semble stagner et n’est pas parmi les possibles champions, voire même challengers. Il n’est qu’un combattant “lambda” à l’époque. Il participe donc à la quatrième édition de “The Ultimate Fighter”, qui diffère des autres éditions étant donné qu’elle met à l’image des combattants qui ont déjà combattu dans l’organisation. Dans ce tournoi, Matt Serra sort son épingle du jeu et parvient à remporter l’édition en battant successivement Pete Spratt (sur soumission), Shonie Carter (sur décision unanime), et Chris Lytle (sur décision partagée). A la clef, une bourse de 100.000 dollars, un sponsoring à hauteur de 100.000 dollars également et ce title-shot face au champion. Et voici comment il se retrouve dans l’octogone plusieurs mois plus tard face à l’illustre champion canadien.
De son côté, le natif de Saint-Isidore raye tout sur son passage et à ce moment de sa carrière, il ne connaît qu’un échec, mais pas des moindres : pour son premier combat pour la ceinture, il se fait soumettre par Matt Hughes qui remporte le titre des poids welters, vacant. Il fait un petit combat dans une fédération canadienne, la TKO, dans laquelle il remporte le titre avant de revenir à l’UFC et d’enchaîner la victoire et d’également prendre sa revanche face à Matt Hughes dans une rivalité qui marqua les esprits. Avec ce titre de champion, et un palmarès de 13-1, il est clair que “Rush” repartira d’Houston avec la ceinture autour de la taille.
Un combat explosif
Le new-yorkais rentre dans l’arène confiant, assez distrait par la foule et s’amuse tout en restant serein et concentré sur son objectif qui est de remporter le titre. Pas grand monde ne donne cher de sa peau, mais son coin et son entourage l’entourent, donnant une impression de vague déferlant sur le Toyota Center. Bonnet noir et t-shirt à son effigie, “The Terror” affiche sa détermination et les commentateurs le tarissent d’éloges. Il faut dire que l’homme est un vrai guerrier, tueur au sol et efficace avec ses poings.
Le champion entre à son tour. Dans son habituel kimono aux couleurs du pays du Soleil Levant, il arrive conquérant, ignorant la foule, avançant droit et rapidement aux abords du ring. Mike Goldberg et Joe Rogan mettent également en avant ses qualités athlétiques surprenantes, mais aussi son panel technique intéressant : Georges Saint-Pierre est une bête dans tous les compartiments possibles et il n’y a aucun doute, “Rush” va “rouler sur la catégorie un bon moment”.
Le face-à-face entre les deux hommes est symbolique : Le champion est plus jeune, plus grand, plus costaud même si “The Terror” est un sacré bonhomme. Les deux hommes se respectent énormément, et le combat peut démarrer.
Serra se positionne d’emblée au centre du ring et quadrille chaque mouvement du canadien, les premières secondes sont déterminantes pour l’approche du combat et les deux hommes n’échangent pas énormément de coups. GSP utilise surtout les pieds, et Matt Serra tente de réduire l’allonge et de travailler en contre. Le combat s’emballe un petit peu au bout d’une minute, et les hommes commencent à bourriner. Le challenger travaille surtout avec des directs rapides pour déstabiliser et gêner Saint-Pierre, qui lui répond encore avec ses pieds, sans vraiment de succès. Et sur un enchaînement anodin… GSP est touché à la tempe. Il se replie contre la cage et reperd l’équilibre, ouvrant la porte à une nouvelle attaque de Serra. Ce dernier se jette sur le champion, et ne le lâche plus. Les trente secondes qui suivent sont fascinantes, le challenger a pris le dessus et chacun de ses coups connecte “Rush” qui tente tant bien que mal de garder la face et de se défendre… mais c’est trop tard. Dans un ground and pound dévastateur, la Terreur oblige l’arbitre à arrêter le combat, au vu de l’état de GSP qui ne pouvait plus rien faire et qui commençait à s’endormir. Quelle surprise.
La foule est partagée entre l’incompréhension et l’euphorie. Personne ne sait vraiment ce qu’il s’est passé, comment Matt Serra a pu terrasser aussi rapidement l’un des combattants les plus solides du circuit actuel? En tout cas, cet improbable scénario a eu lieu et il comble énormément de fans, dont l’ancien champion welter Matt Hughes qui était présent et qui a “adoré voir ça”. Matt Serra a désormais la ceinture autour de la taille et au vu du combat, il ne l’a pas volée.
Et ensuite?
Cette défaite sera la deuxième, et dernière de la carrière de l’illustre canadien. Dans l’interview de fin de combat, GSP salue la performance du nouveau champion mais affirme son envie d’avoir un rematch. Et ses vœux seront exaucés quasiment un an jour pour jour plus tard, après avoir vaincu Josh Koscheck et avoir mis un terme à sa rivalité avec Hughes en le soumettant. Et cette fois-ci, il s’imposera et récupèrera sa ceinture en dominant Matt Serra et en le finissant avec des coups de genou dans le corps, dès le second round.
Il défendra sa ceinture à neuf reprises avant d’abandonner la ceinture et de s’éloigner du MMA un certain temps, en 2013. Il reviendra quatre ans plus tard, en middleweight cette fois-ci et remportera le titre face à Michael Bisping sur soumission. Et il tirera sa révérence une bonne fois pour toutes, à cause de problèmes de santé. Il sera intronisé au Hall of Fame de l’UFC et est l’un des meilleurs combattants que la fédération de Dana ait jamais connu.
Matt Serra, lui, perdra la ceinture dès sa première défense et malgré une superbe victoire contre Frank Trigg, il perdra à deux reprises, une fois face à Matt Hughes et l’autre face à Chris Lytle, comme un symbole : c’est ce même adversaire qu’il avait battu afin d’affronter GSP… et sa défaite marquera la fin de sa carrière. En 2013, il avait annoncé que s’il se battait à nouveau, ce ne serait pas ailleurs qu’au légendaire Madison Square Garden. Combat qui n’aura donc jamais vu le jour.
Quoiqu’on en dise, et même si paradoxalement cette victoire n’a pas eu de réelle incidence sur la carrière des deux combattants, elle a au moins eu le mérite de mettre la lumière sur cet homme que personne n’attendait au sommet et qui s’y est pourtant retrouvé, durant près d’un an. Cette défaite aura aussi eu du bon pour Saint-Pierre, qui abordera la revanche différemment, en travaillant au sol et en évitant le striking. Et ce combat aura marqué son époque, nommé “plus grande surprise de l’année” par de nombreux médias américains, et même “plus grande surprise de la décennie” par Sports Illustrated et Bleacher Report. Et il est le parfait exemple de la règle de base du MMA : aucun combat n’est joué d’avance.