Le meilleur espoir argentin. Voilà comment Thiago Almada est souvent présenté. À vingt ans, le meneur de jeu de Vélez Sarsfield attise la convoitise des recruteurs européens. Avant de penser à un transfert sur le Vieux Continent, Almada aura à cœur de mener l’Albiceleste vers son troisième titre olympique. Deuxième volet d’une série en 5 épisodes concentrés sur autant de talents qui peuvent briller durant ces JO. Et dans la décennie à venir, accessoirement.
Épisode précédent : Amad Diallo, à la conquête du monde
Opposés à l’Égypte, à l’Australie et à une très séduisante sélection espagnole, l’Argentine devrait être en mesure d’obtenir son billet pour les quarts de finale. Hormis le défenseur lensois Facundo Medina, c’est encore dans le secteur offensif que les Argentins se démarquent avec la présence d’Almada et des bien connus Ezequiel Barco et Adolfo Gaich. Médaillée d’or en 2004 sous Marcelo Bielsa puis en 2008 avec les cracks Lionel Messi et Ángel Di María, la sélection olympique argentine pourra-t-elle compter sur un Thiago Almada de gala ?
Pour revivre l’épopée : L’Argentine des JO 2004 : le chef-d’œuvre de Marcelo Bielsa – La Grinta
El Pibe de Fuerte Apache
Thiago Almada (2001) est un gamin de Fuerte Apache. C’est dans ce quartier pauvre de Ciudadela, faubourg de Buenos Aires, qu’avait grandi Carlos Tévez. Il s’agit d’un des endroits les plus dangereux d’Argentine. À l’âge de cinq ans, il rejoint le Club Atlético Vélez Sarsfield. C’est avec ce club qu’il fait ses débuts dans le monde professionnel. Le 11 août 2018, à 17 ans, 3 mois et 16 jours, il est lancé dans le grand bain par un certain Gabriel Heinze, entraîneur de Vélez, à la 64e minute d’un match de Primera División, à la place de Lucas Robertone. Succès 2-0 contre Newell’s Old Boys. On commence alors à parler de Thiago Almada comme un joueur spécial. Cette même année, il figure dans une liste du Guardian intitulée « 60 des meilleurs jeunes du football mondial ».

Almada a profité de certaines compétitions internationales pour révéler son talent au grand jour. À 17 ans, il est un élément essentiel de l’Argentine finaliste du championnat sud-américain des moins de 20 ans. Sous les couleurs du Vélez Sarsfield, il est élu dans le onze type de la Copa Sudamericana 2020. Cette saison, les performances de Thiago Almada ne sont pas conformes à son talent. Accusé d’agression sexuelle depuis décembre dernier, le jeune milieu de terrain donne parfois l’impression d’avoir la tête ailleurs. À ces déboires extrasportifs s’ajoute la perte de certains repères. Le 3-3-1-3 de Heinze – fils spirituel de Bielsa – au sein duquel Thiago Almada jouait le rôle de n°10, permettait de le mettre en valeur. Le coach Heinze est parti du côté d’Atlanta en MLS tandis que les excellents Robertone et Braian Cufré se sont exilés en Espagne.
Pour en apprendre davantage : Les 5 filiations entre Heinze et Bielsa – La Grinta
El Próximo Diez
Attardons-nous sur le profil et le style de jeu de Thiago Almada. La pépite de Vélez possède un gabarit frêle (1,71 m, 65 kg), est droitier et son poste de prédilection est milieu offensif axial. S’il a grandi comme fan de Juan Román Riquelme, ses caractéristiques sont toutefois différentes. Almada entre tout de même dans la lignée des numéros dix argentins. Reste à savoir comment il serait utilisé en cas de départ dans un championnat européen…
On ne résiste pas à la comparaison. Par certains aspects, Thiago Almada rappelle inévitablement Leo Messi. Sa fréquence d’appuis est impressionnante, de même que sa capacité à changer de rythme et/ou de direction en pleine course. Il sait se servir de son corps pour conserver le ballon sous pression, a une excellente protection de balle. Enfin, ses feintes de regard et de corps pour masquer ses intentions ainsi que ses passes cachées sont parfois dignes de son compatriote.


À en juger par ses postes joués et par sa heatmap, Thiago Almada est un joueur polyvalent, capable de jouer milieu relayeur comme à la pointe de l’attaque et d’évoluer dans l’axe ou sur un côté. En revanche, certains éléments de son jeu sont susceptibles de refroidir un entraîneur qui souhaiterait l’utiliser à telle ou telle position. Par exemple, son jeu aérien inexistant peut poser problème au milieu de terrain ou dans la surface de réparation. Sur une aile, bien qu’Almada soit un joueur rapide et vif, sa qualité d’appel et d’explosivité pourrait se révéler insuffisante. Du reste, si tant est qu’il intègre un collectif fonctionnel dans lequel on lui laisse suffisamment de liberté, Thiago Almada a tout pour être un formidable ajout. Il est sans doute le plus gros talent issu du championnat argentin depuis Lautaro Martínez.
Capable d’éliminer par le dribble en 1 contre 1, Almada est un joueur vif, habile dans les petits périmètres et adroit pour organiser et éclairer le jeu. À ses débuts en pro, on pouvait noter une certaine réticence à lâcher le ballon. S’il a travaillé dur pour gommer ce défaut, Thiago Almada reste un joueur qui vit pour et par le ballon. Il est néanmoins capable de se mouvoir dans l’espace libre et de remiser en une touche vers un partenaire, comme il le fait de plus en plus. Prise d’information, vision du jeu, qualité de contrôle, aisance technique. Almada réunit tous les attributs du dix. De plus, c’est un joueur à l’aise dans le jeu long et bon tireur de coups de pied arrêtés. Mais dans quelle configuration est-il fait pour briller ?
Numéro dix naturel, Thiago Almada ne débarquera pas en Europe en terrain conquis, et rien ne dit qu’il sera la pièce centrale du système mis en place. Dans une dispositif sans n°10 comme le 4-3-3, on imagine davantage l’Argentin comme faux neuf qu’au milieu de terrain. Par sa science du placement et de la passe, son agilité et son flair, Almada pourrait remplir un rôle de facilitateur. Très tonique sur les appuis et à l’aise dans les petits espaces, il pourrait se créer de l’espace pour mettre à profit sa belle frappe de balle. Mais c’est un jeune joueur, encore irrégulier – particulièrement dans les trente dernières mètres – il n’est pas recommandé d’en faire son finisseur attitré. Plus bas sur le terrain, son obsession pour le ballon lui confère un goût pour le gain de celui-ci mais, aussi teigneux qu’il soit, il manque encore d’impact physique dans l’entrejeu.
On peut imaginer Almada dans une position d’ailier. Comme l’atteste la description de son profil, il répond à bon nombre d’exigences à ce poste. Il faut se figurer qu’il ne sera jamais un ailier traditionnel, qui mange la ligne de touche et distribue les centres à l’intention de son avant-centre. Même sur le côté droit qui est celui de son meilleur pied, Thiago Almada rentre systématiquement dans l’axe. C’est son jeu. Cela ne l’empêche pas de jouer dans un couloir, surtout si le latéral aime dédoubler sur l’extérieur. Il peut également remplir ce rôle dans un 4-4-2. Dans ce système, cependant, on aime à l’imaginer en second attaquant. Aux côtés d’un attaquant de pointe plus dense physiquement, capable de fixer une défense, Almada serait capable d’interpréter et d’exploiter les espaces qui s’offriraient à lui. Pour le moment, il doit se concentrer sur ces JO, briller pour rendre fier son pays.
Vous l’aurez compris, Thiago Almada est un grand espoir du football argentin et mondial. À l’aise à plusieurs postes, ses ressources physiques, techniques, perceptives et mentales lui permettent d’offrir à son équipe de l’imprévisibilité et une grande flexibilité offensive. Priorité de Jorge Sampaoli au début du mercato estival, l’entraîneur de l’OM parlait d’Almada en ces termes : « C’est un nom qui me semble avoir un grand avenir. N’importe quel entraîneur le voudrait dans son effectif. Je le connais très bien. On a une très bonne relation. Il est en pleine croissance, avec un grand avenir. C’est un milieu de terrain avec une large palette offensive. » À vous de vous faire un avis, et voilà une bonne raison de suivre le tournoi olympique de football. On revient très vite vous en donner 3 autres !