Le CCS s’est penché hier sur la question de la dangerosité du rugby . Pour en savoir plus sur le sujet, nous sommes partis à la rencontre de l’ouvreur du Stade Français Paris, Joris Segonds, qui a accepté de donner sa vision des choses. Âgé de 24 ans et formé à Aurillac, il était coéquipier de Louis Fajfrowski au moment du drame.
Pouvez-vous vous-même confirmer qu’il y a une augmentation de la violence des chocs durant les rencontres ces dernières années ?
J. S : “Oui je confirme il y a une augmentation de la violence des chocs durant les rencontres. La vitesse de jeu augmente ainsi que le physique des joueurs. Les joueurs sont de plus en plus athlétiques, de plus en plus musclés, de plus en plus rapides donc forcément les chocs sont plus rudes.”
Pour vous, a-t-on perdu l’essence même du rugby qui est un sport d’évitement et de contact ? Cherche-t-on seulement l’affrontement physique de nos jours ?
J. S : “Non je ne pense pas. Le principe du rugby reste avant tout de prendre des espaces. Après, le niveau est de plus en plus élevé, les défenses de plus en plus fortes donc parfois le contact est une façon d’avancer et de resserrer les défenses pour justement se créer des espaces. Je pense que dans tous les clubs l’objectif est de gagner les espaces plutôt que le contact.”
“Abaisser la ligne de plaquage […] je trouve ça un peu ridicule”
Comment adaptez-vous au sein de votre club la préparation physique pour « contrer » ce durcissement des contacts ?
J. S : “La préparation est très importante au rugby surtout quand on est professionnel. Nous sommes suivis de très prêt médicalement par des kiné, des préparateurs physiques, des nutritionnistes qui nous forment au mieux pour éviter les blessures liées aux contacts. La musculation, la récupération et l’hygiène de vie sont aussi des facteurs très importants pour éviter de se blesser. Après malheureusement les blessures ne se choisissent pas…”
Comment jugez-vous les nouvelles mesures prises par les instances (protocole commotion, carton bleu, baisse de la ligne de plaquage) pour réduire les chocs ?
J. S : “Le fait d’intégrer le carton bleu et le protocole commotion je pense que ce sont de bonnes choses. Cela évite de laisser un joueur qui a subi un coup important de rester sur le terrain car ça peut vite devenir dangereux. La santé du joueur passe avant tout. Après, abaisser la ligne de plaquage en dessous de la poitrine ou de la taille, je trouve ça un peu ridicule car il peut y avoir le même choc selon comment on positionne notre tête. C’est facile d’en parler mais une fois sur le terrain on doit agir le plus rapidement possible. On a pas le temps d’analyser de quel côté mettre l’épaule, la tête ou le bassin pour plaquer. Ces mesures font partie du jeu, il faut faire avec mais c’est dommage d’en arriver là car ça peut effrayer les plus jeunes mais surtout les parents.”

Vous avez été confronté à un drame en 2017 avec le décès de votre coéquipier à Aurillac Louis Fajfrowski. Comment se remet-on d’un drame comme ça et comment avez-vous réagi dans votre ancien club ?
J. S : “C’est mon pire souvenir en tant que rugbyman… Louis était un ami très proche. Cela a été très dur pour le groupe de s’en remettre surtout en se disant que c’est en jouant au rugby, notre métier mais avant tout notre passion, que cela est arrivé. Personne ne se remet de la même façon de ce genre d’évènements. Pour ma part, j’y pense à chaque fois que j’entre sur un terrain. Pas en me disant que ça peut m’arriver juste en pensant à lui et en me disant que j’ai la chance de vivre de ma passion. Rien que pour lui qui n’a pas eu cette chance, on se doit de faire les choses bien. Les jours après son décès ça a été très dur de s’entraîner. On débutait la saison seulement quatre jours après. C’était dur mais il faut faire abstraction. Il faut jamais penser au pire, toujours prendre le bon côté des choses. C’était un mec qui avait le sourire 24 heures sur 24, on se doit de l’avoir nous aussi pour lui. Il faut se dire que le rugby c’est avant tout une passion et cet accident j’espère qu’il ne se reproduira nulle part ailleurs. On ne mérite pas de mourir sur un terrain de rugby. Il faut pas penser à ça. Il faut continuer même si c’est dur et vivre sa passion à fond.”