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JO Tokyo | Samir Aït Saïd, des anneaux et un drapeau

Le 6 août 2016, le monde entier découvrait Samir Aït Saïd. Aujourd’hui, le monde entier le redécouvrira lorsqu’il mènera la délégation française aux côtés Clarisse Agbegnenou, une judokate au parcours de vie aussi complexe que le sien. Retour sur celui qui portera le drapeau français à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Tokyo.

L’homme des rendez-vous manqués

Samir et les Jeux Olympiques, c’est jusqu’à présent une triste histoire d’amour. Samir les aime beaucoup, mais ils ne le lui rendent pas très bien. C’est une histoire de rendez-vous manqués et de cœur et corps brisés.

Qualifié en 2012 pour les Jeux de Londres, Samir se blesse aux championnats d’Europe quelques mois plus tôt. Le jeune gymnaste voit alors une première opportunité de rencontre partir en fumée. Quelques années plus tard, c’est du haut de sa 4ème place aux anneaux acquise aux championnats du monde de Glasgow fin 2015 qu’il s’y présente. Lors de cette compétition à moins d’un an des jeux, il était passé à côté du podium pour quelques centièmes. Alors, à Rio, les fans de gymnastique veulent y croire : malgré la rude concurrence, il pourrait écrire une belle page de l’histoire de leur sport.

Le début du rendez-vous brésilien se passe comme prévu. Avec sa note obtenue aux anneaux, il valide son ticket pour la finale de son agrès fétiche. Malheureusement, le rendez-vous prendra violemment fin. Samir se brise la jambe en réception de son saut dès le deuxième agrès. Alors à date, pour tous ceux qui ne s’intéressent à la gymnastique qu’une fois tous les quatre ans aux Jeux, Samir reste le blessé de Rio.

Samir aux anneaux lors des Jeux Olympiques de Rio (AFP)

Une détermination inébranlable

Ce jour-là, nombreux sont ceux qui lui prédisent une fin de carrière. Mais Samir ne le voit pas ainsi. A force de travail, il revient à la compétition un peu plus d’un an après sa blessure. Ce retour, il le doit notamment à son entraineur et préparateur physique qui n’hésiteront pas à le pousser dans ses retranchements, son rêve de podium olympique faisant le reste. En effet, cela reste une grosse source de motivation.

Fin octobre 2017, le gymnaste a donc 2 choses à fêter : sa belle 4ème place aux championnats du monde de Montréal à 0.008 points de la 3ème place et son diplôme de kinésithérapeute validé pendant son année de rééducation.

« La vie, c’est les montagnes russes »

Par la suite, le gymnaste enchaîne les hauts et les bas au rythme de la vie. Le décès de son père, survenu début 2019, avec qui il partageait son rêve olympique, fut un moment difficile. La naissance de sa fille cette année fut bien plus heureux.

Dans un sport manquant de visibilité, il est également contraint d’arrêter son métier de kinésithérapeute, qu’il pratiquait chaque jour entre 7h30 et 14h avant de prendre la route de l’entrainement. En effet, la fatigue jouait sur ses performances et entrainait un risque de blessure. Désormais, il peut se concentrer uniquement sur son sport. Mais sans salaire, il doit se contenter des aides de son club, de la fédération et du Pacte de performance visant à aider les sportifs de haut-niveau pour vivre. Une situation difficile qu’il partage avec un grand nombre d’athlètes aux Jeux Olympiques. Beaucoup de sports ne permettent en effet pas d’en vivre et c’est pour tous ces sportifs amateurs qu’existent les Jeux Olympiques avant tout.

Le rêve olympique

Dans une discipline où les Jeux représentent le graal absolu, Samir n’a jamais caché son ambition : l’or. Le lendemain de sa blessure en 2016, il se filme depuis l’hôpital donnant rendez-vous à tout le monde à Tokyo pour le ramener.

Après avoir raté la qualification pour les Jeux de Tokyo en équipe, il doit se qualifier seul. Pour cela, il lui faut un podium aux Championnats du monde de Stuttgart en 2019. La pression est importante, la libération d’autant plus belle. Il prend la 3ème place devant le grec Elefthérios Petroúnias, champion olympique et triple champion du monde de la discipline. Celui-ci revenait tout juste d’une opération. Ce faisant, il valide son ticket pour Tokyo avec une émotion palpable. Une nouvelle chance est donnée à son aventure olympique.

Samir Aït Saïd à la fin de son enchainement à Stuttgart (W. Rattay/Reuters)

Aux anneaux, la densité est importante pour le podium. Avec le report d’un an des jeux, le « Seigneur des anneaux » grec a eu le temps de se remettre de son opération de l’épaule tout juste guérie lors des championnat du monde de 2019. Il a pris une place qualificative individuelle lors des étapes de coupe du monde et s’est emparé de l’or aux championnats d’Europe en avril dernier, dépassant fortement la concurrence.

C’est pourquoi Samir décide de travailler de nouveaux éléments. Cette nuit, lors des qualifications, il devrait présenter un élément inédit longtemps resté secret. S’il laissait entendre qu’il préparait quelque chose depuis de longs mois, personne ne savait vraiment de quoi il s’agissait. Tenté lors de l’entrainement dans la salle de compétition jeudi, il devrait présenter une montée en équilibre depuis une planche. S’il réussit l’élément en compétition, il gravera son nom à jamais dans l’histoire de son sport. Mais cela lui permettra également d’augmenter sa note de difficulté. Ainsi il pourra peut-être grappiller quelques places, pour se rapprocher de l’or tant convoité.

« J’ai eu du mal à le croire. On ne sait jamais, elle aurait pu se tromper et aurait pu penser que c’était Flo [Florent Manaudou] ou Renaud Lavillenie au téléphone. Mais non c’était bien moi. »

Samir Aït Saïd, au micro d’Europe 1, à propos de l’annonce qu’il serait porte-drapeau.

D’ici quelques heures, Samir Aït Saïd portera le drapeau français lors de la cérémonie d’ouverture. S’il était un outsider face aux médaillés olympiques que pouvaient être Renaud Lavillenie ou Florent Manaudou, son histoire et sa détermination auront séduit les autres membres de l’Equipe de France Olympique. En effet, avec son parcours, son histoire difficile avec les Jeux, il représente une grande part des athlètes. Il est l’image de ceux qui sacrifient tant pendant des années pour un rêve éphémère et sans la moindre assurance de succès.

C’est aux côtés de Clarisse Agbegnenou, une amie, qu’il mènera la délégation française. Une nouvelle page de son histoire olympique s’écrira aux côtés d’une judokate. Cela n’aurait pas manquer de faire plaisir à son père. En effet, il rêvait de le voir faire du judo lorsqu’il était enfant. Il en a gardé le goût pour les sports de combat qu’il partagera avec sa binôme. Il les a d’ailleurs pleinement intégrés dans sa préparation physique.

Après un premier rendez-vous manqué, une première rencontre peu concluante, l’histoire de Samir et des Jeux Olympiques semble désormais sur le point de s’écrire. A Tokyo, il gravera son nom aux côtés de tous ceux qui ont un jour eu l’honneur de représenter leur pays. Aujourd’hui, avec Clarisse ils porteront le drapeau français, tout en rêvant de le voir s’élever d’ici quelques jours dans leurs gymnases respectifs. Et c’est tout ce qu’on peut leur souhaiter.

Après l’avoir suivi pendant la cérémonie, vous pourrez le suivre lors des qualifications aux anneaux samedi à 3h du matin, puis le mardi 2 août à 10h pour la finale anneaux s’il parvient à se qualifier.

Pour découvrir Clarisse Agbegnenou : Clarisse Agbegnenou, porte-drapeau au pays du judo

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